mercredi 8 novembre 2023

A Ancelle, que la montagne est belle…

Cette montagne, c’est celle du parc national des Écrins dans les Hautes-Alpes où se retrouvaient périodiquement les élèves de l’école de l’air et de l’école du commissariat de l’air pour goûter le bon air des cimes - le Saint-Philippe, l’Arche, le col de Moissières, le village de Faudon -, les randonnées avec sac à dos ou la glisse sur un tapis neigeux, selon la saison. Deux articles parus dans le BLCA nous rappellent ces moments précieux vécus par les élèves enthousiastes.

Ancelle, une bouffée d'air pur

« Ancelle, avaient promis nos aînés, sera une bouffée d'air pur, une semaine de détente comparée à l'atmosphère tendue de Salon. Vingt heures après l'arrivée sur les lieux, certains n'étaient pas loin de se sentir floués ... 

La journée type de ce stage de formation du combattant est ouverte par un « décrassage» matinal, 5 minutes après s'être extrait de son duvet, sous la houlette de nos brigadiers. Ce terme un peu barbare cache vingt minutes d'éducation physique qui réchauffent et qui réveillent. 

Nous ne disposons de guère plus de temps pour la toilette, le changement de tenue, la préparation des sacs à dos. Pour qui veut manger chaud, avec un zeste de tranquillité, le retard n'est pas de mise. Surtout s'il est de corvée de nettoyage. 

A 7 h 40 la promotion est rassemblée, prête à recevoir ses armes, ses casse-croûtes et les propos amènes et fleuris de ses instructeurs. A 8 h 00, elle s'ébranle en brigades, et en colonne par un, vers le Saint-Philippe ou le Faudon, noms que nous aurons vite fait de mémoriser. 

La beauté des lieux, qui font partie du Parc national des Ecrins, un temps le plus souvent radieux, pourraient donner, parfois, l'illusion de n'être pas une élite en formation mais des citoyens en goguette. L'illusion ne peut qu'être fugitive. Le but de nos pérégrinations est très militaire : nous inculquer quelques notions et réflexes propres à donner un avant-goût du combat, de sa difficulté. 

Nous apprenons ainsi l'art de la défensive et de l'observation. Nous nous initions au travail en binôme, en groupe et en section. Nous courons, sac sur le dos, FAMAS, FSA ou AA52 en bretelle. Aux marches forcées succèdent les placages au sol. Chacun joue tour à tour le rôle du chef et celui de l'exécutant. Se protéger devient un maître-mot. Nos instructeurs nous révèlent les mystères de ZMS-PCP, MOICP et autres PATRAC-DR. 


C'est pour l'élève commissaire, qui depuis son arrivée a seulement subi quelques sarcasmes et fait connaissance avec le dénommé Pelletier d'Oisy, l'heure des interrogations. A-t-il la fibre militaire? Il l'aura. Ses possibilités physiques ne sont pas en cause. Il ne renoncerait pour rien au monde à sa carrière d'officier et de commissaire de l’air. Et il n'est pas mauvais de se frotter rapidement aux aspects ingrats de la condition militaire. 

Des pauses sont ménagées dans la journée, pour l'acquisition de connaissances théoriques ou, plus prosaïquement, pour déjeuner. Nos évolutions sur le terrain prennent fin vers 18 h 00. C'est alors le retour au chalet de Moissières, auprès duquel, sont dressées les tentes SAGA qui font office de chambrées et réfectoires. Il est rapidement suivi par le rapport, la distribution des punitions et les couleurs. 

EAE

La soirée est marquée par le dîner et la toilette, dans les locaux dont l'état fait sans doute partie du lot du soldat en campagne. Elle est souvent troublée par des « TC plus MAP», punition sophistiquée dont il serait hasardeux de tenter la description aux néophytes. 

Deux bivouacs, l'ascension de l'Arche et des tests ont douché ce bel ordonnancement. Les bivouacs ont permis de faire usage des nouvelles tentes biplaces de l'Armée de l'air: une très sensible amélioration comparée aux rustiques et légendaires demi-toiles. Le premier des bivouacs a mis fin à des exercices de tir à blanc qui ont parfait notre connaissance des armes, du FAMAS en particulier. Le second a précédé l'ascension de l'Arche, une des montagnes qui dominent Ancelle. 

