mercredi 4 octobre 2023

Sport pour un, sport pour tous (3ème partie)

Les 20 km de Paris

1979 : le commissaire général Louet, nouveau directeur central du commissariat de l’air, convainc  le général Saint-Cricq, CEMAA, d’apporter le soutien de l’Armée de l’air (et donc du Commissariat de l’air) à une nouvelle course pédestre hors stade, les « 20 km de Paris ».  L’objectif de l’Armée de l’air est de toucher un nouveau public, via une manifestation sportive dont on attend qu’elle soit suivie par de nombreux media (Europe 1 puis RTL, L’Equipe, revues sportives).  Le ministère des sports, maitre d'œuvre de la manifestation dans le cadre de la journée « Sport pour tous », confie à l'Association Sportive et Culturelle de l’AIR (ASCAIR) la partie logistique de l'organisation. La date et le parcours sont arrêtés par le bureau Sports de ce ministère, en liaison avec la ville de Paris et la préfecture de police. Le commissaire général Louet est nommé président du comité d'organisation.   

Nous avons déjà diffusé deux articles sur cette course en 2013 (inscrire « 20km » dans le moteur de recherche), que nous complétons ici par des articles rédigés à l’époque.


Le bulletin du commissariat de l’air ne se fait pas l’écho de la 1ère édition du 28 octobre 1979, mais nous savons que c'est un succès, avec déjà 8000 coureurs. La seconde édition d’octobre 1980 est cette fois bien couverte et nous en savons plus sur l'apport du Commissariat de l'air (BLCA n° 10 de décembre  1980).

« Une deuxième édition spectaculaire

Organisée par l'association sportive et culturelle de l'air (association dont le président est le commissaire général  de division aérienne Henri Louet) en collaboration avec le ministère de la jeunesse et des sports et des loisirs, et la ville de Paris, la deuxième édition des 20 km de Paris s'est déroulée le 19 octobre 1980. Le parcours de cette épreuve pédestre était délimité par les monuments les plus célèbres de la capitale. 

Nombreux furent ceux qui désirèrent participer à cette manifestation populaire et sportive : 17 000 dossards  distribués, 14 500 sportifs recensés à l'arrivée. Dans cette  foule étaient mêlés : des français bien sûr, mais aussi des belges (2 000), des allemands, des britanniques, des autrichiens, des italiens, des suisses, des australiens, des américains, des japonais, des mexicains, des néerlandais, des finlandais, des suédois. 

Contenir une telle population sur le Pont d'Iéna fut une tâche difficile. Impatients et décidés, les participants déclenchèrent le départ dix minutes avant l'horaire prévu. Et ce long serpent humain traversa la capitale avec fracas sous le regard des parisiens venus nombreux. 

L'arrivée était jugée quai Branly et l'épreuve fut remportée par le britannique Mac Leod en 1 h 02' 53" devant  Lelut et Watrice. 

Cette manifestation sportive et spectaculaire a nécessité le soutien matériel de l'armée de l'air et notamment celui du commissariat de l'air. Placé sous la présidence du commissaire général Henri Louet, directeur centrai du Commissariat de l'air, le comité d'organisation des 20 km de Paris disposait en effet de la logistique mise en place par le service du Commissariat de l'air: tentes et matériel de restauration afin de mettre à la disposition des participants, vestiaires, stands de ravitaillement et antennes médicales. 

L'action du service ne s'arrêta pas là puisque, traités par la sous-direction des méthodes et de l'informatique, les résultats furent mis à la disposition de la presse et diffusés moins de 13 heures après la fin des épreuves. 

La réussite de cette importante manifestation (connue au niveau international) a nécessité la participation du Commissariat de l'air mais aussi celle de nombreux «travailleurs  de l'ombre» (dixit le commissaire Veinnant) civils et militaires. Leur action a permis d'accroître la notoriété de l'A.S.C.AIR mais aussi de mettre en valeur, si besoin est, l'efficacité de l'armée de l'air dans un  domaine étranger à ses  compétences habituelles. » (Cre cne Jean-Marie Satgé – 1947-1999 - ECA 75)

Une logistique rôdée pour les grandes installations

« Octobre 1980 J-15 - Etablissement ravitailleur du commissariat de l’air n°782 (Evreux)  :« Il me faut 12 volontaires pour les 20 km de Paris».  L'équipe est rapidement constituée, les initiés répondent «présent», les néophytes proposent leur service. 

Vous devez penser : «les gars de l'ERCA sont sportifs !» et vous aurez raison ! Seulement, il ne s'agit nullement de volontariat pour la participation à l'épreuve sportive. Le but est tout autre : organiser ces 20 km de Paris sur le plan matériel, à savoir installer tentes, tables, tabourets, WC chimiques, cabines, caillebotis… et assurer  le ravitaillement en eau chaude et tout çà…sur le Champ de Mars. 

L'épreuve est difficile mais l'équipe a un moral d'acier et contribuera à faire de cette manifestation sportive un énorme - le qualificatif n'est pas trop fort - succès, grâce, il faut le souligner, à la participation de l'ERTA (transport routier) et des fusiliers commandos de St Cyr (montage, démontage). 

