Par Hervé Languenan (ECA 78)
Où l’on voit un commissaire de l’air exercer son rôle de conseil…
Octobre 1981. Je suis adjoint au chef de la division Finances de la DRCA 2°RA à Villacoublay. Nous partageons avec la direction technique et la direction régionale du service de santé le deuxième étage de l’état-major régional, et il n’est pas rare de croiser dans les couloirs le médecin-général inspecteur Valérie André, alors DRSS.En pareille circonstance, pour ma part, le protocole est bien établi et il est hors de question d’y déroger. Relever la tête et prononcer un franc et sonore : « Mes devoirs, MON général ». Cette petite mise en scène amuse beaucoup mon compagnon de bureau (aspirant facétieux qui accomplit ses obligations légales dans le commissariat de l’air avant d’intégrer HEC), qui me déclare un jour :
- Chiche que la prochaine fois que nous la croisons, je lui dis « Bonjour madame ! » ;
- Ne fais pas l’idiot, lui ai-je répondu. Et, de fait, il n’a jamais tenté le coup.
Pour le reste, les relations qu’entretiennent la grande Dame et notre directeur, le commissaire général Bajard, sont par moments tumultueuses, notamment à propos de récurrents problèmes de frais de déplacements. Lorsque deux (très) forts caractères s’entrechoquent, il se produit naturellement des étincelles, et prudemment, eu égard à mon appartenance à la division finances, je me tiens à distance respectable du front, sans imaginer un seul instant me retrouver un jour en première ligne.
Un beau matin, je suis convoqué toutes affaires cessantes par le directeur. Il est de fort méchante humeur.- Languenan, le médecin-général continue à se plaindre à propos de ses ordres de mission. Vous allez immédiatement la voir et vous me réglez ça !
- Bien mon général, dis-je mécaniquement, un peu interloqué, mais surtout en proie à un stress grandissant à la pensée du tête-à-tête à venir…
Je n’en mène pas large lorsque la secrétaire m’introduit dans le vaste bureau du médecin général Valérie André. La pièce, entièrement moquettée de rouge, me paraît immense. Au fond, trône un grand bureau derrière lequel l’autorité des lieux me transperce du regard.
- Commissaire lieutenant Languenan, mes devoirs mon général. Le commissaire général Bajard m’a chargé de…
- Je sais, je sais, répond-elle d’un ton sec, sans me laisser le temps de terminer ma phrase. Approchez, mon jeune ami, approchez !
Quelque peu décontenancé par la formule, j’avance de quelques pas et me retrouve face à mon interlocutrice.
- Non, non, pas ici, plus près. Venez à côté de moi. Je ne comprends rien à vos trucs de commissaires et le trésorier va encore refuser mon compte rendu de mission parce qu’il est mal rédigé.
Désormais côte à côte, nous entamons une longue séance d’écriture à quatre mains sur un certain nombre d’ordres de mission qui, effectivement, méritent quelques corrections… De rature en surcharge, je l’initie avec beaucoup de pédagogie aux arcanes (j’en conviens) de l’indemnité kilométrique, du découcher, du mode de locomotion, etc. etc.Ce faisant, j’imagine sans peine combien ces nécessaires mesquineries administrativo-comptables doivent lui paraître futiles au regard de son prestigieux passé de femme d’action et me sens presque coupable de lui imposer pareilles tracasseries. Je savoure toutefois au plus haut point ce moment de complicité et la fierté d’avoir côtoyé de si près ce grand personnage.
En fin de compte, les ordres de mission furent validés par le trésorier, ce qui me valut un gentil coup de fil de remerciement (précieux souvenir) et sonna concomitamment, pour le général Bajard, l’arrêt à son encontre des « agaceries verbales » de sa collègue directrice régionale du service de santé ! Le diable était tout simplement dans les détails.