samedi 2 juillet 2022

1975 : Les débuts du DESS de défense

 par Michel Braud (ECA 68)

Le professeir Robert
En 1975 peu après avoir rejoint au début du mois d’août ma nouvelle affectation à la direction des affaires administratives, juridiques et contentieuses (DAAJC) au ministère de la Défense, j’apprends la création d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de défense à l’université de Paris II en partenariat avec ce qui était alors le Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN) et le ministère de la Défense. Ce diplôme était chapeauté par le professeur Jacques Robert (1).

Les participants

Nous étions un peu moins de trente, la moitié de « vrais » étudiants (dont trois étudiantes). Le reste, à l’exception d’une quatrième femme, était militaire, essentiellement des officiers de l’armée de terre, le plus souvent officiers supérieurs, le plus gradé étant le général Salvan, alors colonel, qui était un peu l’autorité morale du groupe. Il y avait aussi au moins un officier de gendarmerie. 

Une partie des cres :Theis, Vallecalle et Braud.
L’armée de l’air était largement et uniquement représentée par 7 commissaires composant ainsi un quart des effectifs, à savoir Guy Jullien (ECA 66), Michel Braud (ECA68), Pierre Clouzot, Alain de Lespars, Michel Vallecalle (ECA70), Jean-Pierre Theis (ECA71) et Olivier Simon (ECA72) (2).   


A ce « commando » de commissaires, se joignait un commissaire de 1ère classe de la marine. Enfin, le commissariat de l’air était aussi indirectement représenté par l’un des étudiants qui était le fils de notre collègue, le commissaire Assouvie.

Les cours 

Ils se déroulaient à la faculté d’Assas. Une partie d’entre eux avait lieu dans la soirée ce qui facilitait leur suivi par les militaires. Cependant, il y en avait aussi le matin que je pus suivre sans problème dès lors que le DESS était « parrainé » par le ministère de la défense et que le travail au bureau était fait. En tout état de cause, le professeur Robert, soucieux d’associer civils et militaires à ce nouveau diplôme, avait toléré que des militaires puissent s’abstenir de participer physiquement à certains cours ou à certaines parties de stages (ce qui explique que seulement trois commissaires de l’air figurent sur la photo ci-dessus). 

Des cours, je ne garde pas un grand souvenir si ce n’est que j’y appris que la défense n’était pas uniquement quelque chose de militaire (défense économique ; défense civile). Deux cours me restent toutefois en mémoire. Le professeur Robert nous enseignait le statut des militaires dont le statut général avait été rénové et refondu peu auparavant (3), et avait été modifié au début de l’année universitaire (4), ce qui m’amena à m’intéresser par la suite dans le commissariat et plus encore dans la juridiction administrative au droit de la fonction publique et plus particulièrement à celui de la fonction militaire. Par ailleurs, un autre cours avait trait aux idées politiques de la défense à propos desquelles le professeur nous avait longuement évoqué les idées politiques de Voltaire et de Rousseau sans que l’on ait pu vraiment discerner en quoi elles avaient trait à la défense. 

Les stages

L’une des originalités de ce diplôme résidait dans un stage de près d’un mois qui se déroula du 31 mai au 25 juin 1976. Il était articulé en trois volets consacrés, chacun, à un aspect particulier de la défense, à savoir une semaine consacrée aux fabrications d’armements, organisée par la Délégation ministérielle pour l’Armement (DMA), une autre aux armées et à leurs missions à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) en collaboration avec le Service d’informations et de relations publiques des armées (SIRPA) pour les visites, enfin une dernière semaine à la défense civile organisée par la direction de la sécurité civile du ministère de l’intérieur.

En ce qui concerne le stage sur les fabrications d’armements, la DMA avait scindé les étudiants en deux groupes : l’un à l’établissement d’études et de fabrications d’armement de Bourges relevant de la direction technique des armements terrestres, l’autre, dont j’ai fait partie, au centre d’essais aéronautiques de Toulouse (CEAT) relevant de la direction technique des constructions aéronautiques. 

La défense militaire a fait l’objet, d’une part, de conférences à l’IHEDN sur les missions des trois armées et de la gendarmerie ainsi que sur la politique d’emploi des armements nucléaires (dissuasion), d’autre part, d’un exposé discussion sur le service militaire.

Le Clem"
Cette partie du stage fut entrecoupée de diverses visites dans des unités des trois armées : escadre de Mirage IV d’Orange, sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) « Le Terrible » à l’Île longue ; 1er groupement de missiles stratégiques (GMS) d’Apt ; 3ème régiment d’artillerie doté du missile « Pluton » ; porte-avions « Clémenceau » ; régiment d’infanterie et de chars de marine de Vannes ; unités de la 16ème brigade.

