samedi 17 février 2024

Directeur de l’Ecole du Commissariat de l’Air

Par le commissaire général (2S) Michel  Vallecalle (ECA 70)

Au cours de ma très classique carrière de commissaire de l’air, j’ai eu la chance, le privilège et l’honneur de diriger l’Ecole du Commissariat de l’Air de l’été 1996 à l’été 1999. Les commissaires de ma génération et mes anciens élèves savent que je garde de cette fonction le meilleur souvenir et une profonde nostalgie.

Il ne m’appartient pas d’essayer d’évaluer quelle a été ma réelle contribution à la formation des promotions ECA95, ECA96, ECA97, ECA98 (est-ce d’ailleurs quantifiable ?). Mais ce dont je suis certain, c’est que ce passage a beaucoup apporté au commissaire chevronné et au quasi cinquantenaire que j’étais à l’époque.

C’est pourquoi je veux témoigner ici, avant que l’usure du temps ne fasse son œuvre,  de ce qu’ont représenté pour moi ces trois années à Salon de Provence. 

Pour moi, ce deuxième tour à l’ECA a été l’occasion de belles émotions, d’un coup de fouet intellectuel et physique, enfin, et surtout, d’une expérience humaine unique en son genre.

De fortes émotions sont ressenties lorsqu’un commissaire « aviateur » comme moi se retrouve investi 25 ans plus tard de responsabilités marquantes dans une école où il a fait ses premiers pas. A mon arrivée, cela a été tous les jours « retour vers le futur », chaque lieu, chaque cérémonie, chaque tradition, chacune de mes activités me ramenait de façon immuable à mon vécu de 1970, sans parler de la présence toujours souriante de Michelle Rebuffel (ci-dessus) au secrétariat !!! J’étais en permanence submergé par la prise de conscience du chemin parcouru, du temps qui passe et du souvenir émouvant de mes premiers contacts avec l’Armée de l’Air et son commissariat de l’époque.

Pour l’anecdote, je livre ici un souvenir de ma première journée de directeur de l’ECA en septembre 1996. De mon temps, tous les enseignements relatifs à l’organisation de la Défense ou de l’Armée de l’air relevaient du domaine réservé du directeur de l’ECA. J’avais été averti dès le premier jour dans mes nouvelles fonctions - hasard du calendrier - que j’allais devoir présenter l’organisation de l’Armée de l’Air à des appelés, issus des grandes écoles, et à des scientifiques du contingent en formation à Salon. Je me suis donc retrouvé face à mes auditeurs dans l’amphithéâtre Ader……celui avec les estrades, les escaliers et les bancs en bois (le commandant actuel de l’Ecole de l’Air et de l’Espace m’a dit, il y a quelques temps, que cet amphi est toujours dans le même « jus » aujourd’hui !!). Saisi par une forme de trouble émotif, j’ai eu du mal à exprimer les premiers mots de ma conférence et je m’en suis excusé en expliquant, gorge serrée, que quelques 25 années auparavant j’étais assis sur les mêmes bancs de cet amphi et que tous mes souvenirs de mon entrée dans cette école remontaient brutalement à la surface.  Cela a déclenché quelques applaudissements polis de l’auditoire avant que je ne reprenne mon propos…….en surmontant tant bien que mal mon émotion…. Dans les premiers temps de mon affectation j’ai été souvent assailli par de tels phénomènes ….cela s’est calmé ensuite !

La remise en question intellectuelle et physique est également une constante du métier de directeur de l’ECA. Expliquer et transmettre les fondamentaux du métier de commissaire de l’air exige du formateur une adaptation intellectuelle particulière dont j’avais un peu perdu l’habitude au cours de mes années de service antérieures. Il faut se remettre en question pour enseigner et faire acquérir les fondamentaux  aux élèves (le fameux SMIC de notre camarade Jean-Michel Golfier : Savoir Minimum Indispensable aux Commissaires !). Cela m’a poussé à réfléchir et à repenser à des principes de notre métier qui étaient considérés comme acquis et pour lesquels je ne me posais plus de questions. De même, notre enseignement doit s’inscrire dans le cadre des évolutions du SCA dont on connait le nombre et la variété au fil du temps !  Expliquer, commenter, tracer des perspectives certes mais sans troubler outre mesure des élèves toujours à l’affut de ces changements et toujours prompts à s’en inquiéter (place et avenir du corps dans l’Armée de l’air ? par exemple).  Il faut en permanence effectuer un effort d’adaptation vers l’auditoire.

