dimanche 9 février 2025

Le commissaire général Jacques Ferlicot

Décédé en 2012 à la veille de son 95e anniversaire après une carrière complète au service de l’Armée de l’air (1), le commissaire général Ferlicot est l’un des grands anciens du Commissariat de l’air (2) qui mérite que l’on revienne sur sa biographie, rédigée par le commissaire général (2S) François Aubry.

Né à Honfleur – où son père est « Maître de port » - le 25 janvier 1917, Jacques Ferlicot poursuit ses études jusqu’au brevet élémentaire, qu’il obtient en 1934. Il s’engage ensuite, par devancement d’appel le 18 avril 1936 (à 10h du matin !), devant l’intendant militaire de Boulogne-sur-Mer. Cette ville devient alors son nouveau lieu de résidence, où il exerce la profession de comptable militaire. Son contrat stipule qu’il doit rejoindre le Bataillon de l’air 102 de Dijon mais il est, entretemps, affecté à la 17e Compagnie de l’air, juste rebaptisée base aérienne de Paris- Issy les Moulineaux le 15 octobre 1936.

Après deux ans de service, il est démobilisé en 1938 avec le grade de sergent de réserve. Mais il reprend du service peu après, comme caporal-chef d’active au bataillon de l’air 104 de Lille-Seclin. 

 La guerre et l’épaulette

La « drôle de guerre » le trouve d’abord au bataillon de l’air du quartier général de l’air à Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux (près de Meaux) puis, en avril 1940, à l’école technique de Chartres comme élève mécanicien. Un an plus tard, il renoue avec l’administration lorsqu’il est mis à disposition en 1941 des services généraux de l’administration centrale à Vichy. Il est alors affecté au service du personnel de l’Armée de l’air situé à Chamalières, qui jouxte l’établissement de l’Intendance de l’air (3).  Le renouvellement de ses contrats d’engagement s’effectue successivement en 1941 devant « l’intendant de l’air de Clermont Ferrand », Pierre de Broca (4), puis en 1942 devant « l’intendant des bases » M. L. Durand (5). 

Ayant envisagé d’entamer une carrière d’officier, le sergent Ferlicot prépare et intègre l’école militaire de l’air, alors à Toulouse-Pérignon. Sa scolarité, commencée le 4 novembre 1942, s’achève vingt-trois jours plus tard, l’Armée de l’air métropolitaine ayant été dissoute à la suite de l’invasion de la zone libre par les Allemands. Il est un de plus jeunes de cette brève promotion, dont la moitié intègrera le commissariat de l’air après la guerre.

L’administration n’ayant pas été dissoute mais « civilisée », il est rappelé dès le 5 janvier 1943 au dépôt de stockage d’Aulnat comme « sous-agent principal hors classe », au poste d’adjoint au comptable Finances. Son troisième contrat d’engagement est signé par l’intendant de l’air Lamouille qui a remplacé Durand à l’IA de Clermont Ferrand. Le sous-lieutenant Ferlicot rejoint cette Intendance de l’air au poste d’adjoint de chef des Bureaux en mai 1943 mais reçoit un an plus tard sa sixième affectation depuis le début de la guerre comme officier des détails de l’éphémère compagnie du guet 15/71 d’Issoire. 

Les opérations reprenant après le débarquement en Normandie, il participe à l’action d’un groupe de Résistance des FFI (groupe Didier), avant d’être rappelé par l’Armée de l’air en novembre 1944 pour armer la DIAAA qui vient d’être créée à Balard sous la direction de Joseph Perret (6). 

 L’intendance de l’air puis le commissariat de l’air

Comme lieutenant d’administration, il sert en administration centrale avant d’être affecté comme chef de section à la Direction de la 1e Division aérienne (DIVAR) stationnée à Lahr en Allemagne où il arrive le 21 mai 1946 (7). Il y retrouve le commissaire colonel Lamouille, son chef de service, qui l’encourage à préparer le concours de l’ESI (8). Il en intègre la section air, le 1er octobre 1949, et fera une scolarité complète de deux ans avec, à l’issue, une intégration dans le corps des commissaires-ordonnateurs de l’air en qualité de commissaire-adjoint (capitaine).

Après un court passage comme adjoint du commissaire Delpuget à l’Intendance de Paris I, son premier poste en responsabilité est celui de chef de service à la direction du commissariat de Djibouti, où il est promu commissaire commandant et met en place une administration autonome, distincte de l’intendance coloniale et séparée du soutien assuré auparavant par Madagascar. Il sera l’un des derniers à rejoindre cette affectation (et à en revenir) par voie maritime (9).

