mardi 12 novembre 2024

Décès du commissaire colonel Jean-Noël Rey

Nous apprenons le décès du commissaire colonel (R) Jean-Noël Rey (ECA 72) le 12 novembre 2024 à l'âge de 77 ans.

Le bureau présente ses sincères condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.

La cérémonie des obsèques et l'inhumation au cimetière des Fauvelles à Coubevoie (92) ont eu lieu  20 novembre 2024.

Condoléances à transmettre à son épouse, madame Christine Rey (167 boulevard Saint-Denis 92400 Courbevoie)

ou Espace mémoriel : https://www.espace-hommage.fr/mon-espace/4a3be055

Biographie

Né le 24 décembre 1946 à Poitiers

1972
1972-74 : ECA Salon-de-Provence

Simon (Olivier), Rey
Boulenc, Del Fabbro, Simon (Olivier), Rey


1974-75 : stage de fin de scolarité à Toulouse-Francazal

1975-78 : DRCA 4ème RA - Aix-en-Provence

1978-81 : Délégation à l’espace aérien (détachement) Paris

1981-83 : Commissaire de la BA 190 Faaa ; 1982 : promu commissaire commandant

1983-86 : Commissaire de la BA 709 Cognac

séminaire à Tours en juin 1986 :  1er rang, à gauche

1986-91 : Commissaire de la BA 921 Taverny ; 1987 : promu commissaire lt-colonel

1991-94 : Direction du commissariat Nord-est - Villacoublay

(1992 février - juin : Mission d’observation UE en Croatie- voir ci-dessous)

1994-98 : Conseiller auprès du Commandement Air des Systèmes de Surveillance, d'Information et de Communication- Villacoublay ; 1995 : promu commissaire colonel

1998-2000 : Participation Air auprès de la base de transit interarmées - La Rochelle

2001 : Départ de l’Armée de l’air

Chevalier de la Légion d'honneur, chevalier de l'ordre national du Mérite, , médaille commémorative ex-Yougoslavie

Mission d’observation UE en Croatie février – juin 1992

J'ai été passionné par ma mission en Croatie où j'ai côtoyé tous les milieux de la société croate. 

L'ECMM, mission diplomatique assurée par des militaires, était appréciée par tous les bureaux de l'EMA et les services de nos ministères. Elle était attentive aux échanges de prisonniers et au sort des réfugiés des minorités en péril. Un organisme discret mais très efficace, avec une économie de moyens, sans grosse logistique ou machinerie. Je pense que cette discrétion et l'absence de sensationnel autour d'elle en faisaient son efficacité. De plus, il s'agissait d'une mission pionnière de la diplomatie européenne, précurseur de la politique européenne de sécurité et de défense.
En 2000, l'ECMM devint l’EUMM, mission civile d'observation de l'Union européenne dans les Balkans, couvrant l'Albanie, la Bosnie, la Macédoine et la Serbie (dont le Kosovo) et qui compta 120 observateurs (des militaires non armés) et 75 personnels locaux. Elle se termina en décembre 2007.

Enfin, il ne faut pas opposer ECMM, FORPRONU et OTAN, même si ces deux dernières pouvaient recourir à la force. A cet égard, seule l'OTAN, prenant la suite de la FORPRONU en Bosnie, a pu aboutir à la paix en Bosnie, concrétisée par les accord « de Dayton », signés à Paris le 14 décembre 1995. 
(cf. l'article du 4 février 2021 : "Un commissaire de l’air en mission de contrôle du cessez-le-feu en ex-Yougoslavie"- inscrire "Rey" dans le moteur de recherche)

Texte lu aux obsèques

Je l'ai rencontré il y a plus de cinquante-deux ans, en juin 1972 lors des épreuves orales du concours du Commissariat de l'Air, à Paris, à la Cité de l'Air où tous les candidats étaient logés. Nous étions dans la même chambrée, avec Olivier Simon et Jean Boulenc. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais, entre nous quatre, ce fut immédiat : l'entente, la complicité, l'envie de rire. […]

Au premier regard, au premier échange, ce qui frappait en lui, c'était l'originalité, la singularité du personnage. Jean-Noël n'était pas comme tout le monde. Il avait sa manière d'être, sa façon de voir les choses. Quand Jean Boulenc et moi parlions de lui, nos phrases commençaient souvent par "Tu connais Jean-Noël" et l'autre terminait le récit par "ça, c'est bien Jean Noël". Ce n'était pas une manière de se moquer, non, c'est parce qu'il avait une façon particulière et bien à lui de regarder le monde.

