jeudi 25 août 2022

Le commissariat de l’air : Quelle histoire !

Jacques Primault (ECA 75)

Si le livre sur le commissariat de l’air, que vient d’éditer l’AMICAA, fait le récit - en 350 pages – de l’histoire de ce service et des commissaires de l’air qui l’ont servi, il fait suite à une série de textes à caractère historique diffusés à partir de 1966.

Du fait de la jeunesse de ce service né en 1942 au sein de l’Armée de l’air, les différents rédacteurs de ces historiques se sont inscrits spontanément dans une temporalité qualifiée, par les historiens contemporains, de « mémoire immédiate ». 

« Historiens du temps présent », ces rédacteurs ont dû maîtriser une importante documentation, non seulement fondée sur l’écrit ou émanant des archives publiques, mais aussi sur des témoignages oraux des acteurs ainsi que sur des documents de communication, iconographiques et visuels. Mais avec les risques tenant à l’absence de recul, à la partialité des témoins et aux limites de la mémoire.

Il nous a paru intéressant de recenser les divers historiques rédigés avant LE livre, et qui ont, chacun, contribué à une meilleure connaissance de notre ancien service. 

Partie I : 1966-1992

1966-67

Première étape, en 1966, soit seulement 24 ans après la création des premiers éléments constitutifs de ce qui deviendra le commissariat de l’air. Le directeur central de l’époque, le commissaire général inspecteur Le Forestier, décide  de confier à la sous-direction « Organisation » la mission de rédiger un premier historique du service, de 1942 à 1966. Le commissaire colonel (CR) Dominique Le Floch, alors jeune commissaire affecté dans cette sous-direction,  nous rappelle le contexte de cette commande d’ampleur.

« A peine affecté à la DCCA en septembre 1965, et alors que je prends mes fonctions aux côtés du commissaire Lavabre, responsable du 9ème bureau (Organisation Mobilisation) de la 3éme sous-direction de la D.C.C.A, mon sous-directeur, le commissaire Roger Joureau, me "branche" sur l’historique du service. En a-t-il informé le directeur central ? Je le suppose ....Mais peut-être aussi que ce dernier en a lui-même conçu le projet .....et sollicité les compétences requises. 

Un " travail " permettant, entre autres, à un tout jeune commissaire de prendre conscience de tout ce qu'il devait à ses " anciens " ..... Voici, dans les grandes lignes, l'exposé des conditions dans lesquelles j'ai tenté de satisfaire à ce "cadeau d'arrivée" qui m'était donné.

Ma première tâche fut de prendre contact par écrit (lettre officielle) avec tous les éléments rattachés à la D.C.C.A., les invitant à produire tous les éléments disponibles à leur niveau pour évoquer les "premiers pas" du service, comme les suivants, jusqu'à l'année 1965 incluse.

Dans un deuxième temps, il me revint, sur une année environ, d'en extraire toute la "substantifique moëlle" en rapport avec le but recherché : faire connaître à tous les circonstances ayant prévalu à la bonne mise en route de notre Corps comme de notre service.

Au fur et à mesure de mes travaux, je les confiais pour redressement ou correction éventuels, au commissaire Joureau, lequel avait vécu de l'intérieur cette période initiale.

Ayant reçu " l'imprimatur ", sous le titre de « Journal de marche du commissariat de l’air », le document de 165 pages fut imprimé puis acheminé [en 1967] sur chacun des éléments du Commissariat de l’air de l'époque.

Au final, c'est "l'épisode" - encore récent  - de la mise en cause par un officier des bases de l'Air (1) des textes de base sur la constitution, l'organisation du Corps et les fonctions dévolues à ses membres, qui a vivement capté toute mon attention. » Commissaire colonel (CR) Dominique Le Floch

Voici le préambule et la conclusion de cet ouvrage, l’un présentant l’objectif du document - à savoir la transmission aux plus jeunes commissaires - et l’autre résumant les difficultés auxquelles les premiers directeurs eurent à faire face.

