samedi 27 avril 2024

ECA 1968 : un saut…périlleux

Par Michel Braud (ECA 68)

Souvenir d’un ancien élève commissaire de l’air d’une expérience vécue durant la période de formation  militaire, en début de scolarité. Sous son parachute, cet élève ne pensait sans doute pas à la phrase de Françoise Giroud : « C'est voluptueux, de ranger ; mais c'est tuant. » Heureusement, la chute de cette histoire ne fut pas aussi radicale.

« Des six sauts nécessaires pour obtenir le brevet de parachutisme militaire, ce devait être le troisième ou le quatrième.

Je suis le deuxième du stick. « Go ! ». Le premier du stick quitte l’avion. Je le suis. Le parachute s’ouvre… Horreur ! Une double coupole (1).

Du sol, j’entends le mégaphone. « Le deuxième du stick, faites ventral ! ». Cela confirme ce qui nous avait été dit lors des entraînements au sol au cours desquels il nous avait été précisé que c’était pour soulager le matériel.

Je ne panique donc pas : je tire sur la poignée du ventral… qui me reste dans la main. Lors des entraînements, il nous avait été aussi indiqué qu’il ne fallait pas perdre la poignée après usage. Pour être sûr de ne pas la perdre, je déboutonne la poche au bas du pantalon de ma tenue de combat pour ranger la poignée, et reboutonne la poche pour être sûr de ne pas la perdre.

Pendant ce temps, j’entends le sous-officier au sol hurler en permanence dans son mégaphone : « Le deuxième du stick, faites ventral ! » Il commence à m’énerver parce que, justement, c’est ce que je suis en train de faire en délaçant les suspentes du ventral et en cherchant le sens du vent pour le jeter de façon à ce qu’il s’ouvre. Bien sûr, je ne trouve pas un sens particulier au vent.

« Le deuxième du stick, faites ventral ! ». Mais bon sang, c’est ce que je suis en train de faire, puisque je suis en train de regarder en l’air la voilure de mon ventral qui est en train de s’épanouir…

Mais c’est alors un grand choc : je viens de toucher le sol sans avoir pris la position d’atterrissage. Je tombe le dos raide au sol. Enfin, je me relève le corps endolori de partout pour faire mon « 180 degrés » (2) et à ce moment, je vois le premier du stick qui prend seulement sa position d’atterrissage. Je n’avais pas réalisé qu’avec une double coupole, ma chute était bien plus rapide que les fois précédentes. C’est pourquoi je n’avais pas paniqué et que je ne m’étais pas pressé pour faire ventral : je pensais que je chutais à la même vitesse que lors des premiers sauts.

Je vois accourir un certain nombre de sous-officiers de l’encadrement. Ils s’inquiètent parce que je saigne du nez. Je ne m’en étais pas aperçu : j’avais mal partout depuis le haut des épaules jusqu’au bas des jambes, mais au nez, je ne sentais rien.

Lorsque tout le monde a été rassemblé, l’un des sous-officiers me demande pourquoi je n’avais pas fait ventral plus rapidement.

Je lui explique qu’il m’avait fallu ranger la poignée du ventral dans une poche pour ne pas la perdre. C’est alors une exclamation générale des poussins avec lesquels nous sautons « Pas étonnant ! C’est un commissaire ! » 

(1) Il y a double coupole lorsqu’à la suite d’un mauvais pliage du parachute, une suspente passe par-dessus la voilure, dédoublant alors la coupole.

(2) C’est l’opération qui consiste dès l’atterrissage à faire un demi-tour par rapport à la coupole du parachute de façon à ce qu’elle reste rabattue, le vent ne pouvant alors la gonfler.