jeudi 7 mars 2024

Pierre Ducassé : toutes les facettes d'une personnalité complète

Par le commissaire général (2S) François Aubry

Avoir connu le général Pierre Ducassé pendant plus d’un demi-siècle est une de mes plus grandes satisfactions de Commissaire de l’air. 

L’ayant rencontré la première fois en septembre 1969 à Salon où j’arrivais comme élève et où il était déjà capitaine - instructeur, c’est naturellement sa compétence qui m’est apparue comme sa qualité première. Il réussissait même à rendre attrayant un cours sur les matériels du commissariat ! Cette compétence a culminé plus tard avec une performance rare, voire unique dans notre métier : occuper un poste d’officier supérieur dans chacune des trois sous-directions qui constituaient la Direction centrale.

 
Arrivant en 1982 - dans un poste qu’il avait lui-même occupé quelques années plus tôt - j’ai pu constater son savoir-faire alors qu’il était sous-directeur Finances, sa matière de prédilection. Mais c’est surtout lors de son passage au cabinet du ministre que j’ai eu l’occasion de travailler avec lui en direct et d’apprécier sa capacité à rester serein dans les moments difficiles, en particulier lorsqu’il fallait déguiser un ministre en aviateur ou que, par démagogie, ce ministre prenait à son compte l’ire des premières femmes aviatrices jugeant ineptes les chaussures du commissariat ou les jupes inappropriées aux défilés. A leur décharge, il y avait un peu de vrai.

Cette sérénité s'appuyait de fait sur une deuxième vertu, celle du courage. J'ai pu le mesurer, lorsqu'il était directeur régional à Bordeaux, à l'occasion de débats conflictuels à propos des projets jugés trop novateurs de mess unique ou de cuisine centrale et aussi lorsque la réforme "Armées 2000" a constitué une remise en cause des principes les plus solides admis en matière d'administration et de soutien des forces. Son courage, j'en ai bénéficié personnellement et lui en sais gré lors des premiers débats sérieux sur l'inter-armisation des commissariats où admettre que l'idée devait être étudiée intelligemment était une idée neuve !

S'il n'y avait eu que ces souvenirs professionnels à partager ce serait déjà beaucoup mais il y a eu davantage car Pierre Ducassé développait avec bonheur, grâce au sport et à l'amitié, toutes les facettes d'une personnalité complète.

Les balles-au-mur de mes premiers (et derniers) cours de tennis à Aix résonnent encore mais c'est surtout autour des matchs de foot - trop rares à mon goût - que nous avons pu partager. L'organisation des 20 kms de Paris, où il avait pris le relais du général Louet, a aussi produit des moments forts rappelés récemment par notre Amicale.

Tout cela, déjà un peu lointain, relèvera bientôt de la nostalgie propre aux anciens combattants, mais malgré son décès il restera toujours l'essentiel, c'est à dire l'amitié, autant qu'elle puisse se développer, sans familiarité mais avec chaleur, dans le respect des usages hiérarchiques.

Cres Ducassé et Bouillaud
C'est encore à Salon, plus exactement à Aix où se déroulait la deuxième année de scolarité, que sont nées les prémices de cette amitié. Je n'évoquerai pas les détails de la 'soirée promo' que tout instructeur se devait d'organiser et qui s'est prolongée non seulement toute la nuit mais jusqu'au lendemain en fin d'après-midi. 

Ni le 'voyage d'étude' dans le sud-ouest où l'escale d'Eauze - sa ville natale - a été l'occasion de découvrir le pousse-rapière. Ces moments exceptionnels ont été suivis quelques années plus tard par une invitation dominicale à Saint-Dizier où il était commissaire de la base. Occasion cette fois de partager un moment familial sur les bords du lac du Der qui venait d'être mis en eau récemment. Occasion aussi de retrouver Violette, son épouse,  qui n'hésitait jamais à remettre en cause les certitudes militaires en général et masculines en particulier.

La retraite nous a éloignés un temps mais l'AMICAA a permis de retisser des liens à distance. Je n'aurai pas l'occasion, comme c'était prévu pour ce printemps, d'aller à Mazamet évoquer ce passé. Alors je le fais ici. Merci Pierre.