dimanche 1 mai 2022

BA 292 / ERCA 783 : un lieutenant ORSA chef des Moyens Généraux, mais pas que !

 Par le commandant (CR) Thierry Leraud

Le service du commissariat de l’air a bénéficié des compétences et de l’engagement de très nombreux officiers du corps des bases (officiers administratifs et restauration- hôtellerie), qui ont concouru aux réussites du service de 1947 à 2009. Beaucoup ont d’ailleurs intégré le corps des commissaires de l’air. Sur les bases établissement, des officiers de spécialité encadrement ont servi au titre des « moyens généraux » (1). Un exemple parmi d’autres, celui du Ltt Leraud, jeune chef des moyens généraux et des moyens administratifs à Toulouse L’Hers.

1982- Alors lieutenant, je suis adjoint au chef des moyens généraux de la base aérienne 122 de Chartres, avec le statut d'officier de réserve sous contrat (ORSA). La 122 est une base sans plate-forme aéronautique, à vocation logistique. En avril, le colonel Chesnot†, remarquable commandant de base, me convoque et me déclare - « Thierry, vous êtes chef des moyens généraux ! ». Je pense à un intérim ou au remplacement de mon chef le commandant Teyssèdre (EMA 59). Que nenni ! « Vous partez à Toulouse ! ». 

Je pars assez rapidement en reconnaissance vers la base aérienne 292 de Toulouse l'Hers, non sans avoir pris contact téléphoniquement avec mon prédécesseur, le capitaine B., un officier rang de la spécialité 37100, encadrement, comme moi, qui me dit de ce poste : « Thierry, vous allez me remplacer aux moyens généraux, mais aussi,  pour un an, remplacer le capitaine C. comme chef des moyens administratifs (2)». Eh bien, ça commence à faire beaucoup, au regard de ce que je connais des attributions de ces fonctions sur la BA 122. Mais à 26 ans, on n’a peur de rien, et j'accepte le poste, car il semble que confier ces fonctions à un jeune ORSA, est un test pour la direction du personnel de l'Armée de l'Air.

Une base comme une autre mais support d’un établissement

Comme l'évoque le commissaire colonel François Faure dans un article (3),  le commissaire commandant de base est assisté de deux officiers en charge de la partie soutien, si le contexte est favorable... Les deux postes étant à pourvoir, suis-je donc arrivé au mauvais moment ? Ô que non, finalement ! 

La 292 a pour « moyens opérationnels » l'établissement ravitailleur du commissariat de l’air n°783. De fait, cette mini base aérienne relève à la fois de la direction du commissariat de l'air et de la 3ème région aérienne (Bordeaux). Pour ce qui est des moyens généraux, la fonction est amputée de la partie infrastructure qui normalement est intégrée sur les bases. Ici, l'infra est chapeautée par les ateliers de l’établissement, en la personne de monsieur Jean Duffaut (4). Tout le reste est à l'identique d'une base aérienne nantie d'une plate-forme ; j'en oublie que nous disposions d'une DZ hélicoptère, qui profitera au CEMAA le général Lanata (père) pour son inspection ... Me voici donc à la tête d'une vingtaine de sous-officiers et d’une trentaine de militaires du rang engagés ou du contingent. Voyons ce qui m'était dévolu... En haut...Comme en bas.

La situation à mon arrivée 

Dès mon arrivée, mon commandant de base - le commissaire colonel Duchêne -  me mentionne qu'il est sous pression de la 3ème région aérienne afin que le niveau de protection terrestre soit aux normes des bases avec plate-forme. Ceci ne m’effraie pas car je viens de rédiger le plan de protection de la BA122. Intellectuellement, je vais me conformer aux ordres, mais pour ma part, je vois moins le risque de commandos armés jusqu'aux dents, que le risque d'incendie dans les magasins, dont certains stockent tous les tissus destinés à la confection des uniformes de l'Armée de l'air ! 

Je note quasi instantanément que, entre les magasins, les plates-formes coupe-feu servent de stockage de... palettes ; c'est à enlever fissa ! Surtout que la section incendie de la 292 se résume à un civil présent H 24 sur place et d'un voire deux appelés du contingent détachés de la section incendie et secours de la BA 101 de Francazal ; c'est parfaitement insuffisant, même si des exercices réguliers ont lieu avec les casernes de pompiers voisines. A contrario, toujours dans cette mouvance du risque "action terrestre", la 292 est « richement dotée » en spécialistes commandos. Le détachement permanent d'une section en provenance de la BA 101 de Francazal nous est dévolu, mais sans que nous ayons de réelle autorité sur sa fonction sur le site, malgré les efforts du sergent V. qui comprenait et exécutait nos ordres. Il faut donc que cela change...

