jeudi 13 décembre 2012

Jean-Marc Bourdeau

Discours du CGCA Jean-Marc Coffin, directeur central du SCA, lors des obsèques du commissaire général Jean-Marc Bourdeau

C’est avec beaucoup d’émotion, de respect et de gratitude que j’évoquerai devant vous la figure d’un ami très cher et d’un vieux compagnon de route : le commissaire général Jean-Marc BOURDEAU.
Nous tous ici qui avons connu, côtoyé ou aimé le commissaire BOURDEAU souffrons dès à présent de son départ tragique. Nous perdons en Jean-Marc BOURDEAU un homme d’honneur, de largesse et de convictions dont il m’appartient aujourd’hui de dresser le portrait en tentant modestement de raviver quelques-uns des traits les plus marquants de ce personnage.
Car BOURDEAU était un personnage, au sens le plus noble et le plus théâtral du terme. Un personnage complexe et charismatique, subtil alliage de qualités à la fois intemporelles et surannées.
L’honneur figurait au nombre des vertus cardinales de cet officier élevé dans le culte du devoir et de la dignité. Homme d’honneur et de probité, Jean-Marc veillait à ne jamais verser dans la petitesse des arrière-pensées.
De là une naturelle propension à stigmatiser la médiocrité, un côté « Grand Siècle » prompt au duel, qui lui valait l’estime complice des hommes de son rang, l’admiration sincère et l’affection de ses protégés et, sans doute, l’agacement de celles et ceux qu’il estimait indignes de combattre sous sa bannière.
Il y avait en effet de la chevalerie dans cet officier au caractère noble et bien trempé. Un indéniable courage qui versait fréquemment dans la bravoure empanachée et, parfois, dans la témérité. Certains estiment peut-être qu’il n’est de courage que dans le métier des armes, et que l’état de commissaire n’évoque pas spontanément des engagements fougueux ou des assauts fracassants. Il est cependant d’autres joutes où le talent d’un homme trouve à s’exprimer. Et dans les joutes verbales, là où la voix doit porter haut, clair et sans chevrotements, une idée, un concept, une conviction ou une provocation, dans ces joutes là, le commissaire BOURDEAU excellait. Je garde encore le souvenir de discussions houleuses au cours desquels il déniait à son adversaire le droit d’exercer un ascendant autre que justifié par une incontestable compétence. BOURDEAU n’était pas de ceux qui s’inclinent aisément.
Et pour ce qui est de ses faits authentiquement guerriers, je rappellerai simplement qu’il fut l’un des premiers à se porter volontaire pour la guerre du Golfe en 1990, à une époque où la perspective d’emploi d’armes chimiques par les troupes de Saddam Hussein laissait présager des pertes effrayantes du côté de la coalition. Jean-Marc passa plus de 6 mois en ces terres inhospitalières dont il revint modestement avec le même sourire énigmatique et la Croix de guerre, décoration dont peu de commissaires peuvent s’enorgueillir.
Dans le quotidien de ses affectations, les qualités insignes du commissaire BOURDEAU ne pouvaient se manifester autrement que par une conscience professionnelle aiguë. De prime abord, son goût du paradoxe, son apparente distanciation par rapport aux évènements, son flegme si britannique pouvaient laisser accroire à une forme d’amateurisme distingué.

Mais, passée cette impression fugace, Jean-Marc dévoilait méthodiquement une redoutable capacité à appréhender les problématiques les plus complexes, à en dégager les enjeux essentiels et à concevoir les modalités de leur résorption. Le tout ponctué de références réglementaires, d’exemples éclairants, de rapprochements audacieux et, toujours, de ces fameux traits d’esprit qui réveillaient les vigilances assoupies et contribuaient à rendre attrayantes les réunions les plus sinistres. Jean-Marc alliait en effet le génie du conteur à la rigueur du budgétaire. C’est ce qui lui permit, entre autres, de briller dans toutes les instances où le guida sa riche carrière. Du « bureau des finances et du budget » de l’état-major de l’armée de l’air, à la sous-direction « finances, budget, comptabilité » de la direction centrale du SCA, en passant par la division « plans, programmes, évaluation » de l’état-major des armées, partout Jean-Marc fut à la hauteur de sa réputation. Ce qui lui valut les éloges unanimes de sa hiérarchie et la nomination au grade de commissaire général de brigade aérienne le 1er juillet 2010.

Son orgueil racé y puisa une incontestable fierté. Sa modestie cependant dut en souffrir. Car là n’était pas le moindre des paradoxes de cet être complexe, chez qui l’humilité de celui qui doute le disputait à l’ardente volonté de celui qui veut convaincre. Les postes à haute responsabilité qu’il occupa furent toujours pour lui l’occasion de remises en cause personnelles, de celles qui permettent d’aborder avec un œil neuf les problématiques nouvelles et de donner finalement, chaque fois, la pleine mesure de son talent.
Cette humilité, cette aptitude à se remettre en cause, sans jamais rien renier de ses engagements, Jean-Marc BOURDEAU les tenaient incontestablement d’une culture, vaste, profonde et structurée. Une culture académique, au sens le plus accompli du terme, celle dont le général de GAULLE jugeait qu’elle était « la véritable école du commandement ».

Commissaire par goût, commandeur par vocation, le général BOURDEAU a marqué l’armée de l’air et le commissariat dont il demeure une figure emblématique et ô combien attachante.
Je ne saurais maintenant conclure sans évoquer l’amour que portait Jean-Marc à sa famille. Cet homme de fer et de bons mots chérissait les siens. Son épouse Diane, ses quatre enfants Sophie, Guillaume, Edouard et Eléonore, nous le savions bien, étaient pour lui son bonheur et sa fierté. 

C’est donc vers vous, Diane, que je me tourne pour vous renouveler la reconnaissance de l’institution militaire pour celui qui toujours porta avec brio et flamboyance une certaine idée du devoir et de la générosité. L’amiral Edouard GUILLAUD et le général Pierre de VILLIERS, malheureusement empêchés, se joignent à moi et me demandent de vous témoigner leur soutien.

Votre époux fut un grand et noble serviteur de l’armée. Tous ceux et celles qui vivent également cet engagement sont aujourd’hui à vos côtés et y demeureront.