mercredi 26 mai 2021

Les « officiers SRH » de l’Armée de l’air (1976 – 2008)

Par le commissaire général (2S) Yves Friot* (ECA 75)

En septembre 1976, le général Saint-Cricq, chef d’état-major de l’Armée de l’air, décide une modernisation radicale de la restauration de l’Armée de l’air. Pour conduire cette réforme, il confie la restauration au service du Commissariat de l’air.

Est alors créé le « service de restauration et d’hôtellerie » de la base aérienne, défini par l’instruction n°30200/DEF/DCCA/3/10 du 13 mars 1978, comme « chargé de pourvoir aux besoins du personnel qui y est stationné dans les domaines de l'alimentation et de l'hébergement ainsi qu'accessoirement dans celui des distractions. »

C’est ainsi que le « service des subsistances » devient le « service de la restauration et d’hôtellerie » (SRH) et passe sous responsabilité du commissaire de base.

L’instruction n° 2404/DEF/DCCA/AG/3 du 5 février 1981 explique que « cette modification n'est pas seulement formelle : elle traduit la volonté de moderniser le service et d'adapter au milieu militaire les règles de fonctionnement qui ont fait leur preuve dans le milieu de la restauration collective civile. Il a semblé par ailleurs que les termes de restauration et d'hôtellerie marquaient mieux la volonté de maintenir un certain niveau de qualité que ceux de «subsistances» et de «hébergement ». 

L’instruction n° 30200 (article 10) dispose que cette nouvelle organisation vise à la création d’un « organisme unique permettant d’assurer :

- L’alimentation de tout le personnel stationné sur la base au sein d’un mess de base aérienne ; 

- Les autres fonctions nécessaires à la vie courante du personnel, logement et distraction notamment.

L’ensemble des activités dont la gestion est assurée par le mess de base, sous l’autorité du commissaire de base, constitue le service de restauration et d’hôtellerie ».

Le commissaire de base est le directeur des organismes et dispose de l’ « officier des subsistances » qui deviendra bientôt « l’officier SRH ».

C’est l’officier SRH qui assure, assisté de deux adjoints - un responsable des achats et un chef du bureau gestion – la gestion de l’ensemble du service qui agrège également le foyer des militaires du rang. Les gérants de chaque mess et de l’ordinaire, qui étaient jusqu’alors les gestionnaires des organismes nourriciers et du foyer, n’assurent plus désormais que la conduite technique, c’est-à-dire la production alimentaire stricto sensu (Instruction 2404).

C’est l’officier SRH qui devient le responsable direct de l’ensemble du service et doit veiller à ce que les missions qui lui sont confiées soient assurées tous les jours et en toutes circonstances.

Des statuts divers mais une formation spécialisée commune

Dans les années qui suivent la réforme de 1976, les officiers SRH sont soit des « officiers des subsistances » déjà en poste – et par conséquent des spécialistes de la restauration – soit des officiers recrutés parmi les sous-officiers de la spécialité « subsistances ».

A cette époque, les adjudants-chefs – voire les majors – candidats au recrutement de « lieutenant de carrière » manifestent leur candidature sur leur bulletin de notation annuelle. Ceux qui sont sélectionnés suivent une formation militaire à Evreux (où sont également formés les EOR). Ils rejoignent ensuite une affectation en qualité d’officier SRH sur une base aérienne.

Même si ces officiers sont majoritairement issus de la spécialité « subsistances » ou des comptables exerçant le plus souvent des fonctions dans le SRH, on peut trouver parmi eux des officiers en reconversion professionnelle ou d’anciens sous-officiers des transmissions, de la météo, des moyens généraux, des infirmiers, des pompiers.

A partir de 1993, le concours « rang » est ouvert aux adjudants, adjudants-chefs et majors (avec une présélection rang passée au moment de la sélection S3). A côté de ce recrutement, un autre recrutement d’officiers est ouvert aux sous-officiers d’active des grades de sergent-chef et adjudant. Ces derniers sont recrutés sous contrat (ORSA – officiers de réserve en situation d’activité).