Le commissaire colonel Courdouan† : homme d’expérience et de culture

Il prend ses fonctions en 1983. Je suis admiratif du parcours de cet homme qui vient du rang, passé par l'école militaire de l'air (1959) puis l’école du commissariat de l’air en concours interne (1980). Avec lui, nous obtiendrons la légitime responsabilité administrative d'une section de protection : la SP 42.292, commandée par l'excellent sergent-chef P., qui aura à cœur de dessiner le badge apposé sur le treillis de ses hommes (avec le « sicut aquila » des commandos de l'air, la feuille d'acanthe du Commissariat de l’air, et les magasins et miradors stylisés). 

Nous avions désormais la main sur la définition des axes de protection en régime normal : renforcement des contrôles d'accès (assurés par des employés civils..), vérification des lieux où une intrusion était possible, et rondes de nuit régulières auprès des magasins, sans intrusion, ce qui constituait aussi, finalement, une veille contre les départs de feu ! 

J'aimais le temps passé à converser avec le commissaire Courdouan, qui, de par son parcours, avait de multiples centres d'intérêt. Et je lui dois, aussi,... la vie ! Le vendredi 23 novembre 1984, comme souvent, je dois prendre un avion sur la BA 101 pour rejoindre Orléans, pas loin de Chartres où j'ai conservé des attaches. Au regard du temps passé en semaine, j'avais droit à un quartier libre. Un camarade de l'escale de Francazal me téléphone en matinée pour me confirmer mon inscription au manifeste de bord en fin de soirée pour Orléans, mais il me dit qu'il peut aussi m'inscrire sur un vol opérationnel de reconnaissance basse altitude dans l'après-midi, car j'en avais fait la demande. Sauf que le colonel Courdouan me dit non sur ce coup, car nous avions à préparer une visite. Alors que je travaillais dans mon bureau, il entre, blême : « Thierry, vous entrez dans une seconde vie.. ». Les deux Transall s'étaient écrasés faisant treize morts.

Des souvenirs irremplaçables

De ces trois années dans mes deux fonctions, il me faut louer l'extraordinaire confiance de mes supérieurs, mais aussi des subalternes, m’aidant dans des domaines où j'étais parfaitement novice en tant que chef des moyens administratifs (ma double casquette), tels les finances - merci adjudant-chef Van K. - ou la restauration - merci major V.. 

Remise du drapeau
Un jour où j'évoquais mon rôle de porte-drapeau sur la BA 122, le commissaire Courdouan réagit immédiatement : « Pourquoi n'avons-nous pas de drapeau ? ». Il lancera les démarches auprès du service historique de l’armée de l’air et obtiendra la garde de celui de la 32ème escadre de chasse. Je le convoierai avec un protocole incroyable : escorte par un groupe armé, wagon de train réservé en 1ère classe, je dis bien wagon et non compartiment ! Les ateliers confectionneront un splendide meuble où le drapeau sera entreposé. 

J'aurai aussi l'initiative de séjours de cohésion dans les Pyrénées, puisque nous avions le matériel de campagne, autant le tester et faire marcher nos militaires. Car oui, si cette base aérienne relevait du Commissariat, les militaires étaient avant tout des...soldats !

 

Visite du cre gal Bajard DCCA - à dr.le cre Duchêne

Je pars en 1985 pour être chef du service de sécurité de l’école Polytechnique, et finis ma carrière au Bureau de la correspondance parlementaire du cabinet du ministre de la Défense en 1999.

(1) Les fonctions de chef des moyens généraux : protection, protection incendie,  garage et sa régulation, armurerie, permanence chauffage, bureau instruction, service de semaine, bureau des réserves, bureau d'aide sociale, service des sports (en qualité d'officier des sports)

(2) Les fonctions de chef des moyens administratifs : service finances, comptabilité base, restauration, service fourrier

(3) Voir l’article « Toulouse-L’Hers : un commissaire commandant de base » 14 août 2017

(4) Capitaine (H) Duffaut  aujourd’hui président de l’association des anciens personnels militaires et civils du commissariat de l'air de Toulouse

La version complète du texte avec les noms peut être obtenue auprès de l’auteur (thierry.leraud@orange.fr)