Philippe Ramon (ECA 91, administrateur de l’Etat) est directeur général des services de la mairie de Mamoudzou depuis septembre 2021.
Mamoudzou, ville "capitale" de 74 050 habitants, centre économique et administratif du département de Mayotte connait un développement sans précédent.
Sous la responsabilité hiérarchique directe du maire, le DGS apporte un support stratégique et opérationnel aux élus dans la définition des grandes orientations des politiques publiques et dans leurs conditions de mise en œuvre. Il supervise et coordonne les moyens humains, matériels et financiers afin de mettre en œuvre ces politiques. Il pilote l'organisation territoriale en cohérence avec les orientations politiques. Il représente le maire et la collectivité auprès des partenaires. Il impulse la ville dans la démarche projet notamment sur la recherche et l'obtention des fonds européens. Interview
Mayotte hebdo Flash Infos : Votre parcours professionnel est long comme le bras : officier dans l’armée de l’air, sous-préfet, conseiller pour l’aménagement du territoire au cabinet de Bruno Le Maire, directeur général des services au sein de l’agglomération de Béziers, DRH du département des Bouches-du-Rhône, directeur de projet pour la revitalisation du département de la Creuse… Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre la commune de Mamoudzou ?
Philippe Ramon : J’ai candidaté sur divers postes, et en particulier sur celui de Mamoudzou. C’était un poste avec un enjeu fort, avec une population en pleine explosion démographique, le contraire de la Creuse qui perdait des habitants. Ici, nous en gagnons de façon exponentielle tous les ans. Derrière, il faut que les services suivent, mais ce n’est pas évident. La départementalisation en 2011 nous a fait passer dans un registre très normé. Il faut accompagner cette normalisation du département qui est une gageure. J’ai été séduit par le projet extrêmement ambitieux et structuré de la nouvelle équipe municipale, qui formalise l’objectif très stratégique. La ligne et l’ambition sont clairement affichées. Après, il faut arriver à le mettre en œuvre, ce qui n’est pas simple, avec une équipe qui est toujours en train de courir après de nouveaux effectifs.
FI : Quel type de DGS êtes-vous ?
P. R. : Je suis vraiment dans le registre de celui qui favorise l’expérimentation. Il y a un permis de se tromper ! Je n’ai aucun état d’âme là-dessus. Par contre, je suis très attentif à l’implication coordonnée et transversale des équipes. Je suis très souple sur la forme, mais très exigeant sur le fond ! Le poste de directeur général des services exige du management. Il faut structurer la boutique, l’organiser, la contrôler et nous assurer que tous les services soient portés par les objectifs du maire. Tout le monde à la mairie de Mamoudzou doit être intéressé par tous les sujets. Personne ne doit considérer que cela ne le concerne pas.
FI : S’il fallait résumer, quelles sont vos deux ou trois missions principales ?
P. R. : Tel que je conçois mon boulot, je dirais qu’il y a trois types de mission. La première est d’avoir de la stratégie, de la coordination, de la transversalité : il faut travailler sur la mise en cohérence entre ce que fait le service de l’état civil et celui du nettoyage ou de l’attractivité… Toutes les équipes travaillent de concert pour que Mamoudzou sorte gagnante dans une période qui n’est pas simple… Le deuxième sujet est probablement la gestion de crise. Tous les jours, il y a un problème. Et le DGS se charge d’éteindre ces incendies quotidiens. Le troisième volet est l’écoute et la connaissance des gens et du terrain. Je vais vraisemblablement consacrer un tiers de mon temps à me déplacer pour ressentir les besoins de la population, des partenaires et de nos agents dans le but de m’assurer qu’il y ait bien une relation entre l’ambition stratégique et la réalité du quotidien !
FI : De par votre expérience dans les ressources humaines, quelle nouvelle dynamique allez-vous impulser auprès de vos services pour qu’ils réussissent à suivre l’explosion démographique à laquelle ils sont confrontés ?
P. R. : J’ai tout d’abord trouvé une équipe motivée et compétente, même si elle peut être insuffisamment étoffée sur certains aspects. Comme toujours, il y a un peu de tiraillement entre certains services. Encore une fois, la clé repose sur la transversalité et la méthode de coordination de l’action.
Le télétravail peut être à titre d’exemple une bonne solution pour améliorer la productivité de certains agents, qui sont sur les routes dès 4h du matin, qui arrivent fatigués et repartent épuisés… C’est un retour d’expérience relativement positif du Covid. Bien sûr, il faut maintenir une dynamique d’équipe, mais il est possible de l’envisager de temps en temps si cela permet d’être plus efficace et d’obtenir de meilleurs résultats.
