vendredi 9 juin 2017

Du commissariat de l'air au contrôle général des armées

Par le CGA Brigitte Debernardy

Nous poursuivons notre série du quarantième anniversaire de la féminisation du corps des commissaires de l’air en demandant à certaines d’entre elles, les « pionnières », de témoigner à la fois sur leurs motivations, sur ce qu’elles ont retiré de leur arrivée à Salon et sur ce que cette formation a pu leur apporter au cours de leur carrière professionnelle, qu’elles aient  poursuivi leur parcours dans l’armée de l’air, dans la défense ou encore qu’elles aient fait d’autres choix professionnels.

Après avoir évoqué Nicole Menguy (ECA 77), nous donnons la parole à Brigitte Debernardy (ECA78), aujourd’hui contrôleur général des armées, que nous remercions d’avoir accepté de répondre à nos questions.



Pourquoi avoir choisi, suite à vos études, de passer le concours de commissaire de l’air ?

Parce que j’aime relever les défis ! Depuis toujours, le service de l’Etat était pour moi le seul engagement professionnel possible. Une vocation, en quelque sorte. Mais je n’avais jamais pensé y concourir sous l’uniforme jusqu’à ce que je découvre, par hasard, l’existence d’un concours commun aux commissariats de l’air et de la marine.
Seule la carrière de commissaire de l’air étant alors possible pour une femme, je me suis un peu documentée sur l’armée de l’air et l’originalité d’une carrière militaire, avec ce que cela implique d’entraînement physique et de savoir-faire spécifique, combinée à une activité administrative classique m’a séduite.
L’administration publique était mon domaine mais j’étais nulle en sport et n’avais jamais manié d’arme. Conquérir des capacités peu banales pour la jeune fille timide, sortant de la rue Saint-Guillaume, que j’étais m’a paru un challenge intéressant. Je voulais un métier ouvert au monde, bannissant la routine et porteur d’une ambition de vie autant que de carrière. Et comme je venais d’une famille de « vieilles tiges » de l’aéronautique, ce concours m’a paru l’appel du destin.

Qu’avez-vous retenu de ces années de commissaire de l’air ?

Les années d’école ont été difficiles ; je n’en garde pas que des bons souvenirs. La formation professionnelle était évidemment moins intéressante que les cours à l’université, voire carrément pénible comme l’apprentissage des techniques comptables - que j’ai enseignées plus tard et qui m’ont valu, en tant que contrôleur, quelques beaux succès auprès de mes élèves de l’ENSTA. Pour ce qui est de la partie militaire, nulle j’étais, nulle je suis restée en dépit de mes efforts et de la conviction que j’y ai mis. Mais c’est l’adaptation à la vie du groupe qui n’a pas été facile à vivre pour la fille maladivement timide et passablement mal dans sa peau que j’étais. Pour autant, et je le souligne, grâce à l’encadrement de l’ECA de l’époque qui m’a poussée à sortir de moi-même, ces années m’ont été d’une immense utilité. Elles m’ont forgé le caractère. Je suis devenue inoxydable et capable de… faire face !

Sans l’endurance acquise à Salon, dans les postes que j’ai ensuite tenus, quand la tempête a soufflé, je n’aurais pas pu conduire ma barque, avec plus ou moins de succès, sans sombrer. Comme commissaire de base - il est vrai que j’ai eu la chance d’avoir un directeur régional sur qui j’étais sûre de pouvoir compter - ou, en tant que contrôleur, comme commissaire liquidateur de la fondation pour les études de défense nationale, secrétaire générale du conseil supérieur de la fonction militaire, chef de l’inspection du travail dans les armées ou de la cellule Thémis, je n’aurais pas résisté.

Mes quelques 13 ans de commissaire de l’air m’ont aussi apporté une compétence administrative et une connaissance de la réalité de l’action sur le terrain qui m’ont permis de ne jamais perdre de vue les contraintes auxquelles sont confrontés les armées, directions ou services du ministère. Lors de mes premiers contrôles, j’y étais même trop sensible et j’ai dû apprendre à être moins compréhensive. Mais, une fois le réglage opéré, le sens du concret acquis dans le commissariat a servi le réalisme de mes recommandations.

Qu’est-ce qui vous a poussée à réorienter votre carrière vers le corps de contrôleur des armées ?

Mon choix d’entrer au contrôle général des armées découle paradoxalement de tout ce que le commissariat de l’air m’a apporté de positif. En effet, conformément à mes souhaits, j’ai pu occuper en peu d’années tous les emplois « représentatifs » du parcours classique d’un commissaire de l’époque. Rester voulait dire en 1992 - c’est bien différent aujourd’hui - recommencer. Et je voulais découvrir de nouveaux horizons. Le CGA m’ouvrait des perspectives ministérielles, le monde passionnant de l’armement, avec le maintien de la qualité d’officier à laquelle je m’étais attachée.

