dimanche 5 avril 2020

Un commissaire en Nouvelle Zélande ?

Par le commissaire général (2S) Jean-Louis Barbaroux (ECA 56)

Pour terminer en beauté mon temps de sous-directeur Matériels à la DCCA (1982), le directeur central m’envoie en mission d’inspection en Polynésie, et, tant que vous êtes « dans le coin », me dit-il en me montrant un atlas, allez aussi en Nouvelle Calédonie… effectivement sur cet atlas, il n’y a guère plus de 3mm entre Tahiti et Nouméa !

Me voilà donc parti seul, sur le DC8 du COTAM qui assure la liaison avec Papeete, escales à Montréal  puis Los Angeles, avant la traversée du Pacifique : le siège est confortable, plus que la banquette du Dakota de mes premiers vols dans l’Armée de l’Air, mais ça fait long, 23 heures de vol, tout seul !


J’arrive à Faaa vers minuit, accueilli par le commandant de base qui, après la remise du collier traditionnel de fleurs de frangipanier, m’annonce que je dois « tout à l’heure », à 6 heures du matin, prendre la seule Caravelle de la semaine pour Hao ! L’aventure, c’est l’aventure … Après encore quelques heures de vol, suffisamment ensommeillé pour que je ne m’en souvienne pas, j’arrive enfin sur cet atoll enchanteur ; « Quel sera votre programme, monsieur le commissaire ? » « Eh bien dormir, et je ne sais pas combien cela durera : on verra après ! »

Hao
Hao était redevenu une petite escale fort calme depuis que les essais se faisaient désormais au tréfond de l’atoll de Muruora. Je réglai rapidement les quelques problèmes locaux, admirai la vahiné qui nous servait au mess et fis le tour de l’atoll, long et étroit, un peu désert après les activités intenses des dernières années.

Mururoa
Le lendemain, quelques heures de vol avec la Caravelle pour rejoindre Mururoa : là, c’est du sérieux : un microcosme Armées et CEA entassé sur un atoll circulaire et large de quelques dizaines de mètres à peine, d’une altitude ne dépassant pas deux mètres, d’où les nombreux refuges surélevés pour se protéger en cas de tsunami. Une base constituée d’Algeco climatisées, une flotte de Citroën Méharis, des cocotiers, des plages, mais pas de familles, installées à Tahiti. On peut se baigner et on ne s’en prive pas, c’est une des rares distractions, qui permet de prouver à Greenpeace et autres écolos que les eaux du lagon ne sont pas si radioactives.

Retour à Tahiti pour le travail sérieux : la base de Faaa dispose de bons moyens : les difficultés proviennent de l’éloignement et peuvent être résolues par une bonne anticipation.

Deux jours après, il faut prendre le DC8, d’UTA cette fois, pour rejoindre Nouméa : il faut quand même 6 heures de vol direct. Bon accueil (sans collier de fleurs cette fois), du commandant de l’Air (d’une excellente promo, la mienne) et du directeur de l’intendance. Je m’apprêtais à jouir d’un bon week-end un peu relax : erreur ! J’avais franchi la ligne de changement de date : exit mon dimanche ! J’ai quand même eu le temps de visiter l’ile et sa voisine, la merveilleuse île des pins.  Quittant le soir la  base, en uniforme, j’ai juste le temps d’aller voir le très riche aquarium de Nouméa : je tombe à l’entrée sur un jeune homme qui m’accoste : Je vous reconnais, mon colonel, je vous ai vu à Cazaux, où je faisais mon service ! Le monde est petit ; c’était le sous-directeur de l’aquarium : j’ai eu droit à une longue visite très documentée !

L’Armée de l’Air est encore peu nombreuse : la base de La Tontouta appartient à la Marine ; L’escadron outre-mer dispose de Twin-Otter et d’hélicos, mais aucun soutien local Air, pas de documentation. Il faut améliorer les relations avec Villacoublay et le SACA à Paris. L’année suivante, directeur du SETAMCA, je m’attacherai à créer au sein de cet organisme une cellule d’assistance à l’outre-mer pour aider les éléments de ce type : envoi de documentation, commandes en métropole,  un vrai relais multiservices.

Il est temps, déjà, de regagner Tahiti. Sur ce vol UTA, l’avion passe par Aukland pour une courte escale. (d’où le titre, insolite, de cet article)  Nous ne quittons pas l’avion, disons que nous sommes confinés à bord, pendant qu’on nous asperge de flytox, contre la mouche du palmier, redoutée en Nouvelle-Zélande.

UTA, c’est quand même beaucoup mieux que le COTAM : larges fauteuils, fin repas largement arrosé de Bordeaux, et, pour couronner le tout, une hôtesse tahitienne superbe, moulée dans un somptueux paréo, la fleur de tiaré dans les cheveux : sept heures de vol, c’est bien court !

A Tahiti : visite de la base, entretien avec le commissaire commandant - qui n’a pas trop l’air de regretter la métropole, avec les marins, qui assurent le support logistique-, vérifications classiques. Il reste le temps, le soir, pour se baigner (encore que les innombrables écriteaux : TABOU! semblent dissuasifs) et visiter les environs, la maison de Gauguin, la ville, le port.


Avant le retour en France, il me restait à répondre à une dernière invitation, celle de la famille d’un adjudant de ma sous-direction à la DCCA. Le seul soir possible était celui du départ mais l’avion ne décollait qu’à une heure du matin. Me voilà donc au volant de ma 305, recherchant à Papeete la rue du Poilu tahitien (oui, ça existe !). Je trouve, je sonne, et qui vient m’ouvrir ? Mon hôtesse d’UTA, toujours en costume local ! Ce coquin d’adjudant m’avait bien parlé de ses parents, mais pas de sa sœur, hôtesse de l’air …et toute récente Miss Tahiti ! Dîner remarquable (menu exotique pour les Tahitiens : foie gras, Sauternes, Champagne …) et superbes paréos pour les jeunes, robes « coloniales » en dentelle blanche pour les autres. Le temps passant, je m’apprêtais à partir. « Mais non, colonel, à l’aéroport, vous passerez par la porte VIP ! » Ce qui fut fait ¼ d’heure avant l’heure limite, à la surprise du commandant de base et du commissaire qui faisaient le pied de grue depuis une bonne heure : cela ne les a pas empêchés de m’ensevelir sous une bonne douzaine de colliers d’adieu traditionnels en coquillages !

Dur, dur, de retrouver la métropole en novembre !