Par Michel Braud (ECA 68)
De précédents articles ont été consacrés au DC-8. Je souhaiterais revenir sur un prédécesseur de cet avion : le DC-6, l’avion dont j’ai gardé la nostalgie.Certes, j’appréciais le confort de cet avion, aménagé comme un avion civil pour les longues traversées du personnel militaire : pas de ces sortes de brancards servant de siège comme dans les Noratlas de l’Ecole de l’air ou de parachute sur lequel on s’asseyait comme dans le Fouga Magister. On appréciait la présence d’une convoyeuse de l’air faisant office d’hôtesse de l’air, assistée d’un sous-officier dans le rôle du steward. Et des plateaux-repas préparés par le service d’hôtellerie de la base aérienne d’Evreux.
J’aimais aussi son fin fuselage et son élégance. Mais ce que j’appréciais le plus était l’emplacement près du hublot, dans l’axe des ailes, au moment de la mise en route des moteurs, avec une grande flamme au démarrage, et lors du point fixe qui faisait vibrer l’avion.Peut-être aussi, ce penchant pour cet avion est venu de la rareté des vols que j’ai effectués à son bord, puisque j’ai souvenir de seulement quatre voyages en DC-6, où pratiquement à chaque fois un fait m’est resté en mémoire.
A Salon-de-Provence
Le premier voyage a commencé le 20 juillet 1969 à Istres pour la "croisière" de fin de première année de l’Ecole de l’air, qui devait nous amener à Madagascar et à La Réunion. Pourquoi cette date m’a-t-elle marqué ? Non pas parce que c’était mon vol inaugural sur cet avion, mais à cause d’un évènement dont nous avons eu connaissance à notre arrivée au Caire lors d’une escale technique.
L’avion vient de stationner et le commandant de bord nous informe par haut-parleur : « Un homme vient de marcher sur la lune ! », ce qui déclenche une immense clameur de toute la promotion.
Enthousiasme vite douché par l’annonce suivante selon laquelle il faudra rester pendant toute l’escale dans l’avion surchauffé malgré la nuit. Puis, quelque temps après, on apprend que l’on peut aller à l’aérogare, mais en civil. Tous les attributs militaires (calots, épaulettes, insignes de l’Ecole de l’air) doivent être cachés. Et c’est ainsi que débarquent dans l’aérogare près de 80 civils, tous en tenue mastic (la couleur de la tenue d’été de l’époque) aux chemises ornées de pattes d’épaule et de poches de poitrine. S’il s’agissait de préserver notre incognito militaire, ce fut raté. En effet, au bout d’un moment, une annonce en français par haut-parleur invite « les passagers du vol militaire français du DC-6 F-RAPI à rejoindre leur avion ».Le lendemain, c’est le passage de la ‘Ligne’. Pratiquement, c’est toute la promotion EA68 qui doit être baptisée. Mais dans un avion, pas de faste comme dans la marine : seules trois ou quatre victimes sont badigeonnées de dentifrice. Mais tout le monde recevra son certificat de baptême.
Le second voyage se déroula en septembre 1970 pour la "croisière" de fin de deuxième année (1) au Sénégal, en Guyane et aux Antilles. Là encore un passage de la Ligne, mais qui ne devait concerner cette fois que deux ou trois personnes n’ayant pas participé au voyage de l’année passée.
Le seul évènement notable s’est déroulé à l’escale technique au Brésil avant de rejoindre Cayenne : alors que nous nous préparons à débarquer à l’aérogare, un agent chargé de la police sanitaire pénètre dans l’avion, armé d’une énorme bombe insecticide que, pendant plusieurs minutes, il déverse en abondance partout dans l’avion notamment dans les casiers des bagages de cabine, nous faisant pleurer et tousser sans que lui-même ne paraisse en être incommodé (l’habitude, sans doute).
En stage à Evreux
Les deux autres voyages se sont déroulés pendant mon année de stage (octobre 1970 - fin septembre 1971) sur la base aérienne d’Evreux où était stationné l’escadron « Maine », doté de DC-6
Ce stage prévoyait, dans une première partie, un passage dans tous les services de la base aérienne, donc dans chacun des escadrons « Béarn » et « Maine ». C’est ainsi que j’ai accompagné un équipage se rendant à N’Djamena. Je garde en souvenir le survol du Sahara dont le paysage s’est révélé bien plus varié que je ne le supposais et l’atmosphère chaude, moite et sucrée une fois débarqué en pleine nuit à N’Djamena. Mais ma plus grande surprise fut de voir, lors du survol du Sahara, le navigateur sortir un sextant pour faire le point à travers la verrière « à titre d’entraînement » me dit-il. Le dernier voyage correspondait à une mission Evreux-Madagascar pour laquelle on m’avait laissé le choix entre suivre l’avion jusqu’au bout ou suivre le premier équipage : en effet, pour cette mission, un premier équipage assurait le vol entre Evreux et Djibouti où un second équipage poursuivait le voyage jusqu’à Madagascar pour rendre l’appareil à l’équipage initial à son retour à Djibouti. Mon camarade de promotion Duclous effectuant son stage sur la base aérienne de Djibouti, j’ai choisi de suivre l’équipage initial ce qui me permit de rester une petite semaine sur ce qui était alors le Territoire français des Afars et des Issas, que je pus ainsi visiter. De ce vol, je garde le souvenir merveilleux d’un virage à basse altitude au-dessus du Sphinx et des pyramides de Gizeh.(1) Jusqu’à la promotion EA69 il y avait deux voyages d’études, auxquels participaient les ECA : l’un en fin de première année (en juillet, après le baptême promo) vers l’Afrique, l’autre - dénommé la « croisière » - en fin de deuxième année (septembre) vers d'autres destinations dans le reste du monde. A compter de la promotion EA 70, il n’y eut plus qu’un seul voyage en fin de 2ème année, après la participation au défilé du 14 juillet.
Les élèves commissaires des deux promotions bénéficiaient en outre d’un voyage d’études à Berlin, organisé tous les deux ans.