Sa carrière s’oriente ensuite pour une longue période dans le domaine du matériel, comme adjoint du directeur du MCH 798 (Ris-Orangis) en 1954-56, puis à l’ECCA 798 de 1956 à 1959 où il est promu commissaire lieutenant-colonel. En 1959, il revient à l’administration centrale comme adjoint du commissaire Pomarède à la sous-direction du matériel, avant de quitter le service du commissariat de l’air pour l‘inspection des fabrications d’armement où il obtient ses galons de commissaire colonel le 1er janvier 1965. Ces affectations lui laissant un peu de temps libre, il en profite pour suivre des études de droit qui le mèneront, en quatre ans, de la capacité en droit en 1962 à une licence de droit public obtenue avec mention bien.

1968
1967
Les postes de direction s’enchaînent  par la suite. Il est le créateur, puis le premier directeur en 1966 du SACA, institution administrative originale et sans équivalent dans les armées, qui rassemble diverses attributions empruntées au CBA 752 qu’il absorbe, à la DRCA 2e RA et même à l’état-major de l’armée de l’air.  Les évènements de 68 le mettront dans une situation telle que le commissaire général Burdin, alors directeur central en 1975,  l’évoquera, avec humour, lors de son départ en deuxième section (voir ci-après).

Il revient en 1969 à des fonctions plus classiques : sous-directeur Finances à la direction centrale puis directeur régional à Dijon en 1971 où il est nommé commissaire général à son arrivée.

1976
En 1973, il sera le dernier inspecteur dans la formule ICAA (avec deux A) et le premier inspecteur du commissariat et de l’administration de l’armée de l’air. Son départ en deuxième section intervient le 1er mai 1975 au terme de 39 années au service de l’armée de l’air, dont plus de trente dans l’Intendance de l’air et le Commissariat de l’air.

Il décède le 24 janvier 2012 à Ivry-sur-Seine.

 Titulaire de l’ordre national du mérite en 1969, de la Légion d’honneur en 1972 et
de la médaille de l’aéronautique en 1976, il cumulait 202 heures de vol effectuées, pour plus de la moitié, lors de son affectation en Côte française des Somalis.             

(1) Cf. article du 20 novembre 2012

(2) Après les commissaires : Perret (septembre 2013), Caillat (octobre 2013), Bilbault (octobre 2013), Daume (mai 2014), Le Forestier (juin 2015), Rouganiou (juillet 2017), Paul de Raguenel (septembre 2017), Habert (octobre 2017), Mousist (août 2018), Thiolat (décembre 2018), Leca (février 2019), Lafuente (mars 2019), Tardy (septembre 2019), Lenoir (juillet 2021), Gardeur (septembre 2021), Bourrel (janvier 2023)

(3) Cf. « L’établissement du commissariat de l'air de Chamalières » (11 juin 2019)

(4) Père du commissaire général (2S) Jean de Broca

(5) La différence de titre s’explique par le fait que ce dernier est un intendant Terre mis à la disposition de l’Air, dont il ne fait pas partie.

(6) Cf. article du 28 septembre 2013

(7) Cf. article « La direction du commissariat de l’air du 1er CATAC, de la 1ère région aérienne et de la FATAC-1ère RA » (juin 2023)

(8) Ecole supérieure d’intendance de l’armée de terre. La section Air est composée aussi de Laurent Delphini, Henri Mourton, Marius Guillelmet et Jacques Castaing.

(9) Voyage aller du 19 au 28 octobre 1951 et retour du 10 au 19 mars 1954, réalisés tous deux à bord du «S/S Maréchal Joffre ».

Les évènements de mai au SACA

On rappellera que, de sa création en 1966 jusqu’en 1971, le service administratif du commissariat de l’air (SACA) fut installé hors la cité de l’air dans le bâtiment dit « le bastion ». On rappellera aussi que, durant les évènements de mai 1968, le ramassage des ordures ménagères fut assuré par l’armée, qui les déversa parfois… dans les quelques terrains « inoccupés » de la capitale. Ainsi, le bastion, étant de l’autre côté du boulevard des maréchaux, fut-il rapidement cerné par les ordures du 15ème arrondissement et le SACA envahi par les rats !

Pour endiguer cette invasion, on mit le feu aux monceaux d’ordures. Et ce que les rats n’étaient pas parvenus à faire, les fumées des brûlis y parvinrent : le SACA dut être évacué, à l’exception toutefois de son directeur, le commissaire colonel Ferlicot, et de son secrétariat. Tous survécurent. 

Par ailleurs, les évènements de mai 1968 permirent au SACA de mettre en œuvre, en  avant-première, la mesure « Crésus » grâce à laquelle, malgré les grèves du centre de C.C.P, les militaires de la cité de l’air furent soldés. Cinq millions de francs - de 1968 - furent retirés en liquide de la paierie et transportés discrètement à travers un Paris paralysé.

Guy Burdin (ECA 55). Anniversaire des 20 ans du SACA - 1986