vendredi 2 octobre 2020

Nouvelles

Échos de l’ECA

Les élèves de la promotion 2019 « Serment de Koufra » de l'école des commissaires des armées ont visité l'Etablissement Logistique du commissariat des Armées (ELOCA) de Marseille. Les jeunes commissaires ont ainsi pu découvrir les entrepôts dédiés au stockage des matériels de campagne ou de l'habillement, les rations de combats, les masques non sanitaires etc. Ils ont également visité le pôle national d'expertise balistique et assisté aux différentes phases de remise en état d'un gilet pare-balle de retour d'opération extérieure (OPEX). 


En outre, les élèves ont découvert des matériels comme les tentes nouvelle génération (NG) ou les remorques multi-services déployées sur les théâtres d'opérations. La présence des techniciens de l'ELOCA a permis de mettre en évidence les capacités des matériels mais aussi les contraintes d'utilisation. 

La visite des ateliers de maintenance a conclu cette journée qui a permis aux commissaires élèves de mieux comprendre et appréhender le domaine de la logistique opérationnelle. (rédaction : SCA)

Assemblée Nationale

Rapport d'information AN n° 3346 


en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la politique d’approvisionnement du ministère des armées en « petits » équipements. Ce rapport couvre, entre autres, les matériels « commissariat ».

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b3346_rapport-information

Extraits :

« Le qualificatif de « petit » attaché aux équipements dont il est question dans le présent rapport d’information pourrait être lu avec une connotation péjorative, donnant l’impression que les matériels en question auraient moins d’importance que les « grands ». Si un tel penchant n’a peut-être pas toujours été absent de certains arbitrages budgétaires, y céder serait faire bon marché de l’importance de ces « petits » équipements à deux égards au moins :

– nos capacités opérationnelles dépendent de la cohérence capacitaire de nos forces, laquelle serait compromise si l’effort était réparti de façon déséquilibrée entre « petits » et « grands » équipements ;

– même de « petits » équipements peuvent avoir une plus-value opérationnelle incontournable, tant sur le plan tactique que sur celui du moral des troupes. 

Les rapporteurs reprennent pleinement à leur compte la métaphore très éclairante du général Charles Beaudouin, selon laquelle les « petits » équipements sont aux « grands » ce qu’aux briques d’un mur est le ciment qui les lie. 

L’importance des « petits » équipements ne se mesure pas seulement à ce qu’ils apportent aux « grands » dans la cohérence capacitaire de nos forces : en eux-mêmes, ils ont un impact opérationnel qui n’est pas à négliger, que ce soit sur le plan tactique ou sur celui du moral.[…]

En effet, comme l’a dit le général Frédéric Parisot, « chaque aviateur est potentiellement un agent recruteur » – constat qui vaut d’ailleurs pour les trois armées. Selon lui, l’équipement des aviateurs, grâce à l’image de modernité et d’avance technologique de l’armée de l’air qu’il renvoie, est un facteur de recrutement. L’équipement des personnels – « au juste besoin, c’est-à-dire avec des effets adaptés à leur mission » – constitue donc un atout supplémentaire pour l’attractivité. À l’inverse, un personnel ne disposant pas des effets nécessaires pour accomplir sa mission « ne communiquera pas de façon appropriée et ainsi ne véhiculera pas un message adapté au recrutement ». […]

Un cas particulièrement marquant : l’habillement

L’un des griefs qui reviennent le plus dans l’appréciation des militaires sur leurs « petits » équipements tient à leur habillement. Les rapporteurs se sont donc attachés à analyser cette « crise de l’habillement » – à laquelle ils consacrent des développements précis infra – et soulignent ici l’impact que cette crise a sur le moral des militaires.

Comme l’a dit l’amiral Thierry Durteste, l’habillement est l’objet d’une « crise profonde depuis plusieurs années », au point de devenir un « point dur récurrent » dans les rapports sur le moral et les autres instruments d’appréciation de la situation des unités.