Ce qui frappait également, c'était sa curiosité et l'intérêt qu'il portait à celles et à ceux qui l'entouraient. Il n'était pas du tout autocentré. Il lisait la presse, écoutait la radio, s'intéressait vraiment aux autres, les interrogeait et les écoutait. Ils s'en rendaient compte et ne l'oubliaient pas. Lorsque j'ai pris mon poste à Bamako en 1987, je me suis présenté chez le payeur de l'ambassade de France pour y ouvrir un compte afin de percevoir ma solde. Le fonctionnaire qui me présentait les papiers à signer m'a demandé : "Vous êtes de l'Armée de l'Air, alors vous connaissez certainement Jean-Noël Rey ?". Cela ne m'a pas  surpris. Jean-Noël avait un carnet d'adresses hallucinant. Il connaissait des gens dans le monde entier, dans des endroits improbables dont nul n'a jamais entendu parler. Il suffisait que quelqu'un lui dise : "Je dois me rendre en Mongolie, à Oulan Bator" pour qu'il lui donne aussitôt le nom et l'adresse d'un restaurant, d'un bijoutier local ou d'un ami chez qui demander l'hospitalité.

De cet intérêt qu'il portait aux autres, découlait probablement son goût, sa passion pour les langues étrangères : jeune, il parlait déjà couramment l'anglais et l'allemand. Son séjour en Croatie l'avait conduit à apprendre le Croate et le mariage de Nicolas avec Serenella l'avait naturellement amené à l'Italien. Avec la langue, venait naturellement le reste, l'histoire, l'art, la littérature, le cinéma, en un mot la culture.

Parce qu'on ne peut pas parler de Jean-Noël sans évoquer sa culture polymorphe. Il lisait tout, histoire, littérature, presse spécialisée ou généraliste, regardait des émissions de télévision qui passent à trois heures du matin, assistait à des conférences dont le sujet allait de l'état des fouilles archéologiques des ruines romaines de Leptis Magna à la vie à Constantinople sous le règne de l'empereur Maurice Paléologue. Il avait une culture cinématographique encyclopédique, et m'a fait regarder des films - admirables - de metteurs en scène hongrois, en noir et blanc et en version originale sous-titrée en moldo-valaque. Sa curiosité était toujours en éveil. Cette culture n'aurait pas eu grand intérêt si elle ne s'était accompagnée d'un esprit critique qui lui permettait d'avoir sur les gens, sur les événements, sur la vie et sur lui-même une vision lucide et sans concession, non dénuée parfois d'un humour caustique, qu'il exerçait d'ailleurs souvent à son propre endroit, en bref d'être un homme libre. Il avait parfois la dent dure, mais c'était toujours drôle.

Et puis il y avait le reste, tout ce qui me revient au fil de la plume : Jean-Noël parlait beaucoup, mais il était secret sur lui-même. Parfois, au détour une phrase, il laissait entrevoir pudiquement ce qui était probablement une blessure sur laquelle il ne voulait pas s'attarder. Il pouvait se mettre soudainement en colère pour ce qui pouvait apparaître comme une futilité mais qui ne l'était pas pour lui. Enfin, il nous a fait vivre des moments de pure terreur au volant de sa 2 CV Citroën en conduisant, la main gauche sur le volant et, de la main droite, faisant sa valise qui se trouvait sur le siège arrière. Je jure que c'est vrai, j'ai un témoin.