Apt, plateau d'Albion
Ces visites, fort intéressantes, étaient en quelque sorte une récompense pour les étudiants. Si lors d’un stage de voile à l’école navale en fin de deuxième année d’école du commissariat de l’air, j’avais déjà eu l’occasion de visiter le « Clémenceau » alors à quai à Brest, et si par mon affectation précédente à la direction du commissariat de la 4ème Région aérienne, j’avais visité à plusieurs reprises les installations souterraines du 1er GMS d’Apt -notamment les postes de commande de tir- alors une composante majeure de la dissuasion et une vitrine de l’Armée de l’Air, le stage me permit de découvrir les fusées dans leur silos dont les épais couvercles avaient été ouverts. Forte intéressante visite aussi à l’un des champs de manœuvres de Mourmelon où nous fumes véhiculés en half-tracks, engins blindés semi-chenillés, et fîmes un tour en AMX30, un char de l’époque.


Le stage consacré à la défense civile se déroula du 21 au 25 juin à Nainville-les-Roches (5) en Essonne.

Les participants au stage.

C’était une demeure en pleine campagne qui aurait été très agréable si les chambres avaient été climatisées car ce stage eut lieu en pleine période de canicule que connut l’été 1976. Ce fut aussi pendant cette semaine d’internat l’occasion pour les participants de se connaître de manière plus approfondie. Ce séjour fut là aussi entrecoupé de visites : services de sécurité de l’aéroport d’Orly (police, gendarmerie, services de lutte contre l’incendie), centre d’instruction des recrues de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris à Villeneuve-Saint-Georges ; commandement opérationnel de la défense aérienne et service d’alerte à Taverny ; section d’études de biologie et de chimie au Bouchet.

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Il ne resta plus ensuite qu’à occuper les permissions d’été à rédiger le rapport, dont la première partie devait faire la synthèse du stage tandis qu’une deuxième partie concernait un thème choisi par l’étudiant (6), et bien sûr réviser pour être à point lors de l’examen qui se déroula au mois de septembre.

Les suites à l’ECA (7) 

Ce type d’enseignement a été repris par la suite par de nombreuses facultés ou Instituts d’études politiques (IEP) de province.

A l’école du commissariat de l’air (ECA), à partir de la promo 89, sous l’impulsion de Jean-Michel Golfier (ECA71) alors directeur de l’école, les élèves ont obtenu un diplôme d’études approfondies (DEA) d’histoire militaire mélangeant des enseignements de l’ECA et des enseignements donnés par des professeurs de l’université de Montpellier et de l’IEP d’Aix-en-Provence, partenaires de notre école. Dans ce cadre, le directeur de l’ECA donnait un cours d’organisation générale de la défense à l’IEP d’Aix-en-Provence aux étudiants civils du DEA. Des conférences communes ont eu lieu également à Salon. Le directeur de l’ECA était membre du jury de ce DEA pour les civils et les militaires.

De même, il y eut des voyages d’études communs avec les étudiants du DEA d’Aix-en-Provence ; à l’OTAN à Bruxelles, à San Remo pour le droit aérien, à l’armée de l’air espagnole, etc…

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(1) Membre du Conseil constitutionnel de 1989 à 1998.

(2) D’autres commissaires de l’air ont suivi ce DESS ultérieurement, notamment : Favot (ECA70) en 1978, Rey (ECA72) en 1979, Guillerm, Herry (ECA58) et Roudière (ECA76) en 1980, Debernardy  (ECA78) en 1983, d’Haussy (ECA78) en 1987.

(3) Loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires.

(4) Loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d’un contrat.

(5) J’eus l’occasion de retourner à Nainville-les-Roches lorsque les tribunaux administratifs étaient encore gérés par le ministère de l’intérieur qui y organisait des séminaires pour le corps préfectoral auxquels se joignaient quelques magistrats administratifs.

(6) J’avais choisi d’étudier « La brigade des sapeurs-pompiers de Paris, unité militaire chargée d’une mission de sécurité civile », un officier des sapeurs-pompiers de Paris affecté à la sous-direction de la fonction militaire de la DAAJC ayant pu me fournir de la documentation. Le commissaire Jullien s’était intéressé au « Contrôle général des armées » où il était alors affecté.

(7) Ces renseignements ont été aimablement communiqués par le commissaire général Vallecalle, directeur de l’ECA de 1996 à 1999.