vendredi 27 janvier 2023

Commissaire général Pierre Bourrel (1913-1997)

  Aérostier et commissaire de l’air

Le commissaire général Pierre Bourrel figure parmi les six commissaires de l’air issus de l’aérostation et devenus Intendants de l’air lors de la Deuxième Guerre mondiale (1). Né à Decazeville (Aveyron) le 2 février 1913, il obtient son premier bac en latin-grec et le second en mathématiques. D’emblée, il envisage une carrière militaire et intègre la promotion Bournazel de Saint-Cyr en 1932, et fait partie - deux ans plus tard - des premiers ‘Cyrards’ qui rejoignent l’Armée de l’air nouvellement créée (2).

L’aérostier

En 1934, sa première affectation le conduit à la 52ème demi-brigade d’aérostation à Metz, où il est breveté observateur. Il va rester dans l’Est presque cinq ans et se marie le 16 avril 1936. Au moment de la déclaration de guerre, le lieutenant Bourrel fait mouvement à Saint-Jean-Rohrbach (Moselle) où il commande la 266ème compagnie d’aérostation d’observation. La CAO, équivalent pour l’aérostation d’une escadrille dans l’aviation, est constituée de 170 hommes, dont 8 officiers, et dispose de ballons captifs et de ‘dirigeables de poche’, les moto-ballons. 

A une altitude de 5/600 mètres et à quelques kilomètres de la ligne de front, l’aérostier doit rendre compte par téléphone- au profit de l’Armée de Terre - des résultats de son guet à vue ou participer au réglage des tirs d’artillerie. Il doit pouvoir être treuillé à terre en moins d’une demi-heure et peut au besoin sauter en parachute. Les premiers engagements montrent la vulnérabilité et la vétusté du matériel qui a peu évolué depuis les ‘saucisses’ de la première guerre mondiale. 

La 266ème CAO bénéficie rapidement d’une priorité dans le programme de modernisation de l’aérostation lancé début 1940, ce qui lui permet de figurer parmi les neuf compagnies (sur 49) qui disposent d’un matériel rénové au moment de l’attaque allemande du 10 mai 1940. La mobilité des CAO leur permet, malgré la lourdeur du dispositif (il faut onze tonnes de bouteilles d’hydrogène pour gonfler un ballon) de parcourir jusqu’à 80 kilomètres par jour. Le commandant de la compagnie dirige les opérations à partir d’un autobus lui servant de PC, où la salle de renseignements s’abrite sous un auvent de toile (3). Partie de Moselle, la 266e CAO est faite prisonnière le 22 juin en Alsace, mais, parvenant à s’évader, Pierre Bourrel rejoint la zone libre après 25 jours de marche.

Capitaine
Un des effets de l’armistice est de voir disparaitre l’aérostation, même si formellement elle n’est abandonnée que six ans plus tard. Le capitaine Bourrel se retrouve sans emploi à Toulouse-Pérignon qui est le siège des aérostiers depuis 1919, le terrain de manœuvres se situant à Toulouse-Balma où le hangar qui abritait les ballons existe toujours, classé monument historique (ci-dessous). Pierre Bourrel, reconverti dans l’administration, est nommé chef de l’organe liquidateur n°155 de Balma le 1er novembre 1940, puis chef de la section administrative de Toulouse-Bordelongue le 1er juillet 1941.

 

Affecté le 1er avril 1943 au service des archives du musée de l’air, il rejoint début juillet 1944 les forces françaises de l’intérieur où il est nommé commandant à titre FFI et chef du 3ème bureau du district Nord-Aveyron puis chef de la subdivision militaire de Rodez sous le pseudonyme de Fleurance. Il réintègre l’Armée de l’air avec le grade de capitaine au 3e bureau de la  Ire Armée sous les ordres du général Paul Gérardot dans l’armée de Lattre. 

Estimant qu’il n’avait plus sa place parmi le personnel navigant du fait de la disparition de l’aérostation, il demande à changer de spécialité début 1945. Le 6 avril, en raison de ses états de service, il est appelé à suivre les cours de l’Ecole supérieure de l’Intendance à Paris (ESI).


