Les cours de première année dans les matières administratives sont assurés à la fois par le directeur de l’ECA et les cadres de la Division d'instruction administrative (D.I.A.) de l’école de l’air dirigée par le commandant Caire (homonyme d’un commissaire) et chargée de former les officiers des services administratifs.
Il est intéressant d’examiner le contenu des enseignements durant cette première année de fonctionnement de l’école, si différents de ceux dispensés aujourd’hui à l’école des commissaires des armées, après 70 ans de révolutions successives dans les domaines du management, du numérique, de la restauration collective, de la logistique et de l’audit, puis avec l'interarmisation.
L’instruction militaire
Un livret « cours d’instruction militaire » présente d’abord à l’élève tout l’environnement du cadre militaire (hors aspects armements ou techniques) : présentation de l’officier de presse, de l’officier de mobilisation, de l’officier de « distribution » (de denrées alimentaires dans une garnison !), des modes de diffusion des documents, de la carrière d’un sous-officier, bref un livret plutôt destiné à des élèves sous-officiers qu’aux poussins de l’école de l’air ou aux élèves commissaires.
Un manuel d’instruction des troupes de l’armée de l’air (en deux tomes, édités chez Lavauzelle) est également remis aux élèves commissaires. Il traite de l’instruction générale du soldat (allant de la comptabilité deniers…aux règles de correspondance et de savoir-vivre), mais aussi de la formation du combattant, de l’armement aux…« travaux de campagne ». Ce manuel comprend quelques dispositions qui sont des marqueurs de l’époque, relatives au mariage, au droit d’association, à l’inéligibilité, à l’entrée dans les salles de jeu et… aux duels.
Enfin, une instruction sur « le service intérieur dans les bases aériennes » complète l’information des élèves. Il est précisé que « le commandant de base aérienne exerce son autorité administrative sur tous les éléments stationnés sur la base aérienne et dispose, pour le seconder, du major chef des services administratifs du bataillon de l’air de la base, qui est son « conseiller administratif » (les guillemets sont dans le texte).Le commissaire de base n’apparaîtra que 20 ans plus tard.
Le volet Organisation
C’est l’un des cours qui a le moins changé avec le temps, dans son esprit tout au moins. Après une présentation par le commandant Caire de « notions sommaires » sur l’organisation constitutionnelle de la France et sur le Pacte Atlantique », le lieutenant Ricochon (DIA) décrit dans le détail à la fois le cadre international (OTAN), l’organisation de la défense nationale et, plus particulièrement, l’organisation de l’armée de l’air (avec la « direction du commissariat de l’armée de l’air » et « l’inspection générale du commissariat de l’armée de l’air »).
Les comptabilités finances et matières
Quatre volumes sont remis aux élèves, en rappelant que le concours n’est ouvert, à cette époque, qu’aux juristes et élèves de Sciences Po. Evidemment, eu égard aux fonctions des commissaires de l’air, il faut bien leur faire découvrir ce monde des chiffres, nouveau pour beaucoup d’entre eux (2).
Les polycopiés rédigés par la DIA pour les officiers des services administratifs font indiscutablement le tour de la question :
- comptabilité publique finances appliquée à l’armée de l’air ;
- comptabilité matières (3 tomes), enseignée par le commandant Caire chef de la DIA. Le contenu est encore très teinté Terre et Intendance. On notera au passage une phrase du préambule, lourde de sous-entendus : « La comptabilité Finances est précise et facile à contrôler. La comptabilité Matières, par contre, en raison de la nature, de l’encombrement, de la dispersion et de la diversité des matériels constituant son objet, est moins précise et difficile à contrôler ». Suivent alors des développements sur les pertes et détériorations, les revues et recensements et les réformes. Au moins, les élèves sont prévenus !
