mercredi 20 mars 2024

Daniel Bertrand : une personnalité fondée sur des valeurs

 Texte lu lors des obsèques par le commissaire général (2S) Pierre Clouzot.

« Je suis un frère d’armes de Daniel Bertrand.

 Daniel Bertrand a consacré la première partie de sa vie professionnelle – sans doute, la plus importante – à l’armée de l’air, qu’il a servie pendant 20 ans, dans le corps des commissaires de l’air. En tant qu’ancien directeur central du commissariat de l’air, je voudrais, devant vous, retracer les principales étapes de sa carrière militaire et rendre à Daniel Bertrand l’hommage qui lui revient.

Si je dois qualifier sa carrière, je dirai qu’elle a été brillante, riche mais trop vite écourtée.

Après une licence à la faculté de droit de Nice, Daniel réussit le concours du commissariat de l’air. Il intègre ainsi la promotion 1963 de l’Ecole de l’Air. Il y parfait la formation de l’officier et acquiert la culture de l’administration militaire, les commissaires étant destinés à servir les forces sous tous les aspects du quotidien (la finance, les matériels, la restauration, le domaine juridique, l’audit, les RH). Son parcours l’amènera successivement à Aix, à Strasbourg, plusieurs fois à Paris, au sein du service et de l’état-major, sur les bases de Dijon et de St Denis de la Réunion. Dans le même temps, il franchit les grades avec une grande rapidité. Il est ainsi nommé colonel à moins de 45 ans.

Spécialiste de l’administration financière et déjà des RH, il est aussi un généraliste de talent. Il sert l’armée de l’air avec passion ; il a fait siennes les valeurs militaires. Rigoureux, exigeant avec les autres comme avec lui-même, doté d’une force de caractère peu commune, d’un sens critique acéré, adepte de la valeur travail et ayant le sens de l’ordre et de l’autorité, il excelle partout où il passe. Il sera toujours soucieux de l’image du corps et préparera plusieurs années de suite des étudiants de Sciences Po Paris au concours de commissaires.

Il réussit brillamment le concours de l’Ecole Supérieure de Guerre Aérienne, qui lui ouvre les portes de responsabilités encore plus importantes au sein de l’armée de l’air. Mais, sans doute par goût du challenge, il prend la décision de donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle et intègre l’ONERA, office national des études et des recherches aérospatiales où il prend les fonctions de DRH.

Quand il quitte l’armée de l’air, au bout de 20 ans, Daniel Bertrand est commissaire colonel. Il est chevalier de la Légion d’Honneur, officier du Mérite et médaillé de la Jeunesse et des Sports.

Il ne m’appartient pas de décrire les 17 ans qu’il passera à l’ONERA. Je sais qu’il se consacrera pleinement à sa tâche. Ce qui est sûr, c’est que son lien à l’armée de l’air restera très fort :

- d’abord, à l’ONERA, il ne quitte pas le milieu de l’air et de l’espace ; il l’aborde simplement sous un autre angle, côté civil ;

- il proposera une seconde carrière à nombre de ses anciens officiers, au sein de l’office, et ceux-ci lui en seront très reconnaissants ;

- pendant cette période et même bien des années après, il évoquera toujours avec une nostalgie teintée de plaisir et de gourmandise ses souvenirs de l’Ecole de l’Air ou de la base de Dijon, en relatant certains épisodes savoureux vécus avec ses camarades.

Je connaissais Daniel depuis plus de 50 ans, et au-delà des relations professionnelles, nous étions amis. Nous ne nous sommes jamais quittés, malgré les distances. Je voudrais ici, aujourd’hui, souligner ses qualités. En premier lieu, son courage face à la maladie ; nous le savons tous, ses ennuis de santé ne dataient pas d’hier. Sa maladie compliquait son quotidien, l’empêchait de vivre normalement, de manger normalement, de boire normalement, de se déplacer normalement.  Appliquant la devise de l’Ecole de l’Air, Daniel a fait face et réussi à atténuer l’effet de sa maladie, avec l’aide de Claude, sa femme (avec qui il a été marié 62 ans) et de Delphine leur fille, qui, est-il besoin de le préciser, ont vécu aussi et affronté aussi la maladie de Daniel. On sait tous l’amour qu’il portait à la pratique du vélo, et on sait tous combien ce sport est difficile. Daniel l’a pratiqué longtemps autant qu’il a pu. Dans le même temps - et le père Castro peut en témoigner mieux que moi - l’état de santé de Daniel n’a pas empêché que sa générosité, son ouverture aux autres, ne s’exercent au service de la paroisse. Daniel ne se plaignait pas et ne ménageait pas son temps.

Tous, nous avons apprécié son esprit critique parfois caustique, ses analyses politiques ou sportives, son bon sens pratique. Mais, pour ma part, ce que j’ai le plus aimé chez Daniel, c’est sa personnalité attachante, riche, solide, fondée sur les valeurs que je n’ose plus qualifier d’éternelles et d’essentielles et auxquelles il croyait : le pays, la tradition, l’histoire, le travail, l’ordre, le respect, la religion, la solidarité, la famille, les amis, les bonnes manières. Daniel était au sens premier un conservateur, un très digne représentant de cette belle civilisation, de cette belle culture. Il était bien dans son siècle – je parle du 20ème – et bien dans son époque. Comme beaucoup d’autres de notre génération, je pense qu’il n’était pas au mieux avec le 21ème siècle.

Daniel, repose en paix. Nous ne t’oublierons pas. »