mercredi 9 décembre 2015

La transformation dans l'entreprise

ou comment déployer une transformation dans les meilleures conditions ?
par Stéphane Marhadour

Notre camarade soumet à notre analyse, en libre propos, une réflexion sur les conditions de réussite d'une transformation dans une entreprise (au sens d'une organisation structurée, civile ou militaire), au travers de la mise en oeuvre de 7 règles.

1/ LE CONSTAT
Force est de constater que la transformation "dans l'entreprise" est bien souvent appréhendée par un seul bout. C'est à dire sous un seul angle de vue. Comme s'il était possible que la main droite ignore ce que fait la main gauche. Or nos deux mains sont pilotées par notre cerveau, c'est à ce niveau qu'il faut donc inévitablement agir.

En effet, la transformation "de l'entreprise" peut être considérée sous plusieurs aspects indépendamment les uns des autres :  sous l'aspect marketing que l'on "digitalise", sous l'aspect managérial par l'apport du collaboratif ou de la stratégie, sous l'aspect applicatif par l'apport d'applis mobiles principalement, sous l'aspect technique par la rénovation de l'architecture. Chacun trouvera d'autres aspects selon son expérience.

Les DSI*, les cabinets de conseil et autres prestataires de service apportent leur expertise reconnue selon le domaine ainsi observé et obtiennent généralement de bons résultats au final.
Toutefois, ces bons résultats ne suffisent pas à transformer "l'entreprise" en totalité et à tous les niveaux, c'est à dire du sol au plafond. Quelles en sont les causes profondes ?

2/ LES CAUSES PROFONDES
Premièrement, parce que la taille de l'entreprise compte et que faire basculer les indécis et les réfractaires consommera exponentiellement de l'énergie selon leur nombre. Ainsi convaincre 5.500 ou 50 000 personnes  ne vous coûtera pas 1, 10 ou 10 000 en énergie mais bien plus (je propose une courbe de type exponentielle, à débattre).

Deuxièmement, parce que la problématique de la transformation est généralement abordée par l'un des départements de l'entreprise isolément des autres parties. Un projet de transformation est une affaire d'hommes et donc d'un directeur de projet. Son cursus dans l'entreprise et sa connaissance partielle du milieu font de lui un acteur porteur d’œillères à son corps défendant.

Troisièmement, par l'absence de prise en compte systématique et exhaustive du contexte environnant le projet de transformation. Puis aussi par l'absence de déclinaison systématique du projet sur son contexte. Je ne parle pas de l'environnement qui, lui, est hors de portée pour le directeur du projet car il n'a aucune prise sur l'environnement (ex : fin des ordinateurs PC remplacés par les constructeurs par des tablettes).

Dernièrement, par la contrainte des ressources, qu'elles soient financières, humaines ou techniques. La transformation complète de l'entreprise ne s'envisage que rarement en mode Big-Bang. Il est d'usage de procéder par départements ou processus. Par ailleurs, l'expérience montre que le rapport entre les ressources et la réussite des projets n'est pas une liaison forte. L'actualité nous le rappelle encore dans le milieu du cloud.

3/ LES 7 RÈGLES A SUIVRE
Je soumets à l'analyse du lecteur les règles suivantes pour déployer une transformation dans les meilleures conditions :
Règle 1 : une transformation nécessite un sponsor du plus haut niveau (le cerveau). C'est le garant de la transversalité et de la verticalité de la transformation. S'il en est convaincu et porteur, alors il sera plus facile de convaincre l'ensemble de ses collaborateurs.

Règle 2 : une transformation ne démarre pas systématiquement d'une stratégie "métier" dirigée du haut vers le bas et déclinée vers l'informatique. J'invite chacun à retrouver l'analyse d'alignement stratégique de Venkatraman sur le sujet. Les opportunités naissent aussi du terrain ou du matériel informatique (ex : les tablettes ou le big data). C'est un peu le retour en grâce des informaticiens auprès de la direction.

Règle 3 : une transformation ne se décrète pas, elle est une affaire d'hommes et de femmes, nécessitant un accompagnement et des explications sur les raisons (le pourquoi). Voir à ce sujet la présentation de Simon Sinek** qui doit faire l'objet d'une prise en compte systématique.

Règle 4 : l'organisation de l'entreprise et ses impératifs de production et de rentabilité ne se prêtent que difficilement au changement si les règles sont fixes et formelles. On fait face ici à l'habitude des règlements et des statuts dont la rigidité est impressionnante. Il apparaît plus pertinent de définir des fondements en partie principale du document et de rejeter les modalités techniques d'application en annexe, ainsi plus aisées à faire évoluer.

Règle 5 : une transformation réussie est un processus progressif de maturité des hommes en charge de la mener. Celui qui a réussi une transformation disparaît presque aussitôt dans la nature (épuisé, muté...). Pourquoi ? Ne faut-il pas au contraire le mettre en avant, le récompenser, lui faire exprimer ses difficultés, ses doutes et les solutions qu'il a apportées ? C'est un être humain qui s'exprimera en tant que tel à ses comparses et facilitera la prochaine étape de transformation (menée par un autre...). Son retour d'expérience est vital. Ces types de profils doivent donc être enregistrés.

Règle 6 : le nombre de paramètres d'une transformation est si conséquent que le risque zéro n'existe pas. Une gestion des risques s'impose systématiquement. Elle combinera idéalement clairvoyance du directeur de projet, compréhension des parties prenantes et bienveillance au niveau du sponsor.

Règle 7 : une transformation réussie ne repose pas sur de la chance (ou des éléments extérieurs non maîtrisés) ou sur de la magie. Il s'agit d'actions élémentaires toujours décidées et mises en œuvre dans un objectif visé, commun et compris. La transformation sera l'objet de communication et de formalisation exploitable et accessible par tous.

4/ CONCLUSION
J'attends vos remarques, analyses, commentaires et critiques constructives à l'aune de vos propres expériences, sensibilités et points de vue, même si un seul angle de vue me paraît insuffisant (voir 1/ Constat ci-dessus).(écrire à amicaa@sfr.fr)

*direction des systèmes d'information
**www.ted.com/talks/simon_sinek_how_great_leaders_inspire_action?language=fr