Fin de l’article du commissaire général (2S) Henri Louet diffusé en septembre 1974 dans la revue RCB (Rationalisation des choix budgétaires).
3ème Volet : Les enseignements qui en découlent
Malgré les difficultés rencontrées dans l'expérimentation des budgets de fonctionnement, leur généralisation dans l'Armée de l'air a pu avoir lieu le 1er janvier 1974, à la date fixée par le ministre. Actuellement (1974), le système du budget de fonctionnement est bien assimilé et les bénéficiaires s'en montrent satisfaits. D'ores et déjà, ayant mesuré les résultats obtenus, il paraît possible d'exposer les enseignements qui en découlent.
L'extension de la notion d'objectif
Si la ventilation des dépenses par nature est indispensable, elle ne peut suffire aux besoins d'une gestion rationnelle basée sur la déconcentration des responsabilités. La définition d'un objectif commence donc par la recherche du responsable des dépenses correspondantes, non pas dans le but coercitif de la mise en jeu de cette responsabilité, mais dans l'espoir que cette autorité pourra agir utilement sur ces dépenses.
Dès lors, on conçoit aisément l'intérêt d'un découpage des budgets de fonctionnement en objectifs recouvrant sinon la totalité, du moins la majorité des dépenses. Il ne s'agit plus d'appeler « objectif » le simple cumul de dépenses de natures diverses dont la responsabilité reste également diversifiée. Il s'agit, au contraire, de regrouper, autour d'un responsable capable d'action, des moyens financiers orientés vers un but unique qui est la mission ou la fonction de cette autorité, puis de mettre en regard de ces moyens financiers une orientation chiffrée, une réalisation espérée, en bref un objectif à atteindre.
En définitive, fixer un objectif dans un budget de fonctionnement, c'est donner autorité et moyens d'action à l'idoine fonctionnellement responsable de cette dépense, c'est lui donner également la responsabilité et le goût d'agir sur cette dépense. Il y a bien là une véritable déconcentration et une attribution de pouvoirs. Comme dans le domaine opérationnel, il y aura pour chaque objectif « un chef, une mission, des moyens ». L'intérêt de cette méthode est évident pour un responsable chargé de faire la synthèse des activités diverses de son commandement, qu'il s'agisse d'une région ou d'une base. Pour la première fois, il obtient une vue analytique précise des domaines de responsabilités de ses subordonnés, en même temps que la vision synthétique de l'activité de soutien de son commandement.
La notion d'objectif peut déborder le domaine du budget de fonctionnement. On peut en effet concevoir qu'un commandant de base ait des objectifs à court, moyen et même long terme, dans le domaine de l'infrastructure par exemple. Rien n'empêche de concevoir, et certains commandants de base le pratiquent déjà, la tenue des dossiers d'objectifs opérationnels ou d'infrastructure se traduisant par des réalisations. Celles-ci entraînent à leur tour un certain nombre de conséquences que le centre de décision doit chiffrer à titre prévisionnel et inscrire dans le budget de fonctionnement de l'année voulue.
Dans l'exécution, chaque responsable devrait suivre l'objectif qui lui est confié, pour en contrôler la réalisation et provoquer éventuellement des actions correctives. Un dossier d'objectifs doit être constitué. Complet au niveau du commandant de base, il se réduit graduellement au niveau des responsables, puis des commandants d'unité, surtout concernés par des actions simples et précises. La tâche ne devrait pas être trop astreignante, le responsable ne tenant pas de comptabilité mais un simple suivi des consommations en dépenses. Elle concourra avant tout à restaurer l'esprit d'initiative et de responsabilité, tant il est vrai que la recherche et le chiffrement des objectifs est une tâche ardue et de longue haleine, mais que chaque nouvelle définition d'objectif est en définitive une conquête de la direction rationnelle sur l'empirisme approximatif.
L'intégration du système dans un ensemble plus vaste
Dans le système mis en place, les dépenses de fonctionnement courant sont isolées des dépenses d'investissement qui y sont liées En d'autres termes, le système ne permet pas encore de répondre objectivement par exemple à la question suivante : vaut-il mieux réparer une machine à écrire ou demander son remplacement ? En effet, si le responsable obtient une machine neuve - qui ne coûte rien au budget qu'il gère -, il décharge sa gestion des frais d'entretien de la machine ancienne. Dans le cas contraire, il doit bien assurer l'entretien de la vieille machine, même pour un prix économiquement aberrant.
