« Il n’est pas possible de décrire dans le détail un voyage aussi dense qui a duré quinze jours et s’est déroulé il y a plus de quarante ans. Cependant, Il en reste des impressions visuelles et des émotions sensorielles qui n’ont pas été effacées par le temps.
Après un embarquement à bord de deux C 160 Transall, nous sommes arrivés en Irak à Bagdad sous une chaleur sèche écrasante, pour la visite de l’Ecole de l’air Irakienne de Tikrit, équipée d’avions de formation tchèques Zlin et L 29 Delfin (ci-contre), un passage au musée archéologique de Bagdad et une soirée à l’Ambassade de France. Nous avons fait un détour par Babylone dont il reste des murs imposants mais loin de la splendeur des jardins suspendus, une des sept merveilles du monde antique.Les C 160, lourdement chargés, n’ayant pas l’autonomie pour franchir la distance séparant l’Irak de l’Inde, une escale ravitaillement avait été prévue à Zahédan en Iran près de la frontière afghane. En débarquant sur ce haut plateau bordé de montagnes majestueuses, j’ai tout de suite reconnu le décor naturel où, pas très loin de là, à la vieille citadelle de Bâm, avait été tourné l’inoubliable film « le désert des tartares » adapté du célèbre roman de Dino Buzzati.Un long coup d’aile et nous voici à New-Delhi sous une chaleur humide étouffante cette fois. Les autorités indiennes n’ayant pas souhaité donner un caractère officiel à la venue des français pour des raisons que j’ignore, le commandement avait fait appel à une agence de voyages pour établir un programme essentiellement culturel, à l’exception d’une réception à l’Ambassade de France à New-Delhi, tenue de soirée obligatoire. Parmi les temps forts d’un programme très riche, trois moments essentiels ont survécu à l’oubli.
D’abord, Le Taj Mahal à Agra, sublime palais ou plutôt mausolée construit en 1631 par l’empereur moghol Sha Jahan en hommage à sa défunte épouse adorée. Pour apprécier ce site exceptionnel, une première visite a été faite au clair de Lune pour admirer la magie des reflets de l’astre des nuits sur le marbre blanc et son image inversée dans la pièce d’eau centrale. Ensuite, le détour vers le plus haut lieu de la spiritualité hindoue : Varanasi (ancienne Bénarès), ponctué par une croisière sur le Gange au lever du soleil. Il est difficile de restituer l’envoutement ressenti dans cette ville unique au monde. Laissons Pierre Loti le faire: « Dans cette Bénarès à la fois mystique et charnellement affolante, tout est piège pour les yeux, pour les sens : la lumière, les couleurs, les jeunes femmes aux regards de lenteur ardente, le long du vieux Gange, l'étalage de l'incomparable beauté indienne » (« L’Inde sans les anglais »).Enfin, le fort Amber à Jaipur. Ce superbe ensemble de palais en grès rouge et en marbre, s'étage sur quatre niveaux protégés chacun par une enceinte. Le dernier était réservé aux appartements des douze épouses (et plus si affinités…) du maharadja, lequel avait été inspiré par le proverbe indien: « un homme sans une femme n’est qu’un demi-homme ».!(1)Avec le recul, ce voyage d’exception reste un des meilleurs souvenirs des deux ans de scolarité à Salon. Il n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’intégration des commissaires dans la promotion de l’Ecole de l’Air. »
(1) Proverbe à comparer avec le slogan de l’ultra féministe américaine Gloria Steinem : « Une femme a autant besoin d'un homme qu'un poisson d'une bicyclette »