Il a indiqué que la marine a demandé au service du commissariat des armées de concentrer ses efforts de traitement de la crise, en priorité, sur les marins récemment incorporés. Ce choix s’explique par l’importance symbolique, pour un jeune marin, d’être doté d’un uniforme et d’un paquetage identique à ceux de ses camarades, tant pour développer son sentiment d’appartenance à la marine que pour qu’il puisse donner une bonne image la marine à l’extérieur, en particulier auprès de ses proches. L’habillement est à ce titre, selon l’amiral, un élément clef du recrutement et de la fidélisation ‒ il en va d’ailleurs de l’habillement comme de l’ensemble de l’équipement « à hauteur d’homme », sur lesquels la marine mise pour éviter l’« érosion » des personnels les plus anciens. L’objectif qu’a fixé la marine consiste à ce que tous les marins disposent d’un sac complet un mois au plus tard après leur incorporation. Selon l’amiral, cet objectif est aujourd’hui presque atteint, au prix cependant d’une réduction au strict minimum de la liste des effets contenus dans ledit « sac ».[…]

En dépit de leur importance dans l’équipement de nos armées et du sérieux des enjeux qui s’attachent à leur qualité, les « petits » équipement apparaissent aujourd’hui comme le parent pauvre de nos arsenaux. La situation évoque même une dangereuse tendance à la paupérisation des armées – ou, à tout le moins, au mitage de leurs capacités – qui s’opère paradoxalement « par le bas », c’est-à-dire par les équipements qui ne sont pourtant ni les plus complexes, ni les plus coûteux.

Les causes de cette tendance sont à rechercher en premier lieu dans le sous-financement chronique de ces « petits » équipements. Mais ces causes budgétaires directes ne sont pas les seules à l’œuvre : en réalité, pour certains de ces « petits » équipements, la modernisation des matériels et les approvisionnements ont également pâti beaucoup des grandes réformes structurelles des années 2000 et 2010 – elles-mêmes motivées par la recherche d’économies via l’« optimisation » de fonctions de soutien. » […]

Les effets à retardement des grandes réformes structurelles des années 2000 et 2010

Les causes du sentiment de paupérisation des armées du point de vue de leurs « petits » équipements tiennent au sous-financement de ces matériels pour une large part, mais pas de façon exclusive : il ressort clairement des travaux des rapporteurs que des causes structurelles sont également à l’œuvre. Elles sont en effet à chercher dans les restructurations opérées au sein des armées, directions et services du ministère des Armées dans le sillage de la révision générale des politiques publiques (RGPP), à deux égards au moins :

– ces réformes, quoique très profondes, ont été menées « tambour battant », et parfois même avec une précipitation qui s’est avérée très préjudiciable à la qualité du service rendu : il n’est qu’à songer au cas du logiciel Louvois pour s’en convaincre ;

– dans l’organisation qui ressort de ces réformes, les responsabilités sont souvent partagées, voire entremêlées, ce qui ne favorise pas une prise en compte exacte et rapide des besoins des armées.

S’agissant des « petits » équipements, la réforme la plus importante concerne la fusion des trois commissariats d’armées au sein d’un service du commissariat des armées (SCA), chargé à peine créé de réduire drastiquement ses effectifs et de mettre en œuvre nombre de chantiers de RGPP ; l’encadré ci-après présente cette ambitieuse manœuvre.

La fusion des trois commissariats d’armées

● Les trois commissariats d’armées ont été regroupés en un seul service du commissariat des armées (SCA). Cette fusion a été opérée très rapidement : décidée en avril 2008 dans le cadre de la RGPP, elle était accomplie dès le 1er janvier 2010, et le service devait poursuivre sa « montée en puissance » – c’est-à-dire la restructuration des entités qu’il a fédérées – jusqu’en 2014. Au terme de cette réforme, le service a connu une déflation très importante de ses effectifs : alors que les trois commissariats préexistants comptaient 11 650 agents, ses effectifs s’élèvent aujourd’hui à 6 500 personnes – 5 100 agents ayant été transférés aux bases de défense –, et atteindront 4 000 agents en 2014.