Les effectifs d’officiers SRH étant encore insuffisants, des personnels issus du contingent sont alors recrutés comme officiers SRH. Enfin, le recrutement est également étendu plus tard aux officiers issus de l’école militaire de l’air (EMA). Les statuts des officiers SRH ont donc été divers (lieutenant de carrière, officiers rang, ORSA, OSC,…).

Rochefort
Avant 1995, ces personnels reçoivent uniquement une formation technique à l’école des fourriers (Rochefort).  A partir de 1995, leur formation d’officier est dispensée à Salon-de-Provence et leur formation spécialisée est effectuée dans le secteur privé (EUREST, SOGERES puis FORGECO).

Plus tard (en 1999), une formation professionnelle complémentaire à celle dispensée à Salon est organisée par la direction centrale du commissariat de l'air (DCCA) auprès de la Sté SOGERES.

Il est important de souligner que, paradoxalement, si « officier SRH » a toujours été une fonction, cela n’a jamais été une spécialité : ils se voient attribuer l’indice 37100 « encadrement ». De multiples discussions entre la DCCA et la direction du personnel militaire de l'Armée de l'air (DPMAA) puis DRH-AA n’ont jamais abouti, les effectifs des officiers SRH étant trop peu nombreux pour pouvoir assurer une véritable gestion de spécialité. A partir des années 2000, la DCCA réussit cependant à obtenir d’être associée au processus d’affectation des officiers SRH (devenus ensuite « officiers DRL » - Division Restauration Logement) (1).

Un rôle essentiel sur la base aérienne 

Mais si « officier SRH » n’a jamais été une spécialité identifiée comme telle par un indice, cela a toujours été une véritable « vocation » tant la fonction comportait d’exigences et requérait de qualités et de compétences diverses. Le Commissariat de l’air ne s’y est jamais trompé, même si ces officiers n’étaient pas gérés par ce service (« gestion 70 »).

En effet, l’officier SRH a toujours joué un rôle essentiel sur la base aérienne. Et il a été le relais indispensable de la politique de modernisation de la restauration et de l’hôtellerie conduite par le Commissariat de l’air depuis 1976 : modes opératoires, liaison froide, self-service, regroupement des organismes de restauration, modernisation des services d’hôtellerie, informatisation, achats centralisés, nouveaux matériels de campagne, recrutement des ASEL (puis ASRL, puis MRT et ensuite MTA (2), menu unique, …

La mission « restauration des personnels de la base aérienne » confiée à l’officier SRH sous l’autorité du commissaire de base, est assurée au moyen des mess (mess mixte voire mess unique, mais aussi mess officiers, mess sous-officiers, mess militaires-du-rang et mess des élèves officiers, sous-officiers). Sur certaines bases, il veille également au bon fonctionnement des « popotes », des stations hertziennes et des détachements soutenus par la base. Le SRH joue ainsi un « rôle social » particulièrement important : chacun sait l’importance du moment des repas sur le moral des troupes.

Mais la mission du SRH va bien au-delà de la restauration quotidienne des personnels de la base.

En effet, l’officier SRH contribue également au moral par d’autres moyens. C’est le cas  du foyer des militaires du rang. C’est encore le cas en assurant le support d’activités sociales (comité des fêtes, arbre de Noël, Fonds d’Actions Culturelles et Sociales -FACS,…).

C’est encore le cas quand le SRH offre d’autres services qui contribuent à faciliter la vie des personnels de la base : un salon de coiffure, une bibliothèque, voire une salle de cinéma (salle polyvalente), voire, sur certaines grosses bases, des restaurations alternatives comme des cafétarias ou des brasseries.

