vendredi 2 décembre 2022

Nos vols sur DC-8

Suite du premier article sur les DC-8 dans l’Armée de l’air avec, cette fois, quelques impressions livrées par des commissaires de l’air ayant volé sur ce liner.

Destination N'Djaména  (Jean-Louis Pons, ECA 73)

J'ai voyagé sur un DC-8 du COTAM pour rejoindre N'Djaména en qualité de commissaire de l'opération Epervier. L'embarquement eut lieu sur le parking de la STM BTA 250 (Section de transit des matériels de la Base de transit air 250), alors rattachée à la BA 104 Le Bourget.

Lors de mon affectation sur cette base aérienne mythique de 1979 à 1983, j'avais eu l'occasion de constater l'activité variée des DC-8 à la fois pour des missions secrètes tels que  les TS (transports spéciaux) qui acheminaient  des charges "inconnues" à destination du Pacifique et des missions très médiatisées comme l'envoi  de médicaments et de matériels par l'association "Hôpital sans frontière" dans un pays sinistré, sous le haut patronage  de  madame Giscard d'Estaing.

coll. Demars
En ce matin gris et froid du 3 décembre 1988, j'ai donc embarqué sur un DC-8 en configuration cargo, à l'arrière de l'appareil. Le fret arrimé sous des filets nous isolait de l'équipage, excepté un cheminement technique réservé aux initiés.  Nous étions une quinzaine de militaires dont le nouveau chef du contrôle aérien de la plateforme aéroportuaire de N'Djaména. Je me souviens d'un espace confortable près d'un hublot!

Après le décollage, nous avons retrouvé un beau ciel bleu d'hiver. L'avion n'offrant pas d'équipement vidéo, la plupart des passagers se sont plongés dans la lecture, la musique ou encore le sommeil car certains avaient voyagé la nuit précédente. Équipé des nouveaux réacteurs CFM 56, le DC-8 était assez silencieux.

Ma demande d'aller visiter le poste de pilotage est restée infructueuse, le commandant de bord ne souhaitant pas accueillir de passagers (sic). J'ai compris par la suite cette réaction vis à vis du "Commissaire Épervier". En effet, les équipages des DC-8 avaient obtenu le droit d'être hébergés à l'hôtel " La Tchadienne" et de surcroit en chambre "single". Mais il arrivait parfois que, faute de place dans cet hôtel, ils se retrouvent à 2 par chambre, y compris le commandant de bord. Pour certains PN, une infime minorité, c'était quasiment un crime de lèse-majesté!

Bref, le DC8 volait plein sud  au-dessus d'une couche nuageuse bien dense. Par instant, je pouvais apercevoir la Méditerranée mais, alors que nous abordions la côte africaine, cette maudite couche s'est à nouveau installée et m'a empêché de voir mon pays natal. Le beau temps est revenu dans le sud algérien, puis ce furent les étendues immenses et mystérieuses du Sahara, devenues algériennes en 1962 (1).  

En approchant du Tchad, nous avons été surpris de découvrir des sortes de petites dépressions d'eau brillantes au soleil qui n'étaient pas encore le lac Tchad mais la conséquence d'une saison des pluies très  abondante. Nous avons ensuite survolé le lac Tchad, magnifique étendue d'eau douce qui fait vivre actuellement entre 5 et 6 millions d'habitants de 3 pays riverains: le Tchad bien sûr, le Niger et le Cameroun. On trouve de très bons poissons: Ah les brochettes de capitaines! De plus, en fonction du marnage, les agriculteurs cultivent toutes sortes de plantes sur les parcelles exondées. La pérennité de cet écosystème est tout simplement vitale, y compris pour les européens en terme d'immigration.

A l'arrivée, nous avons été chaleureusement accueillis par nos homologues. En ce qui me concerne, il s'agissait du commissaire Olivier Gorge. […]

Quatre mois plus tard, je prenais un  DC8 pax pour rejoindre Le Bourget via Bangui après avoir passé les commandes de la Direction du commissariat de l'opération Epervier au regretté Gérard Dupuy.

(1) Les ressources en gaz et en pétrole de ces terres - alors françaises - auraient été les bienvenues aujourd’hui, dans cette période de tensions sur l'énergie !

Voyages  d’études en DC-8 (commissaire général Michel Vallecalle ECA 70)

Le voyage d’études vers l’Indonésie de la promotion 70 s’étant effectué par petits sauts de puce avec un DC6 et ses hélices, je n’ai découvert le DC-8 et ses réacteurs qu’en juillet 1998 à l’occasion du périple de la promotion EA 96 vers la Nouvelle-Calédonie que j’ai accompagnée en tant que directeur de L’ECA. 

C’est donc au départ d’Istres que j’ai embarqué dans cet aéronef que l’histoire considère comme le premier long courrier commercial à réaction. Mes fonctions de l’époque m’offrant la possibilité de voyager dans la partie avant de l’appareil, j’en ai immédiatement apprécié le confort !!