« Préambule

Les premiers organismes appelés à constituer par la suite le Commissariat de l'air ont été créés pendant la dernière guerre. Près de trente années se sont écoulées depuis lors, mais les plus anciens commissaires issus de l'Ecole du Commissariat de l'Air (ECA 1953) n'ont pas encore vingt ans de services. 

Avant qu'ils ne prennent la relève de leurs anciens, il a paru utile de rédiger à leur intention l'historique du service pour résumer les faits qui sont encore dans nos mémoires, mais dont il est de plus en plus difficile de retrouver la trace dans les archives. 

Tel est l'objet du présent document qui tend à couvrir toute la période vécue jusqu'en 1966. Il sera complété à partir de cette date par les fascicules annuels du Journal de Marche déjà  établis par la Direction Centrale du Commissariat de l'Air et qui ont été étendus à tous les éléments du service en 1970. »

« Conclusion

Au terme de cette analyse portant sur vingt-cinq années d'activité, il est permis d'insister sur les difficultés rencontrées : 

- pour arriver à former un corps d'administrateurs militaires de bonne qualité, 

- pour faire fonctionner des organismes dont les implantations initiales ont été réalisées dans des installations de fortune rarement adaptées aux missions, 

- pour mettre sur pied un service dont les vingt premières années  d'existence ont été marquées par le déroulement d'opérations,  celles de 1939 à 1945, celles d'Indochine, de Chypre et d' A.F.N., 

- en raison du nombre invraisemblable de créations, dissolutions, modifications, transferts essentiellement dus : 

- d'une part, aux variations incessantes des charges pendant les opérations évoquées ;

- d'autre part, aux restrictions financières connues par la suite. 

Peu de services ou d'entreprises civiles ont sans doute connu un développement aussi hasardeux imposant autant d'efforts aux personnels, mais leur donnant en contrepartie autant d'occasions d'augmenter leurs connaissances et de prouver leur efficacité. »

1980

Le général Christienne†, chef du service historique de l’Armée de l’air, et le général Lissarague†, directeur du musée de l’air et de l’espace, publient fin 1980 un livre sur « L’histoire de l’aviation militaire française » (Ed. Lavauzelle), dans lequel ils intègrent un court historique de 2 pages sur le commissariat de l’air, illustré des insignes des 11 établissements relevant du service.

Leur texte est une belle synthèse des péripéties ayant abouti à la création du service et du Corps, étant même à la pointe de l’actualité du moment, avec la présentation du décret du 15 février 1980 sur les attributions du commissariat de l’air.

1983 

Mme Pierrette Leguellec-Stassi†, attachée principale, rédactrice à la sous-direction « Administration générale » se voit confier la rédaction d’un article sur l’évolution des structures du commissariat de l’air depuis 1970, qui va paraître dans le numéro de juin 1983 du bulletin de liaison du commissariat de l’air (BLCA). Le recul depuis 1942 est plus important que les fois précédentes (41 ans) et permet d’apporter des éléments comparatifs et chiffrés entre deux périodes, avant et après 1970, date charnière avec notamment la réduction du nombre d’établissements et la mise en place des commissaires de l’air sur les bases aériennes.

1986 

En septembre 1986, le commissaire colonel Bernard Guillemard†, chef du bureau personnel, livre dans le BLCA - pour la première fois - une courte histoire du Corps des commissaires de l’air, complétée d’une analyse centrée sur les 10 dernières années (1976-86) suivant le décret statutaire du 19 août 1976.

Cet historique de l'évolution du Corps est aussi (surtout ?) l’occasion pour le chef du bureau personnel d’aborder l’actualité et quelques thèmes majeurs de la politique menée par la direction en matière de gestion des commissaires de l'air, notamment  le recrutement et la formation…

1988 

Fin 1988, le commissaire général Burdin, directeur central, demande à 4 commissaires généraux admis depuis peu en 2ème section d'entreprendre une série d’interviews - en vidéo - des grands anciens du commissariat de l’air, anciens commissaires ordonnateurs, avant qu'il ne soit trop tard... La sous-direction « Administration générale », dirigée par le commissaire colonel Vincent, est chargée d’assurer le soutien logistique de ces « historiens du Commissariat de l’air », comme on les appelle alors (mise à  disposition du matériel ad hoc, organisation d’un entretien préalable avec le général Lucien Robineau, directeur du Service historique de l’Armée de l'air, sur la méthodologie de l'interview et enfin prises de rendez-vous avec les futurs interviewés). 

