mercredi 4 janvier 2023

1946 Installation sur la base de Bien Hoa

Le général Albert Pestre, pilote de bombardier puis transporteur, évoque dans ses mémoires (1) quelques petites difficultés d’installation et d’habillement à son arrivée sur la base de Bien Hoa, près de Saïgon, en mars 1946, affecté au GT 1/34 Béarn volant sur Ju-52.

« Bien Hoa 1946

Sur cette base, nous avons vécu nos premiers temps un peu dans le désordre. Sur le plan matériel, nous étions assez mal lotis et, je crois l'avoir déjà dit, nous avions pas mal de difficultés dans nos villas avec la fourniture d'électricité et également avec l'eau. Pour l'eau, nous réussirons quelque temps plus tard à trouver une solution à nos problèmes. […]

L’installation nous donna entière satisfaction. En effet, robinets de lavabos, douches, tout fonctionnait à merveille. À quelque temps de là nous commençâmes à nous inquiéter, car en nous lavant les dents nous avions de plus en plus la sensation que notre eau avait un drôle de goût. Plus le temps passait et plus ce goût devenait désagréable.

Jugeant que la vétusté de la pipe devait être la cause de la dégradation de la qualité de notre eau, nous pensâmes alors qu'il était urgent de procéder à son nettoyage. Le camarade chargé de la besogne grimpa sous le toit avec une lampe électrique pour jeter un coup d'oeil. On l'entendit fureter, puis il redescendit deux minutes après avec un air rigolard et nous dit: « Devinez ce que j'ai trouvé dans notre réservoir ? » - «  ? »~ « Un énorme rat crevé ! ».

En matière vestimentaire également, c'était un peu la pénurie. Le magasin d'habillement avait été doté de tenues de toile pour le personnel. C'était des uniformes de l'Afrika Korps, sans doute récupérés dans les stocks allemands après la campagne d'Afrique du Nord, et que l'on avait retaillés pour leur donner une allure un peu française, mais sans vraiment y être arrivé. À quoi donc avait pensé notre Intendance de l’air* en métropole ? Il est vrai que sous la pression des événements, face aux restrictions dramatiques dont on souffrait à l'époque, on avait paré au plus pressé. C'est ainsi que l'on avait choisi la solution la plus facile mais sans doute la moins acceptable, car je ne vis jamais aucun personnel de la base revêtu d'une de ces tenues. Quant à la mienne, elle resta au fond de mon placard.

Un peu plus tard, les stocks d'habillement allaient se regonfler avec de nouvelles tenues, chemises et pantalons, dites « réséda », appelées ainsi parce que de couleur verdâtre. Elles étaient de qualité médiocre, mais légères et assez agréables à porter. Cependant, ces tenues avaient un vice rédhibitoire: quelques-uns de leurs boutons commencèrent à disparaître, à l'étonnement des premiers de nos camarades qui constatèrent les dégâts. On ne mit pas longtemps à se rendre compte que des rongeurs de tous poils s'empressaient de se régaler, lorsque l'on avait le malheur d'abandonner ses vêtements sur un lit ou les laisser traîner par terre. Les boutons de nos tenues étaient apparemment confectionnés avec une matière qui faisait leurs délices.»

*avant de devenir le Commissariat de l’air en 1947

(1) Général Albert Pestre, né en 1924 en Algérie - EA 43 AFN - décédé en 2009, Extrait de "A quoi tient la vie..." Ed Société des écrivains,  2005  (2ème édition)