mercredi 1 mai 2024

L’École du Commissariat de l’Air

Vue par le Professeur Émérite Jean-Charles Jauffret* 1997-2011

L’AMICAA  rassemble non seulement des membres de droit  - les anciens commissaires de l’air et les commissaires des armées d’ancrage air, d’active et de réserve - mais aussi des membres associés, parmi lesquels les professeurs d’université qui ont participé au jury du concours ou apporté un soutien actif à l’école du Commissariat de l’air. Après les professeurs Aben (à la fois commissaire de réserve et Professeur Émérite), Lecocq† et Cattoir-Jonville, nous avons le plaisir d’accueillir le Professeur Émérite Jean-Charles Jauffret, que beaucoup de cadres de l’école et d’élèves commissaires ont côtoyé durant leur présence à l’ECA.

« En 42 ans de carrière universitaire, l’expérience la plus originale que j’ai vécue reste celle des cours que j’ai donnés à l’ECA, sous le commandement des commissaires colonels Vallecalle, Paquette, Serra, Debrowski et Mondange. 

Cette école, petite par ses effectifs, était grande par ses exigences, en raison du niveau des élèves (dont des « bac plus 5 »), de l’excellence des cadres et du double diplôme acquis par les commissaires sous-lieutenants. C’est-à-dire l’accès à l’épaulette de commissaire de l’air et du DEA -devenu master- d’histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité de Sciences Po Aix, sous ma direction. Il s’agissait donc d’ouvrir sur les principes de la guerre, les jeux d’alliances et la géopolitique, tout en donnant les saintes huiles universitaires. Ce qui était une particularité de l’ECA à cette époque.

En vérité, cette découverte a été progressive. De 1991 à 1997, quand j’étais professeur à l’Université Paul Valéry de Montpellier, mon maître, le président André Martel, m’avait confié quelques cours à l’ECA et à l’ECAT (Ecole du commissariat de l’Armée de Terre) sise à Montpellier. J’avais pu mesurer les spécificités de ces deux écoles et de l’emploi des commissaires. D’où mon scepticisme, quand j’appris, plus tard, la fusion de tous les commissariats dans un moule commun, situé, de surcroît, loin de l’Ecole de l’Air ! 

Nommé à Sciences Po Aix sur la seule chaire d’histoire de la défense en France, en septembre 1997, je prenais en main le DEA, avec l’aide des chefs de brigade de l’ECA, de leurs directeurs et des intervenants spécialisés en matière de défense et de logistique, dont mon « bras droit », indispensable, André-Paul Comor. Durant toutes ces belles années, outre les cours d’histoire de l’arme aérienne, des questions contemporaines de géostratégie (Balkans, Irak, Afghanistan…) et de défense (OTAN, RAM, fin de la conscription…), que je dispensais, j’ai été admiratif du travail accompli par les élèves-commissaires. Ils devaient, en effet, sacrifier week-ends et maintes vacances à la rédaction d’un mémoire de recherches toujours lié à une question contemporaine de défense, de logistique, de géostratégie, ou de projection de puissance qui devait être au cœur de leur carrière. Certains de ces mémoires étaient d’un tel niveau, que je les donnais en exemples à méditer à mes étudiants de DEA, puis de master de Sciences Po Aix.

Après mes années de recherches sur la Légion et l’armée de métier, puis d’enseignement comme maître de conférences à l’ESM à Saint-Cyr-Coëtquidan de 1983 à 1991, je retrouvai à Salon une « famille militaire ». Après le café du matin avec les élèves et les cadres, j’adorais ces cours dans de petites salles bien agencées. Souvent, en « radada », la PAF à l’entraînement nous régalait du rugissement de ses réacteurs. Ce qui ne manquait pas de sel lorsque je traitais des « as » de 14-18 ou de la France libre. Insigne honneur, j’ai été invité à la cérémonie intimiste de la remise des poignards, en plus de moultes « bodégas sur zone » dans les locaux de l’école. 

Le commissaire Vallecalle, directeur de l'ECA, et le professeur Jauffret (à g.)
2003 Cinquantenaire de l'ECA

En outre, j’ai pris une part active au cinquantenaire de l’ECA en 2003. Je garde aussi un souvenir ému de la disponibilité, de l’art du commandement tout en finesse, de l’humanité des commissaires colonels pour les voyages de fin d’études où quelques-uns de mes étudiants d’Aix étaient invités. Dans ces jours placés sous le sigle des « Instances militaires internationales », périples souvent terminés par le « machin » qu’était alors le siège de l’OTAN à Bruxelles, s’opérait une symbiose entre les commissaires sous-lieutenants et les étudiants aixois. Que ce soit à Naples, Lisbonne, Séville, Madrid, Marrakech ou La Haye, j’ai beaucoup appris lors de ces travaux pratiques in situ. J’ajoute que les chefs de corps sont devenus des amis. Je les faisais souvent intervenir dans mes cours à Sciences Po Aix, ainsi que leurs chefs de brigade comprenant des juristes éminents. Cette interaction Aix-Salon était citée en exemple par les présidents de l’Université d’Aix-Marseille et les hautes instances de l’Armée de l’Air.

1998 Marrakech, commissaires français et marocains

En bref, ce simple témoignage est avant tout l’expression de ma gratitude pour ces années de bonheur pédagogique à l’ECA. Cette école-modèle savait joindre l’exigence, la rigueur, l’ouverture d’esprit, à l’amitié. Et ce, dans une ambiance bon enfant ouvrant sur une riche carrière, sachant qu’un commissaire, qui contrôle et tient, entre autres, les cordons de la bourse, est un décideur. »

*Ancien directeur du département d’histoire et du master d’histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité de Sciences Po Aix

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