Il faut apporter une mention particulière au service logement qui est si important pour un grand nombre de militaires affectés sur la base. C’est le cas en particulier – mais pas uniquement - des « célibataires géographiques » pour lesquels le service logement est essentiel. Le service logement contribue ainsi au maintien du moral. Mais il assure aussi l’accueil des militaires en mission sur la base. Il est donc essentiel pour assurer le bon fonctionnement de la base aérienne et il apporte à cet égard une contribution aux missions de l’Armée de l’air. C’est une fonction qui a pris une importance croissante avec la suspension du service militaire et la fin des personnels du contingent dans les organismes de restauration et leur remplacement par des militaires-du-rang sous contrat : ASEL, ASRL, MRT puis MTA. Le service logement a facilité le recrutement de ces personnels.

Le service logement comporte bien souvent un grand nombre de chambres (jusqu’à plusieurs centaines) ce qui implique des effectifs importants et une organisation complexe pour assurer les réservations, l’entretien et le nettoyage. 

Desserrement d'une base
Parmi les missions du SRH, il faut également se souvenir que ce service est chargé d’assurer un certain nombre de manifestations (exercices militaires et restauration en campagne, meetings aériens,…) et de réceptions (locales, nationales, voire internationales). Le SRH participe ainsi aux relations publiques de la base aérienne. Sur certaines bases aériennes, cette mission peut être importante et dépasser une « prestation particulière » par jour. L’officier SRH est également jugé sur la qualité de ces prestations 

Sur certaines bases aériennes, il faut encore mentionner l’existence d’un « cercle » qui contribue au rayonnement de la base aérienne et dont l’officier SRH est généralement le directeur.

Opération Daguet 1991
Et puis, il ne faut jamais oublier que, comme tout officier, l’officier SRH peut participer à des opérations extérieures (OPEX) où, dans des conditions plus difficiles à tous égards, il doit, au profit des effectifs de l’opération, assurer peu ou prou les mêmes missions et offrir les mêmes services que sur une base aérienne française. En OPEX, l’officier SRH est, outre les difficultés d’approvisionnement et la situation précaire du terrain, confronté au problème constant que posent les personnels de recrutement local, dont le management  est souvent compliqué en raison des particularismes locaux, notamment en matière de droit du travail. Sans oublier que sa mission s’exerce le plus souvent dans un cadre interarmées où la modernité et la qualité de la restauration de l’Armée de l’air peuvent ainsi être appréciées.

Un gestionnaire et un manager

Pour assurer ses missions, l’officier SRH dispose de personnel, de moyens immobiliers et mobiliers et gère des fonds que l’Instruction 2404 qualifie de « fonds privés ». Il peut embaucher du personnel civil de droit commun, rémunéré sur les fonds des mess (ou du foyer), le contrat de travail étant signé par le commissaire de base (ou le président du conseil d’administration du foyer)(3).

Restauration, hôtellerie, loisirs et même, pendant quelques années, logement des familles, ces attributions font de l’officier SRH un officier tout-à-fait à part sur la base aérienne : c’est un véritable « chef d’entreprise » avec des moyens et des responsabilités peu communes dans le monde administratif, notamment sur le plan financier. Même s’il ne s’agit pas pour lui de diriger une entreprise dont le but est de créer du profit, il doit au minimum veiller à en assurer l’équilibre financier. 

A la tête d’une des plus grosses unités de la base (plus d’une centaine de personnes sur les bases importantes), l’officier SRH est donc aussi un « manager ». Il faut par ailleurs tenir compte d’une complexité que le SRH ne partage avec aucune des autres unités de la base. Celle de la diversité statutaire de ses personnels : sous-officiers, militaires du rang (différents statuts), fonctionnaires, ouvriers d’Etat, ouvriers professionnels, ouvriers « de droit privé », personnels « Berkani », stagiaires, et même, à certaines époques, contrats-emploi-solidarité et contrats-emploi-consolidés… Autant de statuts, autant de diversités de parcours, de formations, de notations, de revendications, etc.