Des tests pratiques et écrits clôturent le stage, dont un parcours topographique, point d'orgue du séjour. Demandant des jambes et du cœur, rigueur et efforts, il est par là-même gratifiant. 

Pour le futur commissaire de l’air, le bilan est positif. Il est désormais soumis au droit commun. C'est pour ses camarades l'occasion de découvrir qu'il sait marcher, courir, patauger dans la boue ou monter la garde. Il s'intègre peu à peu aux brigades de la promotion 1986 de l'Ecole de l'air : efforts et satisfactions enfin partagés le rapprochent des PN, mécaniciens et basiers, ses futurs collègues. »

par l'élève commissaire Giavarini (ECA 86) BLCA 22 janvier 87)

Ancelle est un mythe

« Ancelle: un des premiers noms entendus par de nombreux élèves commissaires. D'un récit homérique, mais parfois confus, nous avions retiré quelques mots clefs qui, à nos yeux, préfiguraient ce rite qu'est Ancelle, ce passage de l'infâme condition de pékin à la glorieuse appellation de militaire: le froid, le sommeil, le poids du sac, la dureté des ordres et la rigueur de la marche en montagne. Voilà, pour les commissaires de l’air, le prix à payer pour pouvoir jeter aux orties la défroque de l'universitaire. 

Au retour d'Ancelle qu'en est-il? Deux commissaires nous livrent leurs confidences, à cœur ouvert. 

F.Bousselet : Au début cela m'a semblé être une colonie de vacances. La montée à l'Arche fût une ballade touristique des plus agréables. La beauté de la région, le sport, faisaient que l'on aurait pu se croire au Club Méditerranée. Tout y était. 


F.Rossier : Tu parles! J'ai vu beaucoup de gentils membres mais peu de gentils organisateurs. Et quant à certaines activités ... la prochaine fois, je lirai mieux le prospectus: quelle joie d'être transporté en exercice d'EvaSan, suspendu et saucissonné à un arbre, impuissant devant les faiblesses des « secouristes» qui laissaient choir l'arrière ou l'avant de ce brancard de fortune. Quel plaisir de bivouaquer sous une tente perméable, en compagnie de la bise de septembre et du froid, élaborant les stratégies les plus fines pour lutter contre l'humidité. 

Heureusement pour les jeunes étudiants que nous étions, d'autres mettaient en œuvre la sagacité de notre esprit. L'usage d'une carte et d'une boussole, bien que changeant du « Dalloz », n'est après tout guère plus difficile que la recherche de certaines références. Démonter et remonter une arme n'est jamais qu'étudier un organigramme un peu particulier. En définitive, les poussins ne s'y sont pas trompés et nous avons bien mérité la dénomination de « commissaires-pêchus ». 


F.B. : Sans compter nos exploits durant l'exercice combat - qui m'a ramené aux verts paradis de mon enfance - quel ravissement de progresser par binôme en se méfiant à tout moment d'un ennemi invisible mais sûrement très méchant. Dès le début, ces jeux m'ont plu. Les embuscades furent les plus fameuses séances de cache-cache auxquelles j'ai pu participer. Notre troupe fondait sur l'ennemi tandis qu'émergeaient du brouhaha le bruit de grenades à plâtre et les cris de leurs victimes. Quant aux détonations du FAMAS, elles n'avaient pour limite que la force de nos cordes vocales ... 

F.R. : En tous cas, on ne peut pas dire qu'Ancelle ait coupé tes effets. Garde et peaufine tes souvenirs, enjolive les pour nous, mais laisse nous préparer les plus effroyables récits pour nos cadets. 

F.B. : Tu as raison, Ancelle est un mythe. Il faut le conserver. Nos anciens ont su le faire, nous serons dignes d'eux. 

Le reporter : Messieurs je vous remercie, il me reste maintenant à vous donner rendez-vous pour recueillir vos impressions sur le stage de ski en février à Ancelle ... en attendant le stage de Mont-Louis. »

par les élèves commissaires F. Bousselet et F Rossier (ECA 84) BLCA 19 juillet 85

Photos EAE, DR