Le service est également engagé dans une restructuration profonde de ses structures : alors qu’il comptait 93 organismes fin 2009, il n’en possédait plus que 34 en 2014.

● Une nouvelle réforme a suivi celle de 2010 : dans une logique de simplification, les groupements de soutien de base de défense ont en effet été rattachés au SCA le 1er septembre 2014. Si la réforme des bases de défense avait permis de réaliser des économies par la mutualisation de fonctions au niveau local, l’organisation s’était révélée trop complexe pour les formations soutenues et source d’une dégradation des prestations rendues.

Tout en persévérant dans la réforme des bases de défense, il a donc été décidé d’adopter une logique verticale, dite « de bout en bout » en complément de la logique de regroupement des fonctions des bases de défense.

● Depuis l’adoption du modèle « SCA 22 » en 2014, le service développe donc une expertise dans huit filières de soutien :

– habillement ;

– gestion de « base vie », c’est-à-dire

– soutien de l’homme ;

– restauration ;

– hébergement ;

– assistance juridique ;

– droits financiers individuels ;

– formation.

Ces filières sont animées par des « métiers » : achats, finances, logistique, juridique.

Sources : rapport d’information n° 1353 sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense, présenté par Mme Geneviève Gosselin-Fleury et M. Damien Meslot, septembre 2013, et avis n° 277, tome III, fait par notre collègue Claude de Ganay sur les crédits du soutien et de la logistique interarmées inscrits au projet de loi de finances pour 2028.

[…]

Des causes à rechercher pour une large part dans la précipitation des réformes structurelles


Le commissaire général Stéphane Piat, directeur central du service du commissariat des armées, a fait valoir que, au moment de sa prise de fonction en 2017, l’habillement était une composante « structurellement en difficulté », tant pour des raisons de sous-équipement informatique que de faiblesse des liens avec les fournisseurs.

Ainsi, en premier lieu, le caractère structurel de la « crise de l’habillement » tient à l’absence d’un système d’information unique de suivi des stocks et des commandes, alors même que le service du commissariat des armées doit gérer environ 32 000 référencements différents et des effets d’habillement dont les règles de gestion sont très hétérogènes entre les trois armées.

Le service a en effet aggloméré les trois commissariats d’armées, dotés chacun de leur propre système d’information. L’informatisation du service s’était alors concentrée sur la « partie haute » de la « supply chain », c’est-à-dire les entrepôts les plus importants, aux dépens des groupes de soutien de base de défense les plus petits. Le commissaire général hors classe Stéphane Piat a expliqué que quinze GSBdD – qu’il dénomme « GSBdD socles » en raison de leur taille, de leur capacité de stockage et de leur situation géographique par rapport aux lieux de présence des forces – sur les 50 qui existent sont dotés d’un système d’information modernisé, fourni par SAP, mais que les autres groupements utilisent encore d’anciens systèmes d’information – précisons toutefois ces systèmes anciens seront modernisés et seront « interfaçables » avec les systèmes SAP des entrepôts centraux dès 2021, soit onze ans après la création du service.

Face à ces faiblesses, un nouveau système d’information unique avait été envisagé en 2013-2014. Le ministère de la défense avait alors privilégié un développement « en régie optimisée » – c’est-à-dire essentiellement en interne – du nouveau logiciel, plutôt qu’un logiciel au développement externalisé, comme cela avait déjà été fait pour la gendarmerie nationale. Or ce logiciel développé « en régie » présentait des performances très insuffisantes. Le directeur central a donc, avec ses équipes, « démonté le moteur » afin de réorganiser l’ensemble de la fonction habillement.

En second lieu, la crise structurelle de l’habillement dans les armées tient aussi à la faiblesse des relations entre le service et le tissu industriel de ses fournisseurs. En effet, a expliqué le directeur central la faiblesse des moyens financiers alloués au service du commissariat des armées durant les précédentes lois de programmation militaire et son incapacité à suivre avec précision les stocks d’habillement – donc d’en exprimer le besoin aux industriels – ont empêché ce dernier d’établir des commandes stables d’une année sur l’autre, offrant ainsi trop peu de visibilité à long terme à ses fournisseurs, et compliquant d’autant ses relations avec ces derniers. Il a en effet précisé que 80 % des industriels fournisseurs du Service du commissariat des armées sont français, et 60 % sont des PME.

