Les commissaires de l’air n’ont pas été les seuls à bâtir et à faire vivre le service du commissariat de l’air, qu’ils aient été officiers ou sous-officiers administratifs, personnels civils ou ouvriers d’État. Aujourd’hui, nous présentons Guy Méric, sous-officier puis officier de réserve, cheville ouvrière de la programmation de l’habillement par le commissariat de l’air dans les années 1970 et 80.
Né le 5 janvier 1935 à Vaux (Haute-Garonne), Guy Méric suit une scolarité à Toulouse jusqu’au baccalauréat puis commence une carrière de dessinateur industriel, avant de s’engager dans l’Armée de l’air le 14 mars 1955, dans le personnel non navigant du service général (PNNSG).Après une formation comme comptable « matières », il mène une carrière classique de sous-officier : sergent en 1956, affecté à l’ECCA 799 de Toulouse Balma en 1959, sous-officier de carrière en 1960, sergent-chef en 1962 et affecté à Balard (DCCA), adjudant en 1967 et adjudant-chef en 1970.
En 1962, la direction centrale souhaite bénéficier du savoir-faire de ce jeune sous-officier bon connaisseur de la gestion des effets d’habillement. Car il faut renforcer cette expertise à une époque où la gestion - dans son volet programme-ravitaillement - est assurée par des moyens mécanographiques et n’a pas la puissance des applications d’aujourd’hui. La prévision des commandes est faite par rapport aux consommations (avec un défaut connu : si des tailles sont en rupture, il n’y a plus de consommation enregistrée et donc plus de commande !).
A partir de 1967, le Groupe de Travail Automatisation (GTA) de la DCCA se penche sur l’informatisation du secteur Habillement et développe les premières applications : « inventaire central », « marchés » et « mensurations-distributions automatisées » sur IBM 1410 puis 360. C’est justement à cette époque, au début des années 70, que l’adjudant-chef Guy Méric se voit confier la direction de la section « programme habillement » du bureau Programme-ravitaillement de la 2ème sous-direction « Matériels ». Il a désormais acquis une vue d’ensemble, indispensable, de ce vaste réseau le reliant au Groupe de travail informatique (GTI, nouvelle dénomination), au service réalisateur (SFCA puis SETAMCA), aux quatre directions régionales du commissariat de l’air, aux quatre établissements ravitailleurs mais aussi à des « contacts » personnels sur quelques bases aériennes importantes (les bases-école, la base aérienne 117 Balard, très sensible en raison de la proximité des grands chefs).
1982 : la belle équipe - l'ADC Méric au second plan, au milieu |
Le GTI édite chaque année pour cette 2ème sous-direction de longs listings d’effets d’habillement qui sont à commander, en principe, au titre du programme de ravitaillement à n+1, par tailles, sous-tailles et pointures. Ces prévisions résultent de savants calculs intégrant les stocks restants à n-1 dans les établissements, les attendus des marchés en cours et les distributions prévues durant l’année n. Mais la connaissance des "volants" (stocks de proximité) détenus par les bases aériennes est loin d’être parfaite, rendant les prévisions informatiques assez fragiles, notamment dans la répartition par tailles et pointures.
C’est là qu’intervient Guy Méric, fort de cette expérience acquise depuis 1962, penché sur les fameux listings, en bras de chemise, la cigarette (éteinte) au coin des lèvres, la tonsure monastique seule visible sur une mer de papier. Il explique à son équipe, plus jeune, pourquoi, ici, il faut diminuer le nombre de grandes tailles (car « il sait » qu’il en reste beaucoup sur les bases), et pourquoi, là, il faut décaler les quantités prévues par taille car cet effet taille petit, et là, bien sûr, il faut mettre à zéro pour anticiper l’arrivée prochaine d’un nouveau modèle dans les stocks. Les chiffres sont corrigés au stylo rouge, bien visibles pour les informaticiens du GTI, qui doivent les reprendre, sans doute à contrecoeur.
Le commissaire général Clouzot, ancien directeur central, nous confirme : « Durant 5 ans, de 1973 à 1978, j'ai côtoyé l’adjudant-chef Guy Méric alors que j'étais adjoint (du commissaire de Brun) puis chef du 5ème bureau de l'époque, dénommé "programme-ravitaillement. Méric était le maître du programme d'habillement. C'est lui qui le bâtissait du début à la fin, en 4 phases très bien identifiées. Dans ce domaine, il m'a tout appris et j'ai participé avec lui à l'élaboration de 5 programmes annuels. La procédure était manuelle pour l'essentiel et la mémoire, l'expérience de Méric étaient des atouts très précieux. Le décalage avec maintenant va paraître abyssal, mais songez qu'il fallait commander des manteaux modèle 49 pour homme du rang dans plus de 100 tailles et sous-tailles, avec des remontées informatiques peu fiables ou tronquées. Seul Méric savait faire avec un flair dont sont dépourvus les outils actuels. Et les ruptures de stock étaient relativement limitées. Guy Méric "régnait" avec autorité mais aussi bonhomie sur une équipe de 5 ou 6 sous-officiers et civils. »Guy Méric est un homme de contact mais la pression aidant, il est des moments où il attend de son équipe qu’elle comprenne vite et agisse mêmement. Cette pression nait du calendrier imposé, des doutes parfois, mais aussi de la conscience du fait que le programme doit être calculé au plus juste, pour éviter les ruptures (et leurs conséquences pour les unités) comme les excédents (et leurs conséquences sur le budget). Sa hantise, ce sont les petites populations, notamment pour les effets techniques du personnel navigant, des pompiers ou des mécaniciens, où les répartitions par tailles et pointures peuvent générer des stocks dormants. Guy Méric leur fait la chasse et appelle souvent ses contacts sur tel ou tel point.
Le commissaire général Clouzot ajoute : « De tempérament très entier, Méric affrontait régulièrement le GTI et le SFCA. Bien souvent, son bon sens l'emportait. C’était un vieux « Chibani », un grand serviteur, attachant, sur qui on pouvait toujours compter. »
Le 1er mai 1979, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite et nommé major à la même date. Il poursuit alors ses activités à la DCCA puis dans des établissements extérieurs, dans un cadre contractuel. Réserviste actif, il est nommé en 1980 sous-lieutenant de réserve dans le corps des officiers des bases de l’air puis lieutenant en 1982. En 1994, il quitte définitivement le Commissariat de l’air et la région parisienne et se retire à Cugnaux (31).Il décède le 26 mars 2007 à Seysses (31) à l’âge de 72 ans.
Décorations : Médaille militaire, médaille d’honneur de l’aéronautique
Messages
Un grand bravo pour ce passionnant article sur le célèbre ADC Méric que j'ai eu moi aussi sous mes ordres en tant que chef de bureau à la sous-direction matériels, après le commissaire Clouzot, dont je partage tout à fait les appréciations.
De caractère très entier mais passionné par son métier et ne ménageant pas ses heures de travail, ce remarquable as du programme d'habillement savait en effet merveilleusement compenser les faiblesses de l'informatique par son expérience et sa formidable mémoire.
C'était réellement un personnage exceptionnel et très attachant.
Commissaire général (2S) Jean-Pierre Lépinard
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Cet excellent article sur Guy Méric, que j'ai eu sous mes ordres pendant cinq ans à la 2ème sous-direction, rend un juste hommage à l'un de ces sous-officiers (valable aussi pour les personnels civils) dont la compétence et le dévouement n'ont pas toujours été reconnus (et récompensés) alors que la qualité des services du Commissariat de l’air leur doit énormément.
Commissaire général (2S) Jean-Louis Barbaroux