Dans le tome 2, où sont traitées les dotations en matériels d’ameublement, on note qu’une guérite en bois est en dotation dans le corps de garde, que pour les logements de fonction, l’argenterie ne sera remplacée qu’après usure normale. En revanche, pour la porcelaine et la verrerie, le remplacement sera assuré gratuitement dans la limite annuelle de 10% du matériel en service.
On signalera aussi que « pour être valable, le bon de tabac (aux unités) doit être visé par le commissaire ordonnateur.» Quelle responsabilité ! Au passage, le polycopié mentionne toujours le commissaire ordonnateur, alors qu’il s’agit d’un « commissaire de l’air » depuis 1947.
Enfin, un polycopié distinct aborde de manière très complète le sujet complexe des réquisitions militaires, notamment dans ses volets indemnitaires et contentieux.
Habillement
Autre domaine d’action très important pour le commissariat de l’air : l’habillement. Un cours sur les textiles est donc prévu au programme, assuré par le commissaire lieutenant-colonel Bistaudeau, ingénieur ITF (institut textile de France), ancien directeur du SFCA 796 de Ris-Orangis et grand spécialiste de ces questions. Plus tard, de nombreux commissaires de l’air suivront cette formation à l’ITF (devenu aujourd’hui IFTH).
Subsistances et alimentation
Le cours sur les subsistances est assuré par le directeur de l’école.
En 1953, le commissariat de l’air n’est pas en charge de la restauration (comme l’on dit aujourd’hui) sur les bases aériennes. Celles-ci sont ravitaillées principalement par les services des subsistances de la Guerre (armée de terre) ou de la Marine, et en complément par le service des approvisionnements des ordinaires (SAO) ou la commission des ordinaires de garnison. Mais le commissariat de l’air se doit de bien connaitre ce domaine car il en assure la surveillance administrative, par délégation du général commandant la région aérienne.
Le cours sur les subsistances décrit donc dans le détail les procédures applicables par les services ravitailleurs précités et par le service de répression des fraudes, mais aussi la diversité des techniques de production et de conservation des denrées. On s’attardera sur le tableau de dentition des bovidés selon leur âge ou sur les opérations de transformation du raisin en vin, toujours utiles à connaitre pour les dîners à la sous-préfecture.
En complément, un cours d’alimentation est donné par le commissaire colonel Coste, sur les lois diététiques, l’hygiène alimentaire, la préparation des aliments et les règles de composition des rations de combat.
Législation et administration du personnel militaire et du personnel civil
On terminera cette étude rapide du « paquetage de polycopiés» des élèves commissaires de 1ère année en 1953 par un domaine qui, cette fois, n’est pas du ressort du commissariat de l’air mais que les élèves commissaires doivent connaitre, ne serait-ce qu’en tant que futurs commandants d’unité. Le cours est donné par le capitaine Thomas (homonyme d’un élève commissaire de la 53 !).
Dans le polycopié sur l’administration du personnel militaire, les commissaires ordonnateurs de l’air (encore l’ancienne dénomination) sont quand même cités : à propos de la procédure d’engagement des militaires (et l'usage de la Marianne) et dans la description du corps des commissaires de l'air, à côté de tous les autres corps d'officiers de l'armée de l'air. Si ce n'est pas de l'intégration !
Jacques Primault
Remerciements à madame Marie-Emmanuelle Béranger, fille du commissaire général Thomas, pour le don des documents de son père à l’AMICAA
(1) Voir les articles :
« La naissance de l’école du commissariat de l’air en 1953 » par le commissaire général de brigade aérienne Graffard (novembre 2012) taper : « naissance »
« Le commissaire commandant Graffard, premier directeur de l’ECA » par le commissaire général (2S) Jean-Louis Barbaroux (octobre 2015) ; « Commissaire général André Graffard -De la marine à l’armée de l’air » (septembre 2015) : taper : graffard
(2) Cette remarque demeure valable aujourd’hui encore, même si beaucoup d’élèves sont issus de filières de formation sciences économiques et gestion