jeudi 31 août 2023

A la recherche du temps passé

« Sapristi, où ai-je bien pu archiver mes archives ? »

Parmi ses nombreuses missions statutaires (voir nos statuts sur le site amicaa.fr), l’AMICAA a lancé depuis 2012 des recherches tous azimuts sur l’histoire du commissariat de l’air et des commissaires de l’air.

A cette fin, l’amicale interroge souvent les ancien(ne)s commissaires de l’air sur certains sujets sur lesquels les archives manquent. Ces demandes imposent généralement à ces derniers(ères) un effort de mémoire voire de longues et patientes recherches dans leurs archives personnelles. Ce qui vaut parfois au demandeur (le secrétaire général de ladite association) de recevoir des réponses assez singulières, qu’il souhaite partager ici. Voici une illustration, une réponse à une question sur le CATA de Toulouse transmise par un commissaire bien connu des plus anciens, qui publiait alors des chroniques dans le BLCA sous le pseudonyme de Jihel, où l’humour n’était pas absent. La tonalité du texte suivant le confirme.

Sur l’identité du rédacteur, qu’on nous pardonne, nous continuons à préserver son anonymat.

« Mon cher « Primault/75 » (!*),

Ainsi, le commissariat a rejeté dans les ténèbres extérieures des années de son histoire** ! Ô sort cruel qui fait disparaître une seconde fois, en les précipitant dans l’oubli, tous ces commissaires valeureux qui ont usé leur belle jeunesse et leur fond de culotte dans les fauteuils de l’administration militaire pour la grandeur du service et la gloire de nos armes !

Aussitôt lue ta requête, je mis en marche ma machine à remonter le temps et me transportai dans une autre vie où le bruissement des pins et le parfum entêtant de la résine constituaient alors mon environnement quotidien et bucolique (mieux que l’odeur de kérosène et le bruit des avions...).

Hélas, j’eus beau me torturer l’esprit, il me fut impossible de trouver une réponse à ta question.

Avait-on dissous le CATA après mon départ, considérant que sa direction d’une main de fer dans un gant de velours ne pouvait être égalée ? L’hypothèse pouvait être flatteuse ; elle était néanmoins peu réaliste.

L’émotion de ma réussite à l’école de guerre m’avait-elle conduit à faire mien l’adage « Après moi le déluge » (tout au moins au CATA) ? Mais on ne tire pas aussi facilement un trait sur une belle affectation.

À moins que ce ne fut là, tout bonnement, la manifestation d’une sénilité précoce...

DR
DRJe m’apprêtais à te confesser mon impuissance quand, soudain, une idée, qu’il ne faut pas hésiter à qualifier de géniale, me traversa l’esprit (tant il est vrai que moins on a de choses dans l’esprit, plus il est facile de le traverser) : et si je demandais à Jihel ?

Ayant entretenu avec lui des relations étroites (mais purement littéraires s’entend), je savais qu’il n’était pas homme à ne pas conserver des archives (lui) et que, dans ce cas, il pouvait m’être d’un grand secours. Bien m’en prit car il retrouvait un extrait du Bulletin de liaison du commissariat de l’air de l’époque (encore appelé BLCA - pour les intimes -) où il avait précisément commis un article (parmi tant d’autres) relatif à mon départ et intitulé « In memoriam. Le directeur du CATA 853 n’est plus ». Je le joins à ce message et il te suffira de le lire pour trouver l’information qui t’intéresse.

Les archives (quand on en a...) sont une mine inépuisable de souvenirs. En recherchant l’article évoqué ci-dessus, Jihel tomba (avec émotion) sur deux autres qu’il avait écrits pour la même publication : « Le directeur ne répond plus, ou : Un commissaire de l’air saisi par la débauche » et « Ne dites pas à mon général que je suis un banquier : il me croit directeur du CATA ! ».

DR
Jihel n’a pas fait d’objection à ce que je te les envoie aussi, bien que ces textes figurent sans doute depuis longtemps en bonne place dans ta bibliothèque, à côté des grandes œuvres de la littérature classique. D’un commun accord, lui et moi avons considéré en effet que leur lecture constituerait peut-être pour toi une distraction salutaire dans la lourde charge qui t’incombe à l’Amicale.

Voilà donc de quoi occuper tes longues soirées d’été.

Avant de clore ce (trop) long message, et à la demande expresse de Jihel, je me dois de te donner encore l’information suivante : le phénomène de dédoublement de personnalité est appelé en médecine « trouble dissociatif de l’identité » ; on le soigne par une thérapie psychiatrique. Il peut être dû à un choc émotionnel (l’entrée dans le commissariat ?), se traduire (entre autres) par des pertes de mémoire (ne plus se souvenir de son successeur ?) ou par des addictions (l’écriture ?).

Les traitements sont difficiles et leurs résultats aléatoires. Certains patients ne guérissent jamais ; c’est pourquoi leurs interlocuteurs doivent faire preuve d’une grande indulgence à leur égard. Par des études savantes, on a cherché à savoir si ces troubles pouvaient être considérés, dans certains cas, comme maladies professionnelles ; en vain.

C’est fini ! Amicalement »

Jean L. (ECA 69)

Notes de l'éditeur:

*Par ce point d’exclamation, l’auteur semble se demander si, dans la signature du secrétaire général de l’AMICAA, le chiffre correspond à son âge ou à sa promotion ECA. Bien évidemment, il s’agit de sa promo ECA, l’intéressé étant beaucoup plus jeune. ..

**L’auteur fait référence, de façon poétique, aux difficultés de l’AMICAA à reconstituer de nombreux historiques, en l’absence d’archives complètes déposées au SHD, comme cela aurait dû se faire…