vendredi 27 novembre 2020

Ma rencontre avec Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin

Par le commissaire général (2S) Michel Barbaux

A l’occasion du décès de Daniel Cordier, le commissaire général Barbaux (ECA 72) nous  raconte les circonstances de sa rencontre avec ce Compagnon de la Libération.

Parmi mes attributions au cabinet militaire du Premier ministre (1998-2000), j’avais en charge d’entretenir les relations avec les associations de résistants et d’anciens combattants. C’est ainsi que je fis la connaissance de Lucie et de Raymond Aubrac, de Stéphane Hessel, de l’amiral de Gaulle et d’un certain nombre de Compagnons de la Libération comme les généraux de Boissieu et Simon, le professeur François Jacob, Serge Ravanel et Charles Gonard.

Chaque année, en octobre, je représentais le Premier ministre, dont je lisais un message, lors de la cérémonie de remise du Prix littéraire de la Résistance organisée (aujourd’hui encore) par le Comité d’action de la Résistance dans les salons Boffrand du Sénat.

Le 14 octobre 2009, le jury, alors présidé par Yves Guéna, ancien ministre et membre du Conseil constitutionnel, décerna le Prix au Compagnon de la Libération Daniel Cordier pour son ouvrage « Alias Caracalla » dont un excellent téléfilm fut réalisé en 2013 par Alain Tasma. 

Invité, comme chaque année depuis 2006 en tant que secrétaire général de l’association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI) dont Lucie Aubrac et Serge Ravanel furent parmi les fondateurs, je rencontrai à cette occasion Daniel Cordier. Il attendait son tour, seul, au portique d’accès à la cour intérieure du Sénat. Je le saluai et il sembla tout étonné d’être reconnu ! Nous avons ensemble marché tranquillement pendant de longues minutes dans cette cour. Accompagner et écouter cet homme d’une extrême gentillesse, ancien secrétaire de Jean Moulin du 30 juillet 1942 au 21 juin 1943, alias Alain - auquel la République vient de rendre un hommage solennel - c’était pain bénit pour le féru d’Histoire que je suis, et en particulier de l’Histoire de la Résistance. Il me raconta qu’après la guerre, tous les partis politiques, de droite comme de gauche, l’avaient sollicité pour une investiture aux élections législatives mais qu’il avait préféré se consacrer à la peinture et au commerce de tableaux, domaine auquel l’avait initié Jean Moulin.


Yves Guéna se dit heureux de retrouver un ami « Français libre » (appellation que le récipiendaire préférait à celle de « Résistant ») de la Légion de Gaulle.  Daniel Cordier, alors âgé de 89 ans et en grande forme, exposa alors pour la première fois en public, se souvenant de l’antisémitisme qui berça sa jeunesse, le choc qu’il ressentit, le 25 mars 1943, lorsqu’il croisa sur les Champs-Elysées un homme et un enfant, l’étoile jaune cousue sur leurs vêtements. C’est à ce moment précis, dit-il, qu’il décida de considérer autrement les personnes de confession juive. L’année suivante, en 2010, il racontera cet évènement à un journaliste.

Avant de passer à table, c’est Daniel Cordier lui-même qui vint me proposer d’immortaliser notre rencontre par une photo. Quel bonheur ! Le commissaire Piat, alors en fonction au cabinet du Premier ministre, se chargea volontiers de cette tâche.  Et je fis de même avec lui.

Michel BARBAUX

*   Michel Barbaux donne des conférences sur « Le mystère de l’arrestation de Jean Moulin à Caluire le 21 juin 1943 »