vendredi 15 février 2019

Au CBA 753 de Versailles en 1962

Par le commissaire général (2S) Jean-Louis Barbaroux (ECA 56)

Le commissariat des bases (CBA) 753 était installé, royalement, aux Petites Ecuries du Roi, sur la Place d’Armes, en face du château de Versailles. Il occupait 6 ou 7 bureaux au premier étage, au centre de ce superbe monument historique qui constituait alors une base aérienne : les Eléments Air 134, abritant différentes unités dont les commandements des Forces Aériennes Stratégiques et de la Défense Aérienne, un escadron de  câbles hertziens, les Maîtres-ouvriers, etc.

La première implantation de l’École de l’Air dans cette enceinte, avant la guerre,  était encore dans les mémoires.
Les écuries servaient de garage, mais elles avaient conservé les râteliers et les mangeoires d’époque. A notre grande hilarité, la première mangeoire portait un écriteau : "Réservé au Colonel".


Le bureau du chef du CBA, celui de son adjoint, avec une belle hauteur sous plafond, avaient une vue imprenable sur le château, au bout de la place d’armes, superbe parking désert, accueillant nos voitures …

Organisation et fonctions

Le CBA était riche de 3 officiers : les 2 commissaires et le chef des bureaux, capitaine administratif sympathique et compétent … qui avait été sergent dans un Groupe de Bombardement en Angleterre pendant la 2e Guerre Mondiale !

Cres Barbaroux, Le Roux, Le Prunenec
Je suis arrivé le 5 juin 1962, pour assister aux pots de départ du commissaire Lt-colonel Le Prunenec et d’arrivée du nouveau chef, le Cre Cdt Le Roux. Ce dernier, ancien administratif, avait fait - comme tous les commissaires jusque là - l’Ecole Supérieure de l’Intendance (E.S.I.) et venait du CBA de Saint Dizier. Je me suis bien entendu avec lui, c’était un homme simple et sympathique, connu comme rigoureux. Il semblait un peu complexé à mon égard, représentant la nouvelle génération de recrutement direct et venant du cabinet du CEMAA…

Le CBA comptait une petite douzaine de sous-officiers, compétents, une PMFAA, trois personnels civils et une poignée d’hommes du rang, dont le chauffeur de la 11CV, puis de la 403.

Les bureaux du CBA, sous l’autorité directe et avisée du capitaine chef des bureaux, effectuaient leurs tâches administratives propres : mandatements, engagements, bons de transport, vérification et transmission à la DRCA des documents des bases aériennes, etc, et toutes les opérations de vérification des comptes de leur compétence. Les résultats de ces vérifications étaient consignés dans des feuilles de vérification signées du commissaire, adressées aux bases, et parfois, degré supérieur, dans des feuilles d’observation qui devaient être retournées au CBA après réponse et signature du commandant de base lui-même.

Quant aux deux commissaires, ils avaient fort à faire : outre l’impulsion à donner aux bureaux, ils avaient deux attributions particulières :
- ès-qualité en signant un certain nombre de documents, de mandatement, de bons de transport, d’actes d’engagement/rengagement des personnels, convoqués à cette fin pour signer devant le commissaire ;
- par délégation personnelle du commandant de Région, pour exercer la surveillance administrative, non seulement au CBA, mais surtout sur les bases.

On peut comprendre que cela prenait plusieurs jours par semaine aux commissaires, entre le temps passé sur place, et celui nécessaire à l’établissement des comptes rendus de visite.

La circonscription du CBA  comprenait :
-Une grosse base : Villacoublay
-Deux plus petites : Saint-Cyr et Etampes
-des mini-bases ou éléments divers : Ris Orangis, Echouboulains (la Maison des Ailes), Brétigny, Versailles …


Que faisaient les commissaires sur les bases ?
- présider des « grands - messes », comme la revue annuelle des effectifs, où  la totalité du personnel défilait devant l’aréopage vérifiant les pièces-matricule, et s’assurant aussi de l’absence « d’hommes de paille » dans les comptes de la base (ultime réminiscence des commissaires des Guerres !), la revue annuelle des matériels d’ameublement et de couchage (sur toute la base !), les réformes, les commissions de réception des tenues confectionnées par les maîtres-ouvriers, les vérifications-dégustations des rations conditionnées,  et j’en oublie !

- et surtout vérifier sur place la concordance entre les écritures et les existants dans tous les domaines, et donc dans tous les services, du trésorier à tous les magasins, de l’armurerie à la soute à essence, du magasin général de volant (MGV) à l’escadron de ravitaillement technique (ERT), des mess au dernier des points de vente extérieurs…

Dans ces missions,  nous nous faisions parfois accompagner par un ou deux sous-officiers du CBA, mais pas systématiquement : aux commissaires si qualifiés la joie de compter eux-mêmes les sous, les boulons de 12, les chaussettes, les canettes de bière, les pistolets mitrailleurs MAT49, mais cependant pas les boutons de culotte !

 Avec l’aide expérimentée des aide-mémoire du commissaire Le Roux, je m’étais confectionné une check-list  très complète de toutes les opérations de vérification sur place, qui m’a été longtemps très utile.

Il  faut bien garder en mémoire, qu’à l’époque, le commissaire, formé à l’ESI, était redouté comme l’était l’intendant ou le contrôleur des armées. Les commandants de base, et d’ailleurs la plupart des officiers, n’avaient pas usé leurs battle-dress sur les mêmes bancs que les jeunes commissaires et se méfiaient par principe, même si on nous recevait à la table du commandant de base malgré nos petits galons (sauf sur la base de Saint-Cyr l’Ecole,  où on s’obstinait grossièrement à me faire déjeuner à la table bien arrosée des capitaines mécanos).

Cre cdt Bajard
Les choses ont commencé à changer quand la relève est arrivée en 1963, après un an passé avec le commissaire Le Roux (que j’ai cependant bien apprécié). Le commissaire commandant Bajard, premier chef du CBA de recrutement direct (ECA 54), a bien entendu fait évoluer les rapports du CBA avec les bases : le conseil prenait le pas sur le contrôle, la coopération sur la surveillance.

Par ailleurs, nos relations avec la Région - commandement et DRCA - n’étaient pas étroites mais étaient confiantes : la personnalité des commissaires généraux Mondin puis Daume s’y prêtait et je n’ai pas de souvenir de quelque difficulté avec la Région, qui nous laissait une grande latitude et nous appuyait quand nécessaire.
L’évolution a été également sensible au sein du CBA, le commissaire Bajard ayant un charisme particulier pour créer un esprit d’équipe entre tous, quel que soit le grade.

Mon souvenir le plus prégnant du CBA753 est, quand le chef du service de la dépense du TPG des Yvelines venait prendre un pot avec nous (eh oui !), on faisait toujours appel à Pauline Luciani, notre civile, pour interpréter, à la joie de tous, son grand succès : « les cavaliers du ciel » !(1)

J'ai rejoint la DRCA 2ème RA le 6 août 1964 après plus de 2 ans au CBA, remplacé par le commissaire Mulotte : on tournait vite !


(1) Les « cavaliers du ciel » n'ont rien d'aéronautique, mais c'était la chanson préférée de Pauline, notre corse, à l'accent ... corsé et fan d’Armand Mestral !