MERCREDI 15 et JEUDI 16 OCTOBRE 1980: tout est déjà réglé dans les moindres détails. Les camions de l'ERTA commencent à charger à Evreux les 15 tonnes de matériel, sans oublier la tonne à eau, la douche sur remorque et deux élévateurs thermiques nécessaires aux manutentions. 

VENDREDI 17 OCTOBRE - 6 HEURES: les lourds camions s'ébranlent; direction : Paris Champ de Mars, le rendez-vous est fixé à 8 heures. Tour Eiffel, nous voilà !

8 HEURES 30 sous la Tour. Mais que font-ils ? Les camions ne sont pas en vue, l'équipe des commandos de Saint Cyr qui devait participer à la mise en place du matériel  ne s'annonce pas l L'impatience gagne… Et puis, tout arrive en même temps : camions gris-vert, car de St Cyr. Il fallait simplement compter avec  les embouteillages  parisiens… 

Les équipes s'organisent. Les premiers véhicules contenant les tentes «campus » sont déchargés et le village de toile destiné aux vestiaires et aux toilettes commence à surgir sur l'allée cavalière menant de la tour Eiffel à l'Ecole Militaire. Dans le même temps, le «TBU» (avec grue) de l'ERTA décharge élévateurs, remorque douche et tonne à eau au grand ébahissement des badauds qui pensent assister à des manœuvres en règle. 

Un contretemps survient : des véhicules civils stationnés sous la Tour empêchent  l’installation des tentes de cérémonie bleues et blanches devant servir au comptoir de distribution des boissons, à l'infirmerie, au secrétariat, à la presse, à l'exposition photographique. A force de persuasion et d'interventions de la police parisienne, nous arrivons à nous imposer et à placer notre matériel. 

Enfin,  nous avons délimité notre champ de manœuvre; le personnel s'active, les élévateurs mènent une ronde incessante des camions aux lieux d'Implantation. Le soir tombe, le travail est bien avancé : repos !

L'équipe de St Cyr regagne sa base support, les chauffeurs de l'ERTA, leurs camions déchargés et parqués sur la BA 117, vont retrouver leur domicile, nous les reverrons le lundi pour le démontage de l'ensemble. Les hommes préposés à la garde de nos «camps» sont en place. L'ERCA prend ses quartiers à l'Ecole Militaire. 

SAMEDI 18 OCTOBRE: à 8 heures les équipes sont en place et l'installation se poursuit. 

Le deuxième jour parait plus dur: fatigue du travail accompli la veille, problèmes de dernière heure, détail à ne pas oublier…

« Elle ne veut pas partir !» L'alerte est donnée: la remorque douche refuse absolument de se laisser convaincre, un caprice certainement. Mais, c'est sans compter sur la présence des spécialistes. En un tour de main, le mécanisme défectueux est démonté, nettoyé, réparé, remonté: essayé: elle fonctionne !

Les divers problèmes qui se présentent trouvent leur solution grâce à l'ingéniosité de tous. La soirée du samedi nous retrouve satisfaits de nous-mêmes, sans égoïsme mais conscients de mener à bien notre mission. Tout n'est cependant pas terminé; la journée du dimanche nous apportera son flot de participants. 

DIMANCHE 19 OCTOBRE : le beau temps est de rigueur depuis le début de notre séjour et aujourd'hui le soleil ne faillit pas. 

Le système de production d'eau chaude est rodé, Il fonctionne depuis 10 heures du matin. Les 3000 litres d'eau seront à bonne température pour l'arrivée des candidats et la distribution de thé. 

Pendant que leurs camarades s'échinent à parcourir 20 km, la majorité de l'équipe de l'ERCA est à pied d'œuvre afin d'aider à la distribution de thé. Il faut s'organiser, agir rapidement: mettre la poudre de thé dans les «Calorinox», verser l'eau chaude, récupérer les récipients vides, les remplir…

On assiste alors à un va et vient constant entre la réserve d'eau et le comptoir de distribution. Les clients sont fort nombreux et attendent avec Impatience leur ration d'eau, de thé, de sucre, d'orange.  Malgré quelques bousculades de sportifs assoiffés, le service est assuré une fois de plus sans défection. 

Vous pensez certainement: «mission terminée à l'année prochaine» ? Que non ! Il faut maintenant penser au démontage de l'ensemble. 

LUNDI 20 OCTOBRE : même lieu d'opération - 8 heures. 

L'opération inverse va commencer avec les mêmes équipes. L'ERTA est à pied d'oeuvre, les commandos de St Cyr- très efficaces - attendent les ordres, alors…en avant ! N'allez surtout pas croire que le démontage d'une manifestation de cette envergure est chose aisée ! Evidemment plus question de s'appesantir sur le détail. 

Mais il a plu la nuit, les tentes sont mouillées donc difficiles à plier et puis Il faut vidanger les WC chimiques: les égouts de Paris semblent étudiés pour ce genre de chose ! Enfin, il ne faut rien oublier, surtout pas le plus petit piquet de tente. 

