Après la guerre, certaines bases aériennes, assurant le support d’un établissement, étaient encore installées dans des locaux très anciens et non adaptés, modernisés au rythme des capacités financières du moment. Lors des inspections du commissariat de l’air, si la triste réalité ne pouvait être occultée, la plume du rédacteur pouvait au moins la décrire avec des mots choisis, sans langue de bois et dans l’esprit d’un Flaubert assurant que « le style est autant sous les mots que dans les mots ». Beaucoup de ces bases aériennes ont été fermées dans les années 1990.
Une inspection dans
les années 70, morceaux choisis :
"La base durera aussi longtemps que le granit qui en constitue le gros œuvre. Le bâtiment a les qualités des constructions en pierre de taille de l'époque, il en présente aussi les défauts: les salles à manger ont le charme vieillot des réfectoires d'autrefois… même le savoir-faire des cuisiniers se ressent du vieillissement des lieux".
"Les chambres restent
monacales, privées de rideaux et d'éléments de décoration; le programme de
rénovation n'atténuera pas l'impression de misérabilisme provoquée par de
chiches conditions d'éclairage".
"Les découpages et zébrures
qui affectent les rideaux ne doivent manifestement rien au tapissier, au
confectionneur ou à l'usure du temps".
"Certains des matelas ont
l'âge, mais non point la jeunesse des appelés… ".
"Les distributions de produits
d'entretien aux appelés portent sur 4 articles dont une savonnette : des
répartitions moins homéopathiques contribueraient sans doute mieux à
l'élévation des standards d'hygiène et de propreté.
"Si la réglementation
précède rarement l'évolution des mœurs, peut-être le moment est-il venu de
prendre acte que l'après-guerre est définitivement révolu et que, en même temps
qu'est aujourd'hui offert sur les bases aériennes un niveau de prestations
collectives ne présentant plus aucun rapport avec les savonnettes de l’ex-intendance,
une certaine forme de paternalisme a irrévocablement vécu".
"L'infrastructure est dans
l'ensemble correcte bien que quelques baraques entièrement délabrées tiennent
encore debout et soient utilisées comme dépôt de matériels dans des conditions
H.S.T. déplorables".
"Les baraques des services administratifs
sont les témoins expressifs des rides dues au temps, leur mise hors d'eau devient chaque hiver plus
problématique".
"Les habitudes ont parfois
la vie dure, surtout lorsqu'elles sont devenues des mythes: ainsi en est-il de
la prévision des rationnaires… à laquelle personne ne croit et sur laquelle
personne ne s'appuie".
"Le désherbage du sol de la
double clôture est assuré dans des conditions qui n'ont qu'un rapport très
lointain avec les lois de l'écologie ".
"Le mess unique est en
réalité un organisme gémellaire. Les appelés y occupent des salles qui
oscillent entre le provisoire et le désuet. La mémoire du gérant tient lieu de
documentation: l'effort est méritoire mais risque de s'avérer aléatoire. Le self
en ligne a été créé sans doute à l'économie, il demeure un self croupion*. Cette
survivance de la restauration pré-collective exige une main d'œuvre abondante.
En conclusion : Le fonctionnement
de cette base montre que les normes d'administration au niveau central ne sont
pas des utopies technocratiques".
*Inspection effectuée avant que ne soit confiée la restauration au Commissariat de l'air (NDLR)