On dira simplement que le projet n’eut pas le résultat escompté, malheureusement. Quelle mine d’information les chercheurs universitaires d’aujourd’hui et de demain auraient eu à leur disposition !

1992 

A l’occasion de l’anniversaire des 50 ans du Corps des commissaires ordonnateurs de l’air puis commissaires de l'air, le commissaire général de division aérienne Philippe Meyer, alors inspecteur du commissariat et de l'administration de l'Armée de l'air, entreprend la rédaction d’une « esquisse d'une histoire du commissariat de l'air », comme il la dénomme lui-même, regrettant au passage l’absence d’un ouvrage de référence sur ce sujet.

« La célébration du cinquantenaire de la création du corps des commissaires de l'air (1942) est l'occasion de s'arrêter un moment sur l'histoire du service du commissariat de l'air qui, ultérieurement, reste à écrire puisqu'il n'existe aucun ouvrage de référence sur ce sujet pourtant d'un intérêt et d'une richesse évidents. 

Je dois sans doute au privilège de l'ancienneté la redoutable responsabilité de résumer cette histoire en quelques pages, au risque de simplifier et d'affronter, ainsi, la sévérité des historiens et la critique des plus anciens. C'est pourquoi j'ai volontairement limité mon ambition à l'esquisse d'une histoire du commissariat de l'air. 

1942 n'est sans doute pas un grand millésime, mais a le mérite d'être une année-repère dans la longue et lente évolution de notre histoire qui est inséparable de celle de l'Armée de l'air. 

Avant et après 1942, des hommes et des femmes, auxquels nous rendons hommage [en 1992], ont constamment oeuvré pour que nous disposions du service adapté et performant que nous connaissons aujourd'hui. Cela ne s'est pas fait sans hésitation, ni difficulté, ni obstacle à surmonter. 

Mais tous n'ont eu qu'une préoccupation majeure: mieux servir l'Armée de l'air. 

Et de même que l'Armée de l'air a mis du temps à consolider son identité et trouver ses marques, le commissariat de l'air a mis du temps pour sortir de sa chrysalide et s'épanouir pleinement. 

Cela s'est fait, me semble-t-il, en trois étapes: 

- la première étape part des origines de l'aviation militaire que l'on situe généralement en 1912 et aboutit à la création du corps des commissaires ordonnateurs de l'air, en 1942; c'est, en quelque sorte la préhistoire des commissaires de l'air qui aura duré trente ans; 

- la deuxième période s'étend également sur une trentaine d'années, de 1942 à 1972, jusqu'à la mise en place des commissaires de l'air sur les bases aériennes; le service du commissariat se structure, s'organise et fonctionne en répondant le mieux possible aux besoins, aux spécificités et aux transformations de l'Armée de l'air; 

- la troisième période dure vingt ans {en 1992] pendant lesquels les commissaires s'impliquent de plus en plus dans l'administration de l'Armée de l'air, jusqu'à la mise en oeuvre du plan ARMEES 2000. 

Ce sont ces trois étapes que je voudrais faire revivre brièvement. » 

Conclusion du texte :

« Paul VALERY a écrit : « L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout ».

Pourtant, l'histoire du commissariat de l'air me paraît exemplaire. 

C'est l'histoire d'un service qui a su s'adapter, en permanence, aux besoins, aux missions et aux transformations de l'Armée de l'air. 

C'est l'histoire d'hommes et de femmes qui ont fait preuve de courage, d'énergie, de dévouement, de professionnalisme, d'imagination et de capacité de dialogue pour mieux servir l'Armée de 

l'air et, à travers elle, la défense de notre pays. 

Puissions-nous, pour l'avenir, être dignes de cet héritage et fidèles à cette généreuse ambition ! »

Commissaire général de division aérienne Philippe Meyer

(1)Voir nos articles « 1953-1960 : Un statut remis en cause »(JC Guiriec  2017) ;« L'affaire du statut 1953-1959 » (août 2018)