FI : Mamoudzou concentre le poumon économique de l’île et se trouve en perpétuelle transformation. Toutefois, elle accumule également un retard structurant dans de nombreux secteurs tels que le transport, la gestion des déchets, le scolaire… Indépendamment de l’ambition politique, comment faire pour que la stratégie de la municipalité se ressente dans le quotidien des habitants ?
P. R. : C’est difficile ! En permanence, il faut jongler entre les projets du quotidien qui doivent avancer et être résolus, même s’ils sont parfois secondaires, et ceux du moyen et du long terme, qui demandent beaucoup d’énergie. Il faut réussir à avancer sur ces deux aspects de façon cohérente !
Pas plus tard qu’hier, nous parlions du front de mer de Mamoudzou, un projet extrêmement ambitieux qui sera la vitrine de Mayotte. C’est formidable et absolument nécessaire si nous voulons développer le tourisme ou autres, mais il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas demain que nous verrons le remblai se combler. C’est un travail qui demande énormément de réflexion et d’analyses. Alors oui, il faut bûcher sur ces sujets dits de long terme, sans omettre de plancher sur des actions quotidiennes, telles que la structuration des vendeurs de rue. Idem pour les transports : il faut trouver des solutions palliatives rapidement, avant la fin du mandat, pour éviter cet engorgement et améliorer la circulation.
FI : Depuis votre arrivée sur le territoire, qu’est-ce qui vous a le plus marqué à la mairie de Mamoudzou ?
P. R. : J’ai déjà constaté que nos recettes fiscales étaient trop faibles ! Dès la semaine prochaine, j’aurai une vision globale de toutes nos recettes, pour savoir si tout est bien optimisé… Sans augmenter les taux, il apparaît envisageable d’avoir des ressources significativement supérieures. Et c’est nécessaire car aujourd’hui, les équipes n’arrivent pas à suivre tellement les demandes du maire et des usagers sont importantes. Sauf que pour recruter des agents, il faut être en mesure de les rémunérer.
Les dotations de l’État sont peut-être un peu inadaptées par rapport aux besoins, mais le ministère des Outre-mer est informé et sensible à cet enjeu. De l’argent disponible, il y en a ! Encore faut-il savoir mobiliser des fonds d’investissement…
FI : Parmi tous les projets portés par l’équipe municipale en place, lequel vous parle tout particulièrement ?
P. R. : Le numérique est l’un des sujets qui me plaît dans le projet du maire. À la différence des autres collectivités en métropole qui sont passées par différents stades, nous pouvons franchir le pas d’un seul coup et devenir une smart city. Ce sera alors très intéressant pour les questions de sécurité, de transport, d’optimisation des moyens. C’est peut-être un aspect sur lequel les Mahorais n’ont pas encore saisi totalement l’enjeu, et pourtant il s’agit d’une clé face aux problématiques exposées à Mayotte.
Mayotte Hebdo 28 octobre 2021
Après une dizaine d’années dans l’armée de l’air au début de sa carrière et un poste de responsable des études et des publications à l’Institut d’émission des départements d’Outre-Mer (IEDOM, organisme chargé de l’émission monétaire) de 2000 à 2002, Philippe Ramon devient sous-préfet en 2002. Directeur de cabinet du préfet des Pyrénées-Orientales de 2002 à 2004 puis du préfet de l’Hérault et de la région Languedoc-Roussillon de 2004 à 2006, il est sous préfet d’Arcachon (Gironde) de 2006 à 2009 puis secrétaire général adjoint aux affaires régionales de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur de 2009 à 2010.
De 2010 à 2011, il est conseiller pour l’aménagement du territoire de Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture. De 2012 à 2014, il est adjoint de la déléguée interministérielle à l’intelligence économique, chef du pôle Sécurité économique. Il retourne alors dans le sud-est en devenant de 2014 à 2016 le directeur général des services (DGS) de la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée (Hérault) puis directeur des ressources humaines du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône de 2016 à 2018.
En 2018, il rejoint la préfecture de la Creuse en tant que directeur de projet chargé d’une mission de revitalisation du bassin d’emploi. Il devient en 2020 chargé de mission « Affaires réservées » au sein du secrétariat général du ministre de l’Intérieur.