Si vous deviez donner un conseil aux jeunes femmes qui soit cherchent une voie, soit sont entrées dans le commissariat des armées (quel que soit leur milieu) et s’interrogent sur leur avenir, que souhaiteriez-vous leur dire ?


D’abord, de ne pas douter d’elles-mêmes et de ce qu’elles peuvent apporter ; ensuite, de veiller à unifier leur vie en étant au clair avec elles-mêmes sur le partage pas toujours simple à faire entre vie professionnelle et vie privée et en ne sacrifiant pas leurs valeurs au conformisme dans certains contextes professionnels difficiles ; enfin d’oser !


Biographie
Le contrôleur général des armées Brigitte Debernardy est née le 9 mai 1955 à Alger
(Algérie).
Commissariat de l'air
Admise à l’école du commissariat de l’air à Salon de Provence en 1978, elle effectue, à sa
sortie, une année de stage sur la base aérienne 705 de Tours. Affectée à la direction du
commissariat de la 2è région aérienne de Villacoublay de 1981 à 1983 elle y sert d'abord
comme adjointe au chef de la division restauration, puis au chef de la division finances. Elle
est nommée en 1983 commissaire de la base aérienne 122 de Chartres.

En 1985, elle rejoint l’école du commissariat de l’air en qualité de professeur chargée de

l’enseignement des techniques de gestion. Au cours de cette affectation, pour préparer la
réforme des méthodes de surveillance de l’administration décidée par le directeur central du
commissariat de l’air, elle participe à des missions d’audit financier dans plusieurs grandes
entreprises industrielles au sein d’équipes du cabinet ACL Audit (Coopers et Lybrand).

En 1989, elle est affectée au service administratif du commissariat de l’air à Paris, au poste

d’adjointe du directeur.

Contrôle général des armées

Admise dans le corps militaire du contrôle général des armées le 1er mai 1992, elle est
affectée au département de contrôle des forces. Parallèlement, en février 1993, elle est
nommée commissaire chargée de la liquidation des biens de la fondation pour les études de
défense nationale.

En juillet 1994, elle devient chargée de mission auprès du chef du contrôle général des

armées.
En septembre 1996, elle est affectée au groupe des contrôles spécialisés, division des
affaires financières et économiques.
En février 1997, suite à une réorganisation du contrôle général des armées, elle rejoint le
groupe de contrôle du personnel, de la réglementation et du budget où elle conserve ses
attributions.
En juillet 1999, elle est affectée à la direction de la fonction militaire et du personnel civil en
qualité d’adjointe au directeur.
Elle est nommée secrétaire générale du conseil supérieur de la fonction militaire le 9 avril
2001.
En avril 2004, de retour au contrôle général des armées, elle est affectée au groupe de
contrôle des services et industries d’armement, où elle est chargée de la section études
technologiques.
En septembre 2007, elle rejoint le groupe des inspections en tant que chef de l'inspection du
travail dans les armées.
Le 1er septembre 2012, elle est affectée au groupe de contrôle des services et industries
d'armement, section opérations d'armement. Parallèlement, le 15 avril 2014, le ministre de la
défense la charge de mettre sur pied et de diriger la cellule Thémis qu’il a décidé de créer,
sur proposition du rapport conjoint qu’elle a rédigé avec l’inspecteur général des armées-
Terre, pour renforcer au sein du département la lutte contre toutes formes de harcèlement,
discrimination et violences à caractère sexuel.
Elle devient chef du groupe de contrôle du personnel, de la réglementation et du budget
le 5 janvier 2015 et responsable ministérielle de l’audit interne le 1er juillet de la même année.
Elle est membre du comité d’harmonisation de l’audit interne.
Chargée de cours à l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), section
droit-comptabilité, de 1993 à 2001 et rapporteur spécialisée au comité des prix de revient
des fabrications d’armement (CPRA), elle a été membre :
•du bureau de la caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (Préfon) de
1995 à 2004, et trésorière de 2000 à 2004 ;
•du conseil pédagogique du centre d’études stratégiques aérospatiales (2004 –
2009) ;
•de la commission de contrôle financier de l’institut de recherche germano-français de
Saint-Louis de 2007 à 2009, commission qu’elle a présidée en 2007, lorsque la
présidence tournante est revenue à la France.

Membre du jury du concours de 
recrutement du CGA de 2009 à 2012.

Diplômée de l’institut d’études politiques de Paris, section service public, le contrôleur

général des armées Debernardy est titulaire d’une maîtrise de droit public et d’un diplôme
d’études approfondies d’administration publique. Ancienne auditrice du centre des hautes
études de l’armement et des premières sessions d’études monétaires de la Banque de
France, elle est également titulaire du brevet technique d’études administratives militaires
supérieures.
Officier de la Légion d’Honneur et officier de l’ordre national du Mérite.