Le commissaire de l’air 

Dès la Libération, l’Armée de l’air a obtenu l’ouverture d’une ‘section Air’ à l’ESI qui forme les  intendants de l’air dont elle a besoin du fait de la création de ce nouveau service pendant la guerre. La première promotion comprend 17 stagiaires (4) qui bénéficient d’une formation accélérée de six mois au lieu des deux ans habituels. Promu CO3 (commandant) le jour de Noël 1945, Pierre Bourrel part en Autriche le 2 janvier 1946 pour diriger l’éphémère Intendance de l’air n°787, avant de rejoindre la section financière du ministère des armées le 26 août où il reste à peine plus longtemps. 

Commissaire commandant
Il s’éloigne alors du service du commissariat pendant plus de cinq ans, occupant successivement un poste à la Mission de liaison auprès des forces alliées située aux Invalides puis, en 1952, un poste à la Mission de liaison avec les armées du Rhin où il est promu lieutenant-colonel. Il est de retour dans une unité du service du commissariat de l’air le 1er avril 1956 comme chef de service du CBA 752 à Paris. Il dirige ce service pendant trois ans, avec le grade de commissaire colonel le 1er janvier 1957, avant d’être affecté à la troisième sous-direction de la Direction centrale en 1960. 

Commissaire colonel
C’est l’époque où, grâce à des « ensembles électroniques de gestion », se développent les procédures d’automation - puis d’automatisation - qui aboutiront à l’emploi généralisé d’ordinateurs. Pierre Bourrel est alors pleinement impliqué dans l’équipe qui doit concevoir et réaliser un traitement automatisé de la solde des aviateurs.  Le succès de cette entreprise, une première en France, l’amène à apporter son expérience lors des travaux engagés en 1964 par le ministère de l’Education nationale dans la même perspective.

Le 1er septembre 1964, Pierre Bourrel est nommé adjoint du directeur central, Louis Bilbault, et promu commissaire général de brigade aérienne. De 1966 à 1968 il suit la 19e session de l’IHEDN  ce qui lui permet de se rendre aux Etats-Unis du 13 au 29 avril 1967. Le 4 janvier 1968 il succède au commissaire général Maurice Vaillant comme Inspecteur du commissariat de l’air. Parmi ses attributions, figure l’organisation du concours pour le recrutement d’élèves-commissaires à Salon. A ce titre, il préside les derniers concours avant qu’un concours commun avec la Marine soit instauré. (Nota : Il fut mon président de jury en 1969)

 Il quitte l’Armée de l’air sur sa demande le 2 février 1971. Officier de la Légion d’honneur et Commandeur de l’ONM, le général Bourrel  cumulait 604 heures de vol. Il décède le 15 avril 1997.

Commissaire général François Aubry, 12 /12 /2022

Notes :

1/ Maurice Bitouzet (1942), André Blot (1954), Pierre Bourrel (1945), Jean Joannopoulos (1945), Robert Sampont (1947) et Joseph Talidec (1942). Les dates entre parenthèses sont celles d’entrée dans l’Intendance de l’air.

2/  Pierre Bourrel (St Cyr 32 // 1934), Jacques De Finance (30 // 1935), Charles Escoula (30 //1936), Louis Gaetan (28 //1930), Albert Gardeur (24 // 1931), Serge Habert (19 // 1927), André Lambert (26 // 1928), Gilbert Mondin (24 // 1935), Guy Montpays (31 // 1938). Entre parenthèses : année de promotion à Saint-Cyr suivie, en année pleine, de la date d’intégration dans l’aéronautique militaire ou dans l’Armée de l’air qui est créée en 1933.

3/ Sur l’aérostation dans l’Armée de l’air, voir l’ouvrage de Bernard Palmieri aux Editions de la Presse. Pierre Bourrel est mentionné à trois reprises. 

4/ Maurice Arnoult, Aimé Bessieux, Louis Bilbault, Pierre Bourrel, Charles Channeboux, Jean Cornillet, Pierre de Broca, Jacques de Finance, Charles de Malignon, Jean-Louis Guillaume, Jean Joannopoulos, Guy Le Forestier, Louis Paut, Jean Trutat, Maurice Vaillant, Jules Willefert, Ernest Wilzer.

Nota : Le jeune frère de Pierre Bourrel, Jean, né en 1927, sous-lieutenant dans l'armée de l'air (EMA 50) ; décédé en service aérien commandé à l’école de pilotage de Marrakech le 31 mai 1952.