lundi 21 juin 2021

RETEX : commissaire d’exercice de la mission aérienne « Skyros 2021 »

 Par le CR1 Caroline Marre (ancrage Santé)*

Il peut arriver qu’un commissaire d’un ancrage autre que « Air » participe à un exercice aérien international ou à un déplacement d’unités de l’Armée de l’air et de l’espace. Cela a été le cas pour la mission Skyros qui s’est déroulée du 20 janvier au 5 février 2021 au départ de Djibouti, avec un dispositif de l’Armée de l’air et de l’espace composé de 4 Rafale, 1 Airbus MRTT Phénix, 2 Airbus A400M et environ 140 personnels, et escales en Inde, aux Emirats Arabes Unis, en Egypte et en Grèce.


« Je suis le commissaire de 1ère classe Caroline Marre, commissaire d’ancrage santé, affectée en tant que chef de division "conduite du soutien" au sein d'un GSBdD dans les Hautes-Alpes, appartenant à une base de défense armée de terre de spécialité « troupes de montagne ».

En amont de la mission Skyros, j’avais répondu à une seconde relance de prospection pour l’exercice Pitch Black / Pegase devant se dérouler à l’été 2020. Cet exercice ayant été annulé du fait de la crise sanitaire, ma candidature a été reportée pour une participation à l’exercice Skyros avec une désignation en août 2020.

La mission

En tant que commissaire d’exercice, les attributions sur ce type de mission s’articulent principalement autour de :

-  la prévision et le suivi budgétaire sur chaque étape en lien avec l’OPR et en fonction des effectifs et des besoins liés à l’activité opérationnelle, 

- la prise de contact, sur chaque escale, avec les sociétés locales d’hébergement et de transport, les bases militaires qui accueillent le détachement ainsi que les missions de défense qui disposent d’un rôle primordial dans les échanges entre le commissaire d’exercice et les fonctions support locales,

- l’exécution de la dépense : achats, comptabilité, gestion des moyens de paiement,                                  - la restitution financière des dépenses engagées.

 Le travail du commissaire d’exercice s’effectue en étroite collaboration d’une part, avec le coordonnateur logistique (CORLOG) du détachement afin d’obtenir l’ensemble des éléments impactant la finance et le soutien de l’homme. La réalisation et la mise à jour perpétuelle en conduite du « manning » sont vitales pour le bon déroulement de l’exercice.  D’autre part, une coopération permanente s’instaure avec les missions de défense (MDD). Dans le cadre de Skyros, la MDD sur chaque étape a été mon interlocuteur privilégié, que ce soit en matière d’organisation avec les prestataires qu’en matière de procédés de financement à établir. Cette bonne relation est primordiale dans le cadre du bon déroulement de la mission.

La préparation


La préparation de cette mission a été initiée par un briefing général du CDAOA en visioconférence exposant les enjeux et les modalités du déroulement de cette manœuvre multi-escales. Un calendrier a découlé de ce briefing afin de cadrer et organiser les différentes tâches incombant à chaque chef de détachement. L’ensemble de la préparation de la mission a, pour ma part, été effectué en visio depuis la province.

La préparation de la mission s’est ainsi échelonnée entre septembre 2020 et janvier 2021. Afin de faciliter l’organisation et de prendre attache avec nos homologues des armées étrangères (officiers en charge de la finance/comptabilité et de la restauration), des « site surveys » ont été effectués sur place, en octobre 2020 en Egypte et en Grèce et en novembre 2020 en Inde.

Ces site survey (1) sont indispensables à la préparation car ils m’ont permis de :

- disposer d’une image réelle et fiable de l’environnement dans lequel s’effectue la mission et d’en appréhender les points forts et les points qui nécessiteront un ajustement,

- de rencontrer les différents prestataires et interlocuteurs locaux directement afin d’aborder ensemble les besoins inhérents à la mission et dans quelles mesures ils peuvent être pris en compte que ce soit sur l’aspect logistique ou financier,

- de déterminer en amont de la mission les moyens de paiement privilégiés sur chaque escale afin d’établir un budget cohérent par source de financement.


Du fait de la multiplicité des étapes, afin de faciliter le déroulement de la mission et d’anticiper l’arrivée du détachement, deux « équipes Harpons » (2) composées d’un chef et de 3 personnels des spécialités DETIA (3), logistique et « real life support » (RLS), ont été mises en place l’une pour l’Inde et la Grèce et la seconde pour l’Egypte.