L'opération est même rendue dangereuse sous la tour Eiffel où le sol est jonché de peaux d'oranges, d'où la réflexion «heureusement que l'on ne distribue pas de bananes aux sportifs !». A notre demande le service de nettoiement remédie à cet inconvénient et s'empresse de faire disparaître les détritus. Les deux camps de toile disparaissent, la ronde des élévateurs reprend à un rythme effréné.  Le «TBU » recharge nos gros engins... 

18 heures : fin de l'opération. Personnel et matériel peuvent rejoindre leur base d'affectation. Mission menée à son terme à la plus grande satisfaction de tous. A l'année prochaine ! »

1981 Ter repetita placent

« Pour la troisième fois consécutive, l'Association sportive et culturelle de l'air a organisé les 20 km de Paris le dimanche 18 octobre 1981. 

Cette manifestation de renommée internationale a rassemblé près de dix-huit mille participants (dont 1 500 belges venus par train spécial). Afin de ne pas gêner la circulation dans Paris, l'itinéraire n'empruntait que la rive gauche de la Seine. Le départ fut donné sur le Pont d'Iéna et l'arrivée jugée sur le Quai Branly. […]»(Cre cne Satgé)

1982 Le Monde en parle, à sa façon

« Ce fut l’une des plus grandes « manifs » depuis le début du septennat. Ils étaient 25000 dans Paris, hommes, femmes, jeunes et vieux, des valides et des handicapés. Il y avait des chômeurs, des cadres, des riches et des pauvres, des fonctionnaires et des médecins. Ils étaient pour une fois tous d’accord. Il y avait des gaullistes et des communistes côte-à-côte. Des socialistes à petites foulées, et des UDF coureurs de fond. Aux 20 km de Paris, sur la rigueur des pavés, c’était le consensus dans l’effort, enfin ! » Bruno Frappat

1986 : Des élèves commissaires aux 20 km de Paris 

« Dimanche 12 octobre 1986, 13 heures. Le signal du départ retentit et plus de vingt mille participants s'élancent sur le parcours dans une bousculade monstre. Parmi eux, quatre commissaires sous-lieutenants, qui attendaient cet instant depuis deux heures, accroupis sur le pont d'Iéna. 

Très vite, le rythme d'une course d'endurance est pris et nous restons groupés, tandis que les kilomètres défilent sous nos pieds endiablés. 

Des coureurs professionnels sont mêlés à une majorité d'amateurs et parmi ceux-ci, des militaires sont présents. Cette grande manifestation sportive, faut-il le rappeler, est organisée par l'ASCAIR, avec le soutien très actif de l'armée de l'air et du Commissariat de l’air, fournissant un personnel d'encadrement très nombreux et un important soutien logistique, la mairie de Paris et des sponsors publicitaires faisant le reste. 

Non sans joie, nous dépassons plusieurs sportifs de l'Armée de terre et de la garde républicaine, mais la lutte est dure ... Tous les 5 000 mètres, les rafraîchissements sont distribués et consommés en continuant à courir sous un heureux soleil d'automne. 

L'arrivée n'est plus très loin et nous reprenons des forces, alors qu'autour de nous plusieurs coureurs abandonnent.. .. Et c'est avec une grande joie que nous franchissons la ligne d'arrivée, avec des temps compris entre 1 h 31' et 1 h 37' pour nous quatre ... 

Nos objectifs sont atteints. Pour nous, en effet, il s'agissait de manifester notre présence dans une compétition où le brun loutre domine, et de nous mesurer à d'autres coureurs dans un cadre bien sympathique. Et enfin, d'affirmer notre volonté de participer à d'autres épreuves, comme les 25 km de Berlin, et, pourquoi pas, d'ici quelques années, le marathon de New-York. 

L'essentiel n'est-il pas de vouloir participer, pour paraphraser Pierre de Coubertin ? » (Commissaire sous-lieutenant Pascal Dupont (ECA 85)

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Au fil des ans, la course prend de l’ampleur et doit évoluer dans son organisation (le parcours allant et venant entre les 2 rives de la Seine selon les prescriptions du Préfet de police ; les modalités du départ avec des départs séquencés pour contenir en toute sécurité une foule de plus en plus nombreuse, 25000 en 1982, 31000 en 1984, jauge maximale admise, l’apparition de la puce électronique pour l’enregistrement du temps à l’arrivée, le départ donné parc une « vedette », Daniel Guichard en 1981, Serge Lama en 1984).

Mais la décision présidentielle de 1997 relative à la suspension du service militaire va avoir un impact direct sur la capacité d’organisation de l’ASCAIR, perdant ses effectifs d’appelés jalonnant le circuit. L’ASCAIR – et par là-même le commissariat de l’air - organise son dernier 20km en 1998. Les années 1999, 2000 et 2001 sont déléguées à un prestataire, avant que l’ASCAIR ne reprenne, seule désormais, la direction de la course en 2002.

Notons que le service du commissariat des armées a bien repris le flambeau, de façon institutionnelle, avec la participation à la course d’une importante Team SCA depuis 2010.