dimanche 6 mai 2018

Les commissaires LEGAD

Parcours d'un LEGAD avant son déploiement en opérations

Conseiller juridique opérationnel du commandement en opérations, le commissaire exerçant la fonction de LEGAD (legal advisor) est chargé de toutes les questions relatives à l'emploi de la force.
Conformément aux conventions internationales régissant le droit des conflits armés, ainsi qu'à la doctrine interarmées, il est systématiquement associé à la préparation des décisions opérationnelles, tant en phase de planification qu'en phase de conduite.
Passage obligé pour remplir cette fonction : les deux stages de qualification LEGAD co-organisés par l'EMA/JUROPS(1), la DAJ(2) et le SCA/CESJUR(3).


Le parcours de qualification s'articule autour d'un socle commun et de formations spécialisées permettant d'approfondir de nombreux domaines. Il s'organise sur deux niveaux.

• Le stage LEGAD de niveau 1 se déroule à l'École des commissaires des armées (Salon-de-Provence) sur deux semaines (fin avril- dé- but mai). En partenariat avec l'Institut international de droit humanitaire de San Remo (Italie), cette formation francophone s'inscrit dans le cursus obligatoire de formation des élèves-commissaires et réunit des stagiaires du monde entier. De nombreux commissaires, LEGAD expérimentés, participent à l'animation et à l'encadrement de ce stage international.

Les cours magistraux et les cas pratiques s'articulent autour de modules spécifiques relatifs au droit des conflits armés (DCA).

• Le stage LEGAD de niveau Il, qui vient de s'achever pour la session 2018 (voir ci-après), permet, sous réserve de la réussite aux évaluations, de partir en opération afin d'exercer les fonctions de LEGAD. Également ouvert à l'international (cette année, notons la participation de LEGAD belges et américains), ce stage est désormais très axé sur la mise en situation, pour évaluer la capacité des stagiaires à réagir aux sollicitations en « conditions réelles».

Ces stages permettent également un échange entre des officiers de cultures différentes, autour de thèmes communs: notamment le principe d'humanité dans les conflits, la conduite des hostilités, la protection des personnes civiles. Ce partage des différentes approches juridiques avec des LEGAD d'autres nations facilitera ensuite le travail en coalition.
À l'issue de ces deux périodes de formation, les LEGAD sont susceptibles de partir dans les deux ans. Leur désignation sera établie via le plan de projection décidé par l'EMO SCA, en liaison avec l'EMA/JUROPS et avec l'appui du CESJUR.

(1) Cellule juridique opérationnelle du cabinet du chef d'état-major des armées.
(2) Bureau du droit des conflits armés de la direction des affaires judiciaires (SGA).
(3) Centre d'expertise du soutien juridique du SCA.
(4) Notamment: ciblage, planification et conduite des opérations aériennes, opérations de l'OTAN.

STAGE DE FORMATION LEGAD DE NIVEAU Il (BALARD, JANVIER 2018) 
Le premier stage de qualification de l'année (LEGAD - niveau Il) a été organisé à Balard du 22 janvier au 1er février. Conditionnant le déploiement potentiel du LEGAD en opération, ce stage a bénéficié, pour la première fois, de l'appui du CESJUR, gestionnaire du vivier des LEGAD, tant dans le domaine de la préparation du stage que dans son animation et son soutien.

Cette collaboration très étroite est en effet indispensable pour permettre au SCA de fournir aux armées, en conformité avec les objectifs fixés dans le cadre du contrat opérationnel, des LEGAD parfaitement opérationnels, aptes à exercer leurs missions au profit des forces.


INTERVIEW 
« KEEP IT SIMPLE, KEEP IT STUPID » 
CR1 Alyssa B. (milieu air), opération Chammal [janvier - avril 2017]

Quel était votre rôle lors de cette OPEX à AI Udeid (Qatar) ? 

Au sein du CAOC (Combined Air Operation Center), le LEGAD conseille le Red Card Holder (RCH (1)) pour les frappes aériennes non planifiées. Il s'agit d'analyses à chaud qui nécessitent des capacités de réflexion immédiatement mobilisables. Ce que je retire principalement de cette expérience, c'est l'importance de la collaboration entre le RCH et le LEGAD.

Bien que le LEGAD ne donne qu'un avis, il est essentiel qu'il se coordonne le plus en amont possible avec le RCH, car lorsqu'il est question d'intervenir pour appuyer des forces au sol, chaque seconde peut compter pour la vie des alliés sous le feu. Cette coordination préalable est indispensable pour que la prise de décision du RCH réponde au degré d'urgence de la situation, dans le respect des règles du droit des conflits armés et des directives nationales.

Votre souvenir le plus fort ? 
J'étais à Al Udeid pendant la bataille de Mossoul Ouest (Irak) qui visait à libérer cette partie de la ville de l'emprise terroriste de Daesh. Sans pouvoir en parler, du fait du caractère classifié, je garde des souvenirs très précis de certaines situations sur lesquelles j'ai eu à me prononcer.

Un conseil pour les futurs LEGAD ? 

Diversifier les exercices et les expériences opérationnelles qui permettent, au-delà des connaissances acquises lors des formations, de développer un savoir-faire en tant que LEGAD. Le LEGAD ne doit pas seulement maîtriser le droit des conflits armés, mais il doit encore savoir faire passer son message à différents acteurs opérationnels non juristes. Ce message doit être pragmatique et efficace.

Un des RCH avec lequel j'ai eu l'occasion de travailler employait une phrase bien connue dans le milieu des pilotes: « Keep it simple, keep it stupid.»(2). Les expériences opérationnelles et les exercices sont également l'occasion de mieux connaître le milieu dans lequel on intervient. Ce qui est essentiel pour comprendre et se faire comprendre.

(1) Le RCH s'assure, avec l'appui du LEGAD, que l'action de feu pour laquelle il est sollicité s'inscrit bien dans le cadre des directives nationales et des règles d'engagement émises par la France.
(2) KISS : dans le sens de « Ne complique pas les choses », ligne directrice de conception qui préconise la simplicité dans la conception et que toute complexité non indispensable doit être évitée dans toute la mesure du possible.

Remerciements à la DCSCA et au comité de rédaction de Soutenir (N°4 Mars - Avril 2018)