Après une brève escale technique à Pékin et un survol de la Grande Muraille, nous avons rejoint directement Nouméa. Je garde en mémoire ma vision au travers d’un hublot du contraste entre les lumières de Séoul et l’obscurité quasi-totale de la péninsule Coréenne au nord !

Pendant notre séjour en Nouvelle – Calédonie, un phénomène météorologique violent a provoqué des dégâts au Vanuatu et notre DC-8 a effectué une mission d’aide alimentaire et médicale sur Port-Vila au cours de laquelle les cartons et emballages divers avaient remplacé les passagers dans la carlingue de cet avion confirmant ainsi sa polyvalence et ses capacités.

C’est au cours du voyage de retour que se produisit un évènement peu banal pour notre DC-8. Notre parcours devait s’achever par quelques jours en Israël. Après une escale à Singapour, notre vol se dirigeait donc vers la péninsule arabique et, comme la plupart des passagers, je m’étais assoupi. En émergeant de ma torpeur sous l’effet d’un rayon de soleil à travers le hublot, je constate que par trois fois ce même rayon vient me lécher le visage…….J’en déduis que notre DC-8 tournait en rond… ! J’alerte alors mon plus proche voisin (un PN cadre de l’EA !) sur ce phénomène et il me confirme, en expert, que nous faisions des 360 ° bien à plat et très calmement !!

A la suite d’un imbroglio dans les plans de vol, le survol de la péninsule arabique pour un atterrissage à Tel-Aviv nous était interdit par le contrôle aérien saoudien compte tenu de l’état des relations de l’époque entre l’état d’Israël et ses voisins. Après de longues négociations au sol et en l’air où le DC-8 poursuivait ses ronds au- dessus de l’eau, nous avons été autorisés à nous poser à Mascate (il le fallait bien tôt ou tard !) où nous avons passé une longue journée bloqués et surveillés dans une partie du terminal de l’aéroport pendant que des palabres se poursuivaient entre les ambassades concernées et les autorités locales relativement inflexibles. Pour débloquer la situation, il fût alors décidé de renoncer à rejoindre directement Tel-Aviv et c’est donc vers Marignane que notre DC-8 reprit son envol avant de repartir le lendemain pour Israël à la poursuite du programme de ce voyage d’études, après une escale inopinée dans notre maison-mère !!

Privilège de ma fonction à L’ECA, j’ai retrouvé le DC-8 en effectuant l’année suivante le voyage d’études de la Promo EA 97 au Yemen et en Afrique du Sud. Au plan aéronautique, je garde deux superbes souvenirs : le survol du Blyde River Canyon et de ses majestueux paysages au retour du Kruger Park et la scenic approach offerte par l’équipage de l’Estérel avant l’atterrissage au Cap nous permettant de découvrir la baie du Cap , Table Mountain, et le cap de Bonne Espérance bien entendu !

Je n’ai volé en DC-8 qu’à ces deux occasions mais cela m’a procuré de vrais émotions tant cet avion a marqué l’histoire de l’aéronautique en lui faisant franchir une étape supplémentaire par ces capacités aériennes et sa fière allure. 

En embarquant pour la première fois à bord d’un DC8 j’ai ressenti la même sensation que lors des traversées de la Méditerranée de mon enfance où en passant du Bréguet Deux Ponts avec son look pataud  à l’élégante Caravelle j’avais eu la sensation d’entrer dans une autre ère de l’aviation….. un peu comme un premier vol en Transall après le Nord 2501 !

En complément d’équipage (Commissaire général François Aubry ECA69)

Mon seul voyage en DC-8 a été pour aller à la Réunion (sur un week-end) lorsqu'à l'ESGA des vols en complément d'équipage étaient autorisés pour les stagiaires. Je me souviens moins du vol lui-même, sans histoire,  que du départ à Roissy par le circuit des équipages qui diffère totalement de celui des passagers. J'ai pu remarquer combien nos transporteurs  étaient à l'aise parmi les civils et tout à fait dans la note Air France, bien qu'en uniformes. 

Pour le vol, je n'ai pas noté de grosses différences avec le pilotage sur les autres avions de transport: même litanie pour les procédures, connues par cœur, mais avec la lecture ligne à ligne des check-lists, même sérieux et même cohésion détendue des pilotes. 

L'escale à Djibouti, en pleine nuit, m'a permis de ne pas reconnaitre l'aéroport que j'avais pourtant amplement fréquenté 15 ans plus tôt, et où les passagers Terriens de ce vol sont descendus.  Bien sûr, je me suis intéressé à la restauration à bord sous la direction d'une convoyeuse qui a profité de la présence d'un commissaire pour demander quelques améliorations. J'ai fait suivre mais probablement sans  succès. 

Au retour j'ai surtout profité du confort, abandonnant le strapontin en cockpit pour les fauteuils profonds de la première classe. A l'arrivée à Roissy, au petit matin, l'équipage a été contrôlé par la douane, mais j'ai été le seul à subir la fouille.