Selon le directeur central, le vrai « tournant » en matière de suivi des stocks et de possibilité de contractualisation a eu lieu en 2018-2019, avec le développement d’un algorithme mesurant la consommation d’habillement au sein des armées, permettant ainsi au service du commissariat des armées d’exprimer son besoin et d’anticiper ses commandes d’habillement. Dès lors, le service a pu développer ses relations avec ses fournisseurs dans le cadre d’une politique contractuelle à long terme.

Des efforts de redressement

Outre une profonde reprise technique de son système d’information logistique, le service du commissariat des armées mise sur deux efforts complémentaires pour résoudre la « crise de l’habillement » : le déploiement d’un logiciel de distribution par correspondance de nouvelle génération (DPC-NG) et la construction d’un établissement d’un entrepôt central pour l’habillement, à savoir l’établissement logistique du commissariat des armées (ELOCA) à Châtres. Ces deux mesures doivent permettre des « gains d’efficacité logistique colossaux ».

Le système de distribution par correspondance de nouvelle génération sera accessible non seulement depuis les ordinateurs de travail reliés à l’intranet du ministère des Armées, mais aussi depuis les smartphones des personnels. Selon leurs représentants, ce système était très attendu par les militaires ; il a été inauguré jeudi 9 juillet par la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées Geneviève Darrieussecq. Le directeur central a précisé que le calendrier de déploiement de ce portail de commande prévoit que l’armée de l’air en sera la première équipée, dès octobre 2020, suivie de la marine nationale fin 2020 et de l’armée de terre début 2021. Ce calendrier est en grande partie motivé par les marges d’amélioration du taux de satisfaction sur la qualité du service en matière d’habillement : l’armée de l’air, en raison de l’éclatement géographique de ses magasins – un magasin pour chaque base aérienne – et de l’ancienneté de son système d’information logistique, enregistre les taux de satisfaction les plus faibles des trois armées.

Quant à l’établissement logistique du commissariat des armées construit à Châtres, s’il n’a pas été entièrement automatisé pour des raisons sociales, il est néanmoins quatre fois plus productif que l’ancien entrepôt qui occupait le même site, en employant un nombre de personnels identique à ce dernier – soit 100 personnels en très grande majorité civils.

Le général Frédéric Parisot a ajouté que dans l’évaluation des offres présentées aux marchés, les parts relatives des notes techniques et des notes financières ont été revues de façon à donner davantage de poids aux premières dans la formation par l’allocation des marchés ; selon lui, « l’effet de cette mesure s’est bien fait ressentir ».

De façon générale, les efforts consentis sous l’égide du commissaire général Stéphane Piat sont décrits par le commandement comme « remarquables et remarqués », constituant une véritable « révolution » du commissariat en vue de fournir aux militaires un équipement adapté en tous lieux et en tout temps, même si tous les résultats ne sont pas encore visibles.

Des résultats prometteurs, pourvu que l’effort soit poursuivi

Selon le directeur central du service du commissariat des armées, l’harmonisation des systèmes d’information et la réorganisation de la distribution en matière d’habillement ont permis d’enclencher un « cercle vertueux » qui « commence à payer », le taux de rupture de stocks étant passé de 10 % à moins de 2 % en un an. De fait, a-t-il fait valoir, les taux de satisfaction sur la qualité du service en matière d’habillement mesuré par le Service du commissariat des armées de juin 2020 sont les meilleurs depuis de nombreuses années : ils s’établissent à 48 % dans l’armée de l’air, 68 % dans l’armée de terre, 72 % dans la marine nationale et 92 % dans les services interarmées.

Il s’est dit toutefois conscient que le rétablissement de l’image du service du commissariat des armées, très dégradée en raison de cette crise, prendra du temps.