En termes de RLS, sur ce type de mission, l’utilité d’une "équipe harpon" est indéniable. Sa mise en place à J-3 permet de vérifier ce qui est prévu et d’ajuster les changements de dernière minute ou les modifications liées aux activités, avec les différents prestataires du soutien. Ainsi, pour des escales relativement courtes, cela évite des remaniements à l’arrivée du détachement pouvant mettre en péril l’organisation en conduite. De la même façon, un départ de "l'équipe harpon" à J+1 voire J+2 est indispensable car cela permet de faire une synthèse globale avec les prestataires locaux et d’effectuer les derniers paiements si nécessaires.

Dans les faits, pour la mission Skyros, l’objectif principal fut de s’assurer de la validation de l’ensemble des réservations auprès des prestataires extérieurs et des bases militaires pour l’hébergement, les repas, et le transport à la mi-décembre 2020. Les principaux points de contacts afférents à cette organisation ont été rencontrés lors des site survey soit par le biais des ambassades qui disposent d’un réseau de partenaires fiables, soit après une étude de l’offre des prestataires sur les escales.

La seconde échéance pré-départ a concerné l’obtention de la carte de crédit allouée à la mission, permettant les achats sur place et le règlement de certaines dépenses auprès des prestataires étrangers.

L’exécution de la mission

Une fois atteints les objectifs indispensables au lancement de la mission, les étapes en conduite se sont très bien déroulées (liaisons faites en MRTT Phénix ou en A400M). Au regard des tâches qui incombent au commissaire d’exercice, elles se traduisent notamment par le paiement des prestataires, les achats locaux et le suivi du budget (à savoir que 80% du travail s’effectue en amont de la mission). Contrairement à l’idée que la présence de forces françaises sur des bases comme les FFDJ ou les EAU facilite le soutien, le processus administratif de soutien français s’avère en fait très long et nécessite souvent des délais qui ne sont pas compatibles avec des escales opérationnelles de courtes durées. Néanmoins, aucun incident n’est à déclarer et chaque base française a été en mesure de répondre aux besoins du détachement. Concernant les étapes exclusivement étrangères, chaque base militaire ainsi que les prestataires locaux ont su répondre de manière très satisfaisante à nos demandes dans des délais souvent très contraints, et faire preuve d’une grande réactivité. Le bilan est donc très positif dans l’ensemble.

L’impact de la crise sanitaire

La principale complication sur cette mission, qui a concerné l’ensemble des spécialités, est bien évidemment la crise sanitaire qui, à notre niveau, a surtout contraint les réservations hôtelières et la gestion des locations de véhicules. En effet, la planification nominative des chambres prévue en amont de la mission a sans cesse dû être modifiée en lien avec un manning en perpétuelle évolution. Cette difficulté a notamment été limitée grâce à la présence des "équipes harpon" sur place avant l’arrivée du détachement permettant ainsi d’ajuster les modificatifs de manning de dernière minute. Concernant la location de véhicules, cette dernière a notamment été compliquée en Grèce du fait des restrictions du nombre limité de personnes à bord impliquant des rotations supplémentaires pour les bus de liaison et des minibus en plus à disposition de certains détachements. Ces éléments peuvent sembler relever du détail mais, dans les faits, ils peuvent réellement déstabiliser le dispositif.

Malgré cette situation sanitaire tendue tout au long de la période, aucun incident à régler en urgence n’est survenu, que ce soit au niveau matériel ou humain.

En conclusion, cette mission aura été un véritable challenge, par son aspect multi-escales et par le contexte sanitaire, qui s’est malgré tout soldé par une réussite générale grâce à l’ensemble du détachement. 

A titre personnel, Skyros restera une expérience professionnelle et humaine incroyable, d’autant plus que je découvrais un nouvel environnement, celui de l’Armée de l’air et de l’espace, pour lequel j’accorde un profond respect et une grande admiration et qui a su m’accueillir et m’enseigner les spécificités de son milieu. »

*Diplômée d’école de commerce, de la 1ère promotion 2010 de l’école d’administration militaire (EAM) anciennement école militaire du corps technique et administratif (EMCTA), a intégré le corps des commissaires des armées sur dossier en 2014 en conservant l’ancrage santé.

 (1) Nous nous rendons sur place physiquement pour établir un premier contact avec les AD locaux et  les armées du pays, visualiser l’infrastructure, l’aspect logistique, transport, restauration, hébergement, etc. afin de pouvoir organiser et anticiper au mieux les besoins. J’ai, pour ma part, participé aux site survey en Egypte et en Grèce.

(2) Ce dispositif  « équipe harpon » est assez novateur pour ces exercices. Pour Skyros, ces spécialistes DTIA et RLS étaient des officiers et sous-officiers principalement air. 

(3) Détachement de transit interarmées

Voir aussi Air Actualités n°737 mars 2021 (https://www.calameo.com/read/0000143341727f697bbc1)

Crédit photos et infographie : Armée de l’air et de l’espace (ADC JL Brunet-Air Actualités)