ECA 95 Corse (Vallecalle 2 km)
ECA 95 et 96 à Ramstein (M. de la tour d'Auvergne au centre)

De la même manière, participer, s’il le souhaite, aux activités sportives des élèves exige d’un  directeur presque cinquantenaire de retrouver un dynamisme physique qu’il a pu oublier avec les années….En ce qui me concerne, ce ne fut pas, et de loin, la partie la plus compliquée du métier pour les sports collectifs ou les stages de ski (certains élèves de l’époque pourraient en témoigner !) mais il a fallu que je me fasse violence pour les randonnées à vélo ou le canyoning en Corse, bien que ce soient - depuis - d’excellents souvenirs !

ECA 96
Canyoning                                                       ski

Toutefois, la plus belle chose que j’ai retenue de ces trois années, c’est la richesse humaine de mes contacts avec les plus jeunes générations, celles des cadres de l’école et des élèves.  

Par essence, les cadres de l’ECA sont plus jeunes que leur directeur. Leurs parcours professionnels sont récents et plus en phase avec les transformations du service. De même, ils ont pratiqué très tôt et en plus grand nombre l’expérience des OPEX. Ils maîtrisent les outils modernes du métier avec plus de facilité que leurs anciens comme moi : informatique, audit, langue anglaise et autres Powerpoint…..Pour ne pas paraître trop « ringard », il m’a fallu progresser dans ces domaines pour au moins donner l’illusion d’un minimum de maîtrise et je me suis peu à peu enrichi à leur contact en bénéficiant de leurs savoirs et de leurs vécus.

C’est cependant avec les élèves que l’expérience humaine est la plus formidable à vivre. Chaque promotion a ses particularités, ses différentes personnalités, son climat interne. Il faut en permanence adapter son discours ou son attitude aux circonstances rencontrées par les élèves. Il est passionnant de les voir découvrir peu à peu leur nouveau milieu de l’Armée de l’air, du Commissariat de l’air et de les accompagner dans ce parcours initiatique fait d’enthousiasmes, de doutes, d’interrogations. Expliquer, répondre, transmettre au groupe ou à chacun le sens du métier, notre expérience est une chose exaltante. Toutes les occasions sont bonnes pour faire passer les messages et faire acquérir une forme de culture de l’entreprise commissariat. Il y a bien sûr les cours, les conférences, les activités, les conversations dans la salle de détente des élèves (où les cadres sont admis !), les voyages, les moments plus festifs, mais aussi les entretiens individuels d’évaluation, de félicitation ou même de réprimande (peu nombreux certes mais parfois nécessaires !). Chaque élève est un cas particulier qui mérite une approche spécifique faite d’écoute et de dialogue. Tout ceci est très fort et très enrichissant humainement parlant, c’est ce volet de la fonction qui me laisse aujourd’hui le meilleur souvenir et je mesure à quel point ces trois années ont provoqué chez moi une relance positive dans tous les domaines.

ECA 97 et 98
visite du cre gal Stum, DCCA

Visite à la DCA RANE (cres Roche, de Lespars, Clouzot, Vallecalle)


Comme nous le savons tous, « les meilleures choses ont une fin » et en juillet 1999, après le traditionnel voyage d’études, mon parcours professionnel a rebondi vers d’autres aventures très différentes du côté des « Victor’s Folies » !! Les commissaires des promotions que j’ai encadrées ont reçu une formation initiale qui les a sans doute marqués comme tous les commissaires passés par l’ECA, mais en ce qui me concerne ce second passage à Salon a été une sorte de « rénovation générale » très bénéfique et très heureuse avant le bout de la route.