jeudi 3 mars 2022

Reconversion : apporter expertise et méthodologie

Jean-Christophe Gervais (ECA 91) s’est tourné vers le privé (groupe CGI*) après une carrière de 30 ans dans le commissariat de l’air puis le commissariat des armées. Séquence interview

On distingue dans votre carrière de commissaire de l’air puis des armées plusieurs volets de nature différente : l’informatique et notamment le projet Louvois, la base aérienne outre-mer et en métropole, et enfin les ressources humaines. Avec le recul, quel jugement portez-vous sur cette variété de postes, ce mixte entre spécialiste et généraliste, objet de beaucoup de discussions au tournant du siècle dans le commissariat de l’air ?  

JCG : Je considère que l’idéal est de trouver un équilibre entre affectations spécialisées et poste plus généralistes. Lorsque j’ai commencé dans ce qui est devenu ma spécialité, à savoir l’informatique de la solde, je n’avais que des connaissances théoriques sur les parcours de carrière et les activités opérationnelles des militaires. 

Après deux opérations extérieures, une affectation outre-mer et un poste de commissaire de base, j’avais acquis une expérience pratique qui m’a été très précieuse lorsque je suis revenu dans le domaine RH-solde, où l’on rencontre beaucoup de spécialistes très pointus dans leur domaine (informaticiens, juristes) mais qui n’ont pas cette expérience du terrain. Cela m’a permis de toujours proposer des solutions pragmatiques et en phase avec la réalité du terrain, et de susciter l’adhésion pour surmonter les difficultés.

Dans quelles circonstances avez-vous été amené à réorienter votre carrière vers le monde de l’entreprise ?

JCG : Arrivé à 30 ans de carrière, j’avais un peu fait le tour de tout ce que pouvait me proposer l’institution comme affectations et défis nouveaux. D’un autre côté, j’avais accumulé une grande expérience dans la conduite de projets, dont je souhaitais faire profiter d’autres. C’est ainsi que, en accord avec mon gestionnaire, j’ai pris ma retraite militaire, avec un levier de départ. J’ai proposé ma collaboration à plusieurs entreprises des services du numérique (ESN) avec lesquelles j’avais travaillé sur divers projets, notamment Louvois. L’une d’entre elles m’a offert un poste le mois suivant mon départ en retraite.

Quelles fonctions exercez-vous aujourd’hui dans ce secteur ?

JCG : J’exerce les fonctions de directeur de projet, j’interviens comme assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA) de divers clients publics. En général, ces clients, qui maîtrisent parfaitement leur domaine respectif, ont bien identifié la nécessité de refonte de leurs systèmes d’information obsolètes, mais ils n’ont pas les codes de la gestion de projet pour mener seuls ce chantier. Je leur apporte expertise et méthodologie pour bâtir un projet bien cadré, garantissant ainsi la qualité du résultat final, et en mettant sous contrôle les risques de dérive dans les délais et les coûts. Je considère qu’ainsi, quoique désormais sans uniforme, je continue à contribuer à la bonne administration de l’Etat, et au bon usage des deniers publics qui sont une des raisons d’être du service du Commissariat.

Que vous ont apporté votre formation à l'ECA et votre expérience dans le Commissariat de l’air pour l'exercice de ces nouvelles fonctions ?

JCG : Davantage que la formation reçue à l’ECA, c’est celle reçue peu après au stage « informatique niveau 1 » qui m’a été très précieuse, durant les 25 ans où j’ai conduit des projets et encore aujourd’hui. Aussi bien l’apprentissage des langages de programmation, et la rigueur que cela suppose, que la découverte du monde des télécommunications et réseaux, des bases de données, etc. mais surtout l’organisation et les méthodes de conduite de projet. Il y a des fondamentaux qui ne se périment pas, car basés sur le bon sens. 

Mon parcours professionnel, 20 ans au sein du commissariat de l’air et 10 ans dans le commissariat des Armées, m’a permis de découvrir aussi bien les arcanes de l’administration centrale que le point de vue « du terrain », des utilisateurs qui doivent mettre en œuvre un système d’information qu’on leur impose, souvent avec une formation insuffisante ou absente. C’est très précieux, car cela me permet d’identifier les risques de résistance au changement, si l’on brusque les gens. Je préfère persuader qu’imposer. Certes, cela nécessite plus de temps et d’efforts mais il n’y a qu’ainsi qu’on bâtit quelque chose de pérenne, avec une adéquation entre les attentes des utilisateurs et le système qu’on leur livre.

A l'inverse, que vous apporte « de plus » ou de « différent » cette seconde expérience professionnelle ?

JCG : Dans le secteur public, on n’a pas trop le choix de ses collaborateurs. Les affectations nous sont imposées, il en va de même pour les militaires dans nos équipes. A la rigueur, on a son mot à dire lorsqu’il s’agit de recruter un personnel civil sur un poste vacant, ou un officier sous contrat. Cela reste peu de chose. Dans le secteur privé, il y a une bien plus grande fluidité. Tous les membres que l’on rencontre sont là parce qu’ils l’ont voulu, ils ont souhaité rejoindre ce groupe d’envergure mondiale, et si les missions qu’on leur propose ne répondent pas à leurs attentes, ils n’ont aucune hésitation à démissionner. Le marché de l’emploi est très fluide, et les entreprises concurrentes se disputent les profils intéressants. Il est donc essentiel de veiller, au-delà du strict aspect salarial et autres avantages matériels, à maintenir intacte la motivation des collaborateurs, surtout les plus jeunes, et de leur rappeler la finalité de la mission. Les gens, pour la plupart, ne sont pas mercenaires. Ils ne restent pas dans l’entreprise qui paye le mieux, mais là où ils se sentent bien, avec des relations humaines de qualité, un équilibre entre vie professionnelle et personnelle, et des missions qui ont du sens, qui leur donnent la sensation de faire quelque chose d’utile, dont ils peuvent légitimement être fiers.

Quels conseils donneriez-vous à un commissaire des armées d’ancrage air qui souhaiterait réorienter sa carrière professionnelle ?

JCG : Une reconversion se prépare comme une opération militaire. Contrairement à une mutation, qu’on subit et à laquelle on s’adapte, on n’est plus en réaction. On prend l’initiative. Je considère qu’il faut s’y prendre idéalement un an avant la radiation des contrôles, en respectant trois phases :

1/ D’abord, mûrir son projet. La chance que nous avons, nous les commissaires, c’est que l’intégralité de nos métiers est immédiatement transposable dans le civil. Le tout, c’est d’identifier ce que l’on fait le mieux, que l’on aime faire. Sur ce point, le SCA m’a apporté une aide précieuse, avec un accompagnement par une commissaire réserviste qui est cadre à l’APEC.

2/ Ensuite, annoncer son projet de reconversion. Mettre à jour son CV, maximiser sa visibilité sur les réseaux sociaux (LinkedIn en premier lieu).

3/ Enfin, contacter les employeurs potentiels sur le créneau choisi, ni trop tôt ni trop tard. Si votre objectif est de reprendre un emploi civil dès votre RDC, il faut envoyer son CV aux recruteurs potentiels dans les 4 mois précédents, afin de leur laisser le temps de l’étudier et de vous convoquer pour des entretiens. 

Pour toutes informations, contactez : jean-christophe.gervais@cgi.com

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