jeudi 27 octobre 2022

Un commissaire au collège de défense de l’OTAN

Chaque année, le collège de défense de l’OTAN (Nato Defense College – NDC) conduit deux sessions du « Senior Course » de 5 mois et demi chacune, destinées aux officiers supérieurs brevetés et à leurs équivalents civils, fonctionnaires et diplomates, des pays membres de l’Alliance Atlantique et de ses partenaires. 

La France dispose de huit places principalement réservées aux officiers des armes et de la gendarmerie, mais aussi aux administrateurs civils du ministère des armées ou des affaires étrangères. 

À chaque session, une place est proposée à un officier des services. Le SCA dispose ainsi d’une place environ toutes les 4 sessions. Le CRC1 Eudes R. (ancrage Air – ECA 94) est le dernier commissaire auditeur au NDC, membre de la 140ème session qui s’est déroulée du 1er février au 15 juillet 2022.

Interview

A quoi ressemblait la 140ème session du « Senior Course » ?

Elle a commencé le 1er février par 15 jours de rafraichissement en anglais et s’est achevée le 15 juillet. Elle comprenait 75 membres de 35 nationalités différentes. […] Parmi cette belle diversité, les Français arrivaient en tête du nombre de représentants avec 8 colonels, suivis par les Allemands avec 4 militaires et 3 représentants civils. Venaient ensuite les Italiens (6) et les Espagnols (5). Le Royaume-Uni a envoyé 4 représentants et les Américains 3.

Si les deux langues officielles sont l’anglais et le français, la quasi-totalité des conférences et des travaux se fait en anglais et il est impératif de disposer d’un niveau d’anglais suffisant pour suivre le rythme de la formation.

J’étais le membre du seul comité bilingue français-anglais (le comité 4) qui regroupait la diplomate arménienne, un conseiller politique civil belge et des colonels suisse, canadien, espagnol, tunisien, marocain et mauritanien. Les travaux et discussions quotidiennes étaient menés dans l’une ou l’autre langue au choix.

Sur quoi a porté la réflexion stratégique de cette 140ème session ?

Elle a évidemment été marquée par la guerre en Ukraine et le retour sur le devant de la scène du concept de défense collective, suite à l’agression russe. L’OTAN est ainsi subitement revenue sur le devant de la scène comme prétexte pris par Vladimir Poutine pour attaquer l’Ukraine, preuve indirecte de sa pertinence pour assurer la sécurité de ses membres.

Les 3 voyages d’études (field studies), moments forts de la formation, ont permis de mesurer l’impact de cette crise sur les pays membres ou partenaires.

Le premier voyage, européen mais vécu en « télétravail » depuis Rome en raison des dernières restrictions liées à la pandémie, a été marqué par la décision de l’Allemagne d’opérer une réorientation inédite dans sa politique de défense pour consacrer 100 Md€ à son effort de défense.

Le deuxième voyage, in situ celui-là, a permis de découvrir les institutions européennes et otaniennes à Bruxelles et Mons, ainsi qu’à Norfolk.

Aux Etats-Unis, la politique américaine nous a été présentée au Pentagone et au Capitole, puis une visite des Nations-Unies a permis de clore en beauté cette séquence.

Le dernier voyage, sans doute le plus stimulant, a mené la promotion en Islande, en Suède et dans les trois états baltes. C’est en effet au nord que la menace russe est observée et ressentie quasi charnellement et que la défense collective passe du concept à la nécessité éprouvée, la demande d’adhésion à l’OTAN de la Finlande et de la Suède en étant la preuve vibrante…

Votre sentiment après avoir suivi cette session ?

Au final, une session au Senior Course du collège de défense de l’OTAN constitue une parenthèse particulièrement enrichissante et une véritable chance dans le cursus d’un officier supérieur breveté. Formation d’enseignement militaire du 3ème degré (EMS3). Le Senior Course constitue en outre le programme pédagogique le plus complet d’acculturation au fonctionnement et aux enjeux de l’OTAN destiné à tout personnel appelé à servir dans l’Alliance à des postes de haut niveau. Il est indispensable que les commissaires des armées puissent continuer à bénéficier, au même titre que leurs camarades des armes, de cette extraordinaire expérience académique, collective… et humaine.

Et la suite pour vous ?

Depuis le mois d’août dernier, je suis affecté à Bruxelles, comme conseiller financier au sein de la Représentation permanente de la France à l’OTAN. Je succède au CRC1 Yvan sur ce poste - ô combien politique - de représentant de la France au comité de planification de la politique et des ressources (RPPB). C’est au sein de ce comité que se valident par consensus à 30 les investissements collectifs de l’Alliance, chargés de compléter les dépenses nationales au coeur de notre défense collective. Les enjeux sont cruciaux pour les budgets de la défense des états membres, en particulier les principaux financeurs, dont la France fait partie. Ils le sont d’autant plus en cette période de retour sur le devant de la scène de la menace russe, qui justifie, aux yeux des états-membres situés à l’Est de l’Alliance, des investissements collectifs importants pour la défense de leur territoire.

Un commissaire des armées, dépositaire d’une solide culture budgétaire et qui plus est fraîchement diplômé du collège de défense de l’OTAN, trouve donc toute sa légitimité sur ce poste particulièrement sensible.

Texte SCA – remerciements au SCA et à la revue Soutenir (numéro 23)