jeudi 13 février 2014

Michel Fropo

« L’un des derniers chevaliers des temps modernes »
Commissaire en chef de 1ère classe (ER) Bruno Espieux

Le commissaire colonel Michel Fropo (ECA 55) nous a quittés le 25 janvier dernier au terme d’une longue maladie. Maladie qu’il a affrontée avec le courage que lui donnait sa Foi. Le commissaire Fropo était un personnage hors du commun et je me plaisais à lui dire que, dès sa naissance, il avait tenu à être original car il était né un 29 février : « ah, oui ! me répondait-il : comme Michèle Morgan ! ».

Michel Fropo est en effet né le 29 février 1932 à Marseille, issu d’une famille qui a donné à la France de nombreux officiers au fil des siècles. Sa licence de droit en poche, il intègre l’Ecole du Commissariat de l’Air en août 1955.
 
Après avoir suivi le cours des affaires algériennes à Alger en 1958, il revêt le képi bleu des officiers appartenant à ce corps pour servir comme chef des Sections Administratives Spécialisées de Tlemcen puis de Tameksalet. Cette expérience, qu’il relatera dans un numéro du Piège (« Feuille d’acanthe et képi bleu » juin 1991)(1), le marquera beaucoup. Ces officiers étaient chargés de l’administration, au sens le plus large du terme, de territoires grands comme deux ou trois communes. Ils étaient amenés ainsi à tisser des liens très étroits avec une population qu’ils aimaient profondément. Michel Fropo retrouve son uniforme bleu marine en octobre 1961 et rejoint le commissariat des bases de l’air de Paris.

Le 1er mars 1963, le commissaire capitaine Fropo présente sa démission, qui est acceptée, en réaction à une politique algérienne qu’il n’approuve pas. On trouve là un trait dominant du caractère de Michel Fropo : un sens de l’honneur qui le pousse à mettre en conformité ses actes et sa pensée.

Commence alors pour lui une nouvelle vie. Après un bref passage à la Compagnie sans fil et au Commissariat à l’énergie atomique, nous découvrons le professeur Fropo, professeur de lettres et de sciences économiques dans plusieurs écoles privées. Le commissaire Fropo est rappelé au service actif le 1er août 1979 comme officier sous contrat (on parlait alors des ORSA) et il servira à Aix, Luxeuil, Villacoublay puis à la direction centrale du matériel de l’armée de l’air.

Rendu définitivement à la vie civile le 1er août 1987, le commissaire lieutenant- colonel Fropo retrouve la chaire de professeur dans la très prestigieuse Ecole Royale Militaire de Sorèze.

Riche d’une carrière de 36 ans de service, 15 ans à titre militaire et 21 ans à titre civil, le commissaire colonel Fropo (grade qu’il obtient dans la réserve le 1er octobre 1992) totalise plus de 7 ans de campagne militaire.

Père de six enfants, grand-père 12 fois et une fois arrière-grand-père, Michel Fropo était très uni à Jacqueline par la longue et fidèle complicité que permettent 54 années de mariage.

L’image que je garderai de lui est sa grandeur d’âme que traduisait bien son regard. A ceux qui l’on croisé, le commissaire colonel Michel Fropo laissera le souvenir d’un homme au service d’un idéal qu’il situait très haut. C’était un homme d’une grande générosité et d’une grande discrétion : peu savent en effet le bien qu’il fit au service de l’éducation des prisonniers.

 Michel Fropo mettait sa grande intelligence et son érudition au service de sa Foi. A ce titre, il fut très certainement l’un des derniers chevaliers des temps modernes.
(1)    repris sur notre site (février 2013)

Fidèle jusqu’au bout à ses convictions
Jean Bajard (1954)

Avec Michel Fropo le commissariat de l’Air a perdu un ancien quelque peu atypique dans notre monde qui, en quête de valeurs, tourne le dos à une histoire riche d’exemples d’hommes qui ont témoigné par leur vie qu’il existe bien d’autres causes que la richesse matérielle, la réussite sociale…, capables de donner à l’homme une dimension bien plus exaltante que ces fausses valeurs souvent décevantes.

J’ai connu Michel Fropo en 1953 alors que nous préparions le concours du Commissariat de la marine dans les locaux de l’Institut d’études politiques de Paris. C’est en cours d’année que nous avons appris la naissance du commissariat de l’air avec un concours d’entrée calqué sur celui de la marine.
Nous n’avons pas été camarades de promotion mais les liens que j’ai noués au cours de cette année scolaire 1953-1954 avec Michel et quelques-uns de ses camarades de promotion sont demeurés très solides jusqu’à ces derniers mois où il m’envoyait régulièrement les documents liés à ses engagements.
J’ai toujours admiré la façon dont il vivait son idéal. Très vite, nous avons su que la base des valeurs auxquelles nous étions attachés, l’un et l’autre, était la même.

Nos chemins professionnels ne nous ont pas réunis pendant les premières années de notre carrière. Par contre, nous avons été très proches dans la deuxième phase de sa carrière.  Nos expériences différentes, peut-être aussi nos sensibilités, nous ont conduits à ne pas porter toujours exactement le même jugement sur les divers évènements qui ont marqué la deuxième moitié du XX° siècle. Nous avons échangé parfois longuement sur tous ces évènements et ces échanges furent riches, toujours empreints d’amitié sans faille, je peux même dire d'une réelle fraternité.

Je me souviens d’une soirée qui s’est prolongée tard, lors d’une réunion des CATA qui se tenait sur la Base d’Apt, ou encore lors d’un après-midi, au cours d’un week-end où il est venu chez moi à Paris. Tous les sujets étaient au menu dans ces rencontres : nos familles, les évènements, les hommes, l’évolution notamment de la pratique religieuse, nos engagements.  Michel a toujours été fidèle aux meilleures de nos traditions.

Je citerai seulement une anecdote pour situer Michel Fropo. Appelé un jour à présenter un dossier concernant sa situation militaire au chef d’Etat-Major, celui-ci feuilleta le dossier que je lui avais apporté. Il tomba en arrêt devant la photo de Michel et, frappé par la profondeur de son regard, il me dit : « Charles de Foucauld !». Il avait compris quel genre d’homme était Michel.

Tel était cet ami à la fois original et terriblement attachant, un ami
     
 
L'adieu à notre ami Michel Fropo
Bérangère Brunel, épouse de Jean Brunel (ECA 55)

L'enterrement de Michel a eu lieu le mercredi 29 janvier 2014, à 14h, à la Cathédrale Saint Siffrein de Carpentras. [..]

Michel faisait partie des Chevaliers de Notre Dame, présents avec leur cape blanche marquée d'une croix bleue.






Etaient présents aussi les membres de la confrérie des pénitents noirs de Carpentras (confrérie qui remonte au 16ème siècle) qui accompagnent les mourants et participent aux enterrements. [...]

Nous nous sommes joints à tous ceux qui allaient au cimetière et nous sommes retrouvés devant le caveau de famille avec beaucoup d'émotion. Beaucoup de fleurs dont un coussin avec le bandeau "les petits cos de la promo 55".