dimanche 4 novembre 2018

Du commissariat de l'air à la culture

A Salon, j'ai acquis le sens de l'effort et de l'engagement collectif

Nous poursuivons nos interviews des camarades qui ont mené deux carrières, une militaire puis une civile. Aujourd’hui, Jacques Charpillon (ECA 67)

Vous avez mené deux carrières successives : commissaire de l'air et fonctionnaire civil. Pourquoi avoir choisi le Commissariat de l'air ?
J'ai passé le concours d'entrée à l'Ecole du Commissariat de l'air (ECA) à l'été 1967 à l'issue d'une année de préparation aux concours administratifs à Sciences Po de Lyon, année qui faisait elle-même suite à ma licence de droit (en quatre ans à l'époque). Durant ma dernière année à l'université de Lyon, j'avais rencontré, lors d'une conférence donnée à la faculté de droit, les commissaires de l'air installés à Lyon et leur présentation du métier m'avait plu. C'est ainsi qu'en septembre 1967, je débarquais à Salon-de-Provence pour bientôt appartenir à la promotion EA « capitaine Péronne ».


Quels ont été vos différents postes dans le Commissariat de l'air ?
Francazal 1970 Noratlas  (c/MCris/escadrilles.org)
Ma carrière militaire fut très courte, son évocation le sera donc tout autant. A l'issue de la scolarité à l'ECA, je passai l'année de stage sur base aérienne à Toulouse-Francazal, base école des pilotes du transport aérien à l'époque.
A l'automne 1970, je fus nommé commissaire lieutenant au Service administratif du Commissariat de l'Air (SACA n° 875) à Paris, situé dans le Bastion n° 68, vestige des fortifications de Paris et tout proche de l'actuel siège du nouveau ministère des armées dans le 15ème arrondissement.

Le Bastion 68
J'y fus très bien accueilli par les deux commissaires le dirigeant, mais le plus dur pour moi, pur provincial, ce fut l'acclimatation à Paris. Cette première affectation fut aussi la dernière !


Dans quelles circonstances avez-vous été amené à réorienter votre carrière vers la fonction publique ?
Rien ne me poussait à envisager un changement d'orientation, mais à la réflexion, j'ai dû éprouver en ce début de vie active une sorte de regret, de repentir pour les études et je me suis présenté aux épreuves du cycle préparatoire au concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration (ENA). Sans les avoir particulièrement préparées, je fus admis et il me fallut rapidement décider si je demandais un détachement (qui en l'espèce était de droit) ou si je continuais ma route dans le Commissariat de l'air. Un peu par défi personnel - j'avais en effet rêvé à ce concours, comme beaucoup d'autres, à la fin de mes études supérieures -, je décidai de tenter l'aventure. C'est peu dire que mon initiative fut fraîchement accueillie par la Direction centrale du commissariat de l'air : à peine entré dans le corps, je songeais à le quitter ! C'est ce que me fit sentir le directeur central de l'époque, le commissaire-général Le Forestier.

Il faut reconnaître que le moment était mal choisi puisque c'était celui de l'installation des tout premiers commissaires sur base. J'avais donc intérêt à réussir mon pari personnel car en cas d'échec et de retour on ne m'aurait pas fait de cadeau, c'était "sport" et cela me parut normal. C'est ainsi qu'après un an de préparation, détaché à Sciences Po Grenoble, et beaucoup de travail et de… ski aussi, j'entrai à l'ENA.

Quels types de fonctions avez-vous exercé ensuite ?

La scolarité à l'ENA n'y fut pas désagréable (notamment les stages en préfecture, en ambassade, en usine, etc.) et j'en sortis en 1975 - Promotion Léon Blum (contrairement à l'EA-ECA, le millésime de la promotion se rapporte à l'année de sortie). A l'amphi-garnison, mon honorable rang de classement me permit d'obtenir mon premier choix, le ministère de la culture qui était plutôt prisé en ce mitan des années 70. Je n'ai jamais eu à regretter cette orientation et j'ai passé toute ma carrière d'administrateur civil à l'administration centrale de ce ministère installée au Palais Royal et alentours.

J'y ai travaillé dans divers secteurs, oscillant entre deux centres d'intérêt : d'une part, le développement et la modernisation de ce jeune et petit ministère et, d'autre part, la préservation du patrimoine (monuments historiques, musées). En près de trente-cinq ans de carrière, j'ai gravi tous les échelons de chef de bureau à directeur, et cela avec une passion professionnelle jamais démentie. Il faut dire que j'ai eu la chance d'exercer dans ce ministère à une époque plutôt porteuse pour les arts et la culture dans notre pays.

Avec le recul, que vous ont apporté votre formation à l'ECA et votre expérience dans le Commissariat de l'air pour l'exercice de vos fonctions ultérieures ? 

J'ai plaisir à me rappeler que lors du concours de l'ENA, j'ai pu grapiller des points supplémentaires grâce au saut en parachute effectué et rendu possible par notre formation à Salon-de-Provence !  Plus sérieusement, la formation à l'ECA et mon court début de carrière m'ont appris le sens de l'effort et de l'engagement collectif, en même temps que le traitement de l'humain comme condition de réussite dans les fonctions exercées. La disponibilité et le renouvellement professionnels ont été des marqueurs de ma carrière civile et je présume que cela me vient de ces longues années d'apprentissages divers et variés.

A l'inverse, que vous a apporté "de plus" ou de "différent" cette seconde expérience professionnelle ?

Salon : Les 50 ans de la 67, avec 3 ECA : Baillaud (1), Simoni (2) et Charpillon (3)
Comme la première expérience professionnelle réelle me fait défaut, j'ai naturellement du mal à comparer les deux. Au fond, quand je retrouve périodiquement, et avec grand plaisir, les vieux camarades de la promotion EA-ECA 1967, je n'ai aucun souvenir de carrière commun avec eux ; en revanche, ce sont les forts souvenirs d'école qui nous unissent et cette substitution mémorielle me paraît singulièrement rafraîchissante.

Quels conseils donneriez-vous à un commissaire des armées de milieu air qui souhaiterait réorienter sa carrière professionnelle ? 

Je ne suis pas certain que mon itinéraire personnel qui, dans la géographie parisienne, m'a conduit du Bastion n° 68 aux colonnes de Buren au Palais Royal me qualifie pour donner des conseils aux autres ! J'avancerais tout de même l'idée qu'il faut savoir être mobile, bouger, découvrir, aux fins de toujours se renouveler. Et puis, assumer ses goûts et ses inclinations n'est pas une mauvaise chose, à condition de s'engager à fond, que cela soit dans le secteur public ou dans le monde de l'entreprise.