Sur une base aérienne en Haute-Marne

Dans l’exercice de ces responsabilités, l’officier SRH est en outre confronté aux questions de droit du travail, d’hygiène et de sécurité du travail voire d’infrastructure, avant les chantiers de rénovation ou de construction.

Particularité importante affectant le fonctionnement de l’unité qu’est le SRH/DRL : ses prestations de restauration sont soumises aux suggestions et aux critiques de la commission participative de base aérienne (CPBA), quand celle-ci se réunit comme « commission des usagers ». 

L’officier SRH est aussi un gestionnaire de ressources financières très importantes. En plus des ressources d’origine étatique (indemnités pour charges aéronautiques ICA, prime globale d’alimentation PGA), et des « recettes de poche » (les bars, les ressources pouvant provenir de l’hôtellerie, …), le SRH peut aussi recevoir des financements des fonds des mess (fonds régionaux et même fonds ministériels) pour réaliser des opérations d’investissement retenues au niveau de la direction régionale du commissariat de l’air (DRCA). Ce sont aussi sur ces fonds que sont financées certaines opérations d’investissements au profit des organismes du SRH (remplacements de matériels, travaux d’embellissement, etc.). L’impact financier du SRH pouvait sur certaines bases et certaines années être supérieur à celui du budget de fonctionnement de la base. 

Avec la division « restauration » de la DRCA, l’officier SRH entretient un dialogue permanent qui conduit à des échanges constructifs pour le progrès de la fonction restauration-hôtellerie des bases. Cela se traduit notamment par la manière dont la DRCA réunit périodiquement les officiers SRH pour décider de l’attribution des marchés régionaux de denrées (2 à 3 fois par an). Il y a là une sorte de « co-pilotage ».

Ce sont de lourdes responsabilités qui pèsent sur l’officier SRH. Des responsabilités du quotidien qui, à force d’être accomplies chaque jour pour la satisfaction de tous, ne lui donnent pourtant que trop rarement l’occasion de prendre la lumière 

Les officiers SRH ont été les « soldats » nécessaires, indispensables à la réussite de la tâche confiée en 1976 au Commissariat de l’air.

2000 Visite du général Job, IGA-Air
Paradoxalement, « officier SRH » n’a jamais été une spécialité reconnue, identifiée par un indice. Et pourtant ! Tout le monde dans le Commissariat de l’air – et même dans l’Armée de l’air – savait combien leur rôle était important. Avec leurs équipes, ils étaient très rarement à l’honneur. Tous les jours à l’ouvrage de tôt le matin à tard le soir et même les week-ends. Car ces « soutiers » nourrissaient les personnels des bases aériennes chaque jour et le faisaient si bien que l’on oubliait de leur en être reconnaissant tant leur travail semblait aller de soi. Et c’est là la preuve qu’ils le faisaient bien !

C’est grâce aux officiers SRH que le Commissariat de l’air a pu faire de la restauration de l’Armée de l’air une restauration reconnue comme moderne, performante et de qualité : une vitrine.

*

Après la disparition du Commissariat de l’air en 2008,  l’officier DRL évolue vers la division soutien de l’homme (DSH) qui englobe également le service des matériels du commissariat. Puis, en 2011 avec la création des Bases de défense, ce service est incorporé au service soutien vie (SSV).


(1) « Officier DRL » à compter de 1998 à l’occasion de la réorganisation des bases aériennes, le général Jean Rannou étant chef d’état-major de l’Armée de l’air

(2) aide-spécialiste engagé local ASEL  aide-spécialiste recruté localement ASRL, militaire du rang technicien MRT; militaire technicien de l'air MTA

(3) Cette situation cessera avec l’arrêt du Tribunal des Conflits n° 3000 du 25 mars 1996, « Berkani »

*Remerciements de l'auteur aux CRC1 (R) Catherine Bournizien, CRC1 Bruno Crespinée,  LCL (R) Jean-Louis Jaillot, CRP Philippe Lapouge, CNE (R) Ange Martini,  CDT (R) Louis Serra.