Ce type de confrontation entre le titre III et le titre V du budget, nécessaire pour réaliser de façon optimale les objectifs poursuivis, est permis par le 3 PB, mais à un niveau trop global pour le genre de problèmes posés ici.
Des dispositions complémentaires sont à inventer plus près de l'utilisateur, pour permettre de donner aux budgets de fonctionnement leur pleine dimension au regard des finalités de la gestion. C'est sans doute pour cela que l'on ne considère que les « flux financiers », ou dépenses réelles, faisant l'objet d'engagements et de paiements au niveau de la base.
Pour aboutir à un système entièrement satisfaisant, il ne faut pas lier budget de fonctionnement et flux financier. Il faut tenir compte, suivant certaines règles à définir, des investissements sous forme d'amortissements et des dépenses de main-d'œuvre. Il faut évaluer les stocks significatifs de matériels en début et en fin de gestion. Il faut surveiller l'évasion éventuelle des charges des budgets de fonctionnement vers des charges de main-d'œuvre ou de renouvellement de matériels. Il faut qu'un commandant de base sache qu'une solution qui ne consomme pas les crédits du budget de fonctionnement mais au contraire du personnel peut s'avérer plus onéreuse. Il faut qu'il ait une possibilité de choix plus vaste et soit véritablement responsable de la décision qu'il a prise.
Conscient des limites du système actuel, le Commissariat de l'air, qui avait par ailleurs le souci de décentraliser certaines réalisations de matériels pour mieux faire coïncider les besoins et les moyens tout en régularisant et maîtrisant les dépenses « d'investissement » correspondantes, a mis au point un système de budget d'équipement qui contribue aussi à limiter quelques-uns des risques de fuite vers les dépenses d'investissement.
Depuis le 1"' janvier 1974, conformément aux directives du ministre, la mise en place des budgets de fonctionnement fondés sur le principe de la gestion par objectifs peut être considérée comme généralisée dans les armées, en particulier dans la gendarmerie et l'Armée de l'air. Le respect de ce calendrier constitue déjà un résultat important. Reste cependant à approfondir encore les améliorations de gestion permises par ces méthodes nouvelles et à en profiter plus complètement.
Le souci d'efficacité a toujours animé le commandement militaire et particulièrement en temps de guerre, où il se satisfait cependant mal d'un décompte précis des moyens mis en œuvre. En temps de paix, les moyens fournis aux armées sont comptés. Si le système du budget de fonctionnement ne permet pas d'effectuer des économies sur l'enveloppe financière globale, il permet par contre de mieux apprécier l'importance, la réalité et l'urgence des besoins, tout en assurant une grande souplesse dans l'emploi des moyens. Au souci de l'efficacité opérationnelle, qui doit demeurer la principale préoccupation du commandement, vient s'ajouter désormais le souci du bon usage économique des crédits.
En conclusion, on peut affirmer que le système des budgets de fonctionnement a déjà marqué fortement de son impact les armées. Généralement apprécié de ses utilisateurs, il deviendra certes un instrument plus efficace dans un proche avenir, mais d'ores et déjà, il permet une plus grande souplesse d'emploi des moyens et réalise une plus grande harmonie entre les impératifs de l'action et les moyens nécessaires, une adaptation plus étroite des moyens aux contraintes et un choix plus facile et mieux fondé entre les actions que permettent des moyens forcément limités.
(En 2015, la base de défense est la principale formation administrative de la Défense à l’échelle locale. Les moyens de soutien des formations (bases aériennes) ont été mutualisés et confiés au groupement de soutien de la BdD (GSBdD). L’efficacité du service repose donc directement sur la qualité du dialogue engagé par les formations soutenues avec leur GSBdD.
Celui-ci assure l’administration générale et le soutien commun (auparavant exercés par chaque formation) :
- Achats, Finances, Comptabilité (budget de fonctionnement courant, comptabilité générale, moyens généraux, etc.)
- Administration du personnel (actes administratifs, ressources humaines, etc.)
- Soutien vie (hébergement, alimentation, loisirs, habillement, etc.)
- Soutien commun (transport, entretien des locaux, moyens commun d’instruction, service général et sécurité, etc.)