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« Lors de ce séjour de huit semaines à Ramstein (Allemagne), il convenait d’éviter deux écueils : l’extase naïve du touriste tombé de son charter et la morgue blasée du voyageur international.
Si, dans l’ensemble, les structures correspondent aux nôtres, l’examen du détail impose de changer d’avis et d’admettre qu’il existe une vision anglo- saxonne des problèmes, aussi valable que différente de celle de sa sœur latine.
Ramstein est la première base aérienne d’état-major en Europe par ses dimensions inhabituelles (8000 acres soit 3200 hectares) et, surtout, parce qu’elle abrite le commandement en chef de l’USAF Europe. Compte tenu de cette présence importante, le commandement du site est dévolu à un officier général. La base dépend de la 17ème Air Force, état-major régional sis à Sembach (à 20 km)(1).Ce général commandant de base, baptisé « 316th Air Division Commander », dispose d’un petit état-major et de deux chefs de moyens principaux (niveau Wing Commander)(2). La différence entre nos deux systèmes réside principalement sur ce point, le partage des compétences se faisant de manière synthétique et non analytique.
Donc, deux Wings : le 86th Tactical Fighter Wing, dont dépend tout ce qui est immédiatement nécessaire à l’accomplissement de la mission en vol (2 escadrons de 24 F-16C Falcon). On comprend alors que c’est le « base commander » en titre, soit le commandant du 2ème Wing, le 377th Combat Support Wing, qui commande véritablement la base, c’est-à-dire tout ce qui ne vole pas, mais sans quoi rien ne volerait.Ceci posé, l’exécutif reste l’apanage du 316th Air Division Commander et de son état-major. On y trouve, avec leurs services, le chef de la sécurité, le médecin, un état-major militaire et un « Ressource manager » (avec un « contracting officer » qui est chargé de signer les contrats mais pas de les discuter, un service financier, chargé du contrôle de gestion, de la solde, des budgets et des déplacements).
La restauration est répartie entre d’une part les « Services » (pour les repas de service, exercices et rations) - qui assurent une prestation minimale et standardisée pour le repas de service, financée par un système proche de nos ICA – et, d’autre part, le « Morale Welfare and Recreation » qui fonctionne en totale autonomie financière et propose, moyennant finances, les sports et les distractions - sans lesquels les américains ne seraient plus américains - et anime aussi des « Clubs » (nos mess) aux prestations aussi remarquables que coûteuses.Dans le domaine juridique, le contracting officer, précité, signe les contrats mais en laisse l’élaboration et la discussion aux « judges-advocates », également placés sous l’autorité du base commander, et dont l’insigne associe la balance de la justice aux lauriers de la connaissance mais aussi à la force militaire (3).Et, puisque la justice militaire n’a rien à voir avec les tribunaux de droit commun, ils seront tour à tour juges, avocats ou conseillers du militaire égaré dans la désobéissance ou la méconnaissance de ses droits. On compte 150 personnes à Ramstein pour la plus importante entité juridico-judiciaire de l’USAFE.
Pour l’administration du personnel, tout est rassemblé au sein d’un « Consolidated Base Personnel Office » qui regroupe, en un seul point, toute notre chaîne personnel (dans l'armée de l'air de 1989).
Cette entité s’occupe également du programme « Intro » qui correspond à l’institutionnalisation de notre circuit arrivée. En trois jours, le nouveau venu prend contact avec l’administration locale, règle ses problèmes de vie courante et découvre en famille le pays d’accueil et ses structures. Ceci par groupes de 30 à 40 personnes.
Dans cet univers réglé et réglementé, l’application des principes du Taylorisme à l’administration ne saurait laisser la place au système D. Ce n’est pas forcément un défaut : avec les moyens humains et financiers qui s’y rapportent, les responsables sont moins préoccupés par la surveillance que par l’exercice de leur commandement. C’est une toute autre conception… »
(Cet échange avec l’USAF a été concrétisé par la venue d’un officier américain à Tours en mai 1989)
Jean-Marie Maysonnave (ECA 86)
(1) Jusqu'en 1996
(2) Unité dissoute en 1992. La base a aujourd'hui une vocation recentrée sur le transport (military airlift) et la logistique.
(3) https://en.wikipedia.org/wiki/United_States_Air_Force_Judge_Advocate_General's_Corps