Enfin et je veux le dire à ses enfants et petits-enfants : ce que je retiens en premier lieu de Jean-Noël, c'est son courage physique. A Salon, lors de certaines marches, je l'ai vu épuisé, à la dérive, prêt à tomber, puis, animé par une détermination qui confinait à la rage, se redresser, le regard dur, les dents serrés, repartir en avant et doubler tout le groupe. Le capitaine Gillet, notre brigadier qui avait assisté à une scène de ce genre et qui n'était pas facilement impressionnable m'a dit de lui : "Votre copain, il sait mordre dans le coussin". Plus tard, il l'a prouvé en opération extérieure, dans les Balkans, au cours de deux séjours qui ne furent pas des promenades de santé et où il s'est fait tirer dessus à coup de canon, ce qui ne l'a pas traumatisé et ce dont il n'a pas cherché à tirer gloire.

Lorsque nous étions jeunes, Jean-Noël arrivait toujours en retard aux rendez-vous qu'il nous donnait. C'était connu, nous en plaisantions et lorsque, par extraordinaire, il était à l'heure, c'est parce qu'il avait dû se tromper en réglant sa montre. Au fil du temps, probablement grâce à Christine, il s'est corrigé. Aujourd'hui, je m'en veux : j'aurais aimé qu'il soit en retard, très en retard, ici, à ce rendez-vous.

Jean Noël, mon vieux frère, de notre quatuor, tu rejoins aujourd'hui Olivier. Vous avez tous les deux un fichu caractère. Rigolez un bon coup, ne vous engueulez pas trop et attendez nous, on arrive.

Commissaire lieutenant-colonel (R) Marc Del Fabbro (ECA 72)

Messages

Jean Noël m'a adressé son dernier mail le jour de sa mort à 03h16. 
Jean Noël était mon frère, avec Jean Boulenc et Olivier Simon. A Salon, nous étions dans la même brigade et nous sommes restés trois ans ensemble à Aix. Nos épouses sont amies. Nous nous sommes toujours vus, nous sommes partis en voyage ensemble et il n'y avait pas un jour sans que nous échangions, au moins par mail. Je serai évidemment présent à ses obsèques. Je dirai quelques mots. C'est le troisième de la promo qui s'en va. Parfois la vie est belle. Dommage qu'elle se termine mal.
Commissaire lieutenant-colonel (R) Marc Del Fabbro (ECA 72)
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J'avais revu Jean-Noël, que j'avais eu comme chef direct en 1992-93, il y a quelques mois, à l'occasion de l' intervention du CV Tacher sur la guerre des mines sous-marines, que nous avions organisée dans mon arrondissement de Rambouillet, au Perray-en-Yvelines.
CRG2 (2S) Valéry Bardot (ECA 87)
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Nous avions choisi d’être colocataires en 2° année d’école dans une maison à Pélissanne. Notre entente a été parfaite. Les circonstances ont fait que nous n’avons ensuite jamais été affectés dans un même lieu mais nous avons souvent eu le plaisir de nous retrouver au hasard de réunions diverses et notamment, au cours de ces dernières années, dans les assemblées générales de l’amicaa. Excellent camarade, toujours de bonne humeur, à la compagnie fort agréable.

Commissaire général (2S) Michel Barbaux (ECA 72)
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Nous nous sommes connus alors que nous étions tous deux affectés à Villacoublay, j’étais commissaire de la base et Jean-Noël était dans les directions (commissariat de la région aérienne nord est puis au CASSIC).
D’un caractère enjoué et toujours d’une grande  politesse, j’ai apprécié de travailler avec ce camarade plus ancien et très érudit.
Par la suite, nous nous sommes côtoyés dans diverses organisations et associations, l’AEA et bien entendu l’AMICAA dont il était un membre assidu. Les nombreux mails - qu’il nous envoyait pour nous faire part de ses nombreuses recherches sur l’actualité mais aussi sur des sujets plus légers comme la gastronomie ou les voyages - vont nous manquer. Ils suscitaient souvent des réactions de ma part et des échanges d’informations comme, par exemple la semaine dernière, sur les vies et écrits de nos parents. Cette mauvaise nouvelle reçue hier m’a parue irréelle et j’en suis encore sous le choc! Jean-Noël m’avait encore écrit hier à 1h du matin !

Commissaire général (2S) Patricia Costa (ECA 80)
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Je garde un souvenir ému de l'homme de Paix, de l'homme de culture et du linguiste que j'ai eu la chance de rencontrer à Sarajevo.

Philippe Mondon-Guilhaumon (ECA 88)