mercredi 15 août 2018

Commissaire général René Mousist

Nous poursuivons notre série sur les premiers commissaires de l’air, dans le cadre des recherches effectuées au SHD, au profit de l’AMICAA, par le commissaire général (2S) François Aubry.

René, Jules, Mousist est né le 17 octobre 1914 à Nay (Basses Pyrénées).
Il débute sa carrière professionnelle comme employé de banque, avant d’être appelé sous les drapeaux le 15 octobre 1935. Il effectue son service militaire au 107ème RI, à Limoges.

A l’issue, il est nommé sergent de réserve au 57ème RI, à Bordeaux, avant de s’engager le 15 octobre 1937 comme personnel non navigant (service général) dans la toute jeune armée de l’air, sur la base aérienne 106 de Bordeaux Mérignac.

Après avoir fait les EOA en 1939*, il est affecté comme officier d'administration à Mérignac puis à Marignane.  Le 26 juillet 1940, il dépose une demande d'affectation en Nouvelle Calédonie ou en Indochine. C'est la seconde destination qui lui est offerte.


Parti de la métropole le 21 janvier 1941 sur le paquebot S/S Eridan, il débarque à Haïphong le 3 avril et passe toute la guerre comme officier d'administration sur les bases aériennes d’Indochine**. Lors du coup de force japonais de mars 1945***, il se signale par une conduite exemplaire qui lui vaudra une citation et la croix de guerre. Mais il est prisonnier des japonais du 12 mars au 18 septembre 1945, dont 21 jours au camp de représailles de Hoa Binh. A l'issue, il rejoint les forces françaises d'extrême orient le 1er octobre 1945.

De retour en métropole fin août 1946 - par avion cette fois et en 6 jours, au lieu de 3 mois en 1941 -  il est affecté au CBA de Lyon, où il réussit le concours d'entrée à l'ESI, qu'il intègre le 27 septembre 1948.

ESI 1948

Nommé commissaire ordonnateur (CO) adjoint (capitaine) en sortie d'école, il est nommé adjoint au chef du CBA 759 de Marseille le 1er août 1950 puis chef de service au CBA 775 d'Orange le 1er décembre de la même année. Il passe CO3 (commandant) le 1er juillet 1951.

Promu commissaire Lcl le 1er janvier 1956, il est affecté à l'EMAA le 16 avril de la même année.
Le 3 octobre 1962 il rejoint Aix, comme adjoint au directeur régional du commissariat de l’air, où il est nommé commissaire colonel  le 1er décembre suivant.

Directeur régional en 4ème RA le 8 juillet 1967, il reçoit un témoignage de satisfaction pour avoir « par son esprit d’initiative, au cours d’une période particulièrement difficile, pris des décisions rapides et efficaces permettant d’assurer dans les meilleures conditions le paiement des soldes et traitements du mois de mai 1968 à tous les personnels militaires et civils de la 4ème région aérienne ».

Il accède au grade de commissaire général le 1er février 1969, avant de passer en deuxième section le 1er août 1970.

Il décède le 2 janvier 1999

Médaille coloniale et Croix de guerre 1946
Chevalier du dragon d'Annam 1948
Chevalier LH 53
Chevalier ONM 56
Officier LH 1971

Dossier SHD : DE 2011 ZL 8/516

*Cette promotion EMA 39 donnera trois autres commissaires généraux (Castaing, Deffaux, Vaillant)
**Cinq bases à cette époque (non compris les terrains de desserrement)
***voir ci-après

ZOOM SUR LE COUP DE FORCE JAPONAIS EN INDOCHINE EN MARS 1945

Dans les premiers jours de mars 1945, les troupes japonaises sont déployées autour des garnisons françaises. Le 9 mars 1945 au soir, l'amiral Decoux, gouverneur général de l'Indochine, reçoit l'ambassadeur japonais Matsumoto pour une réunion de routine. À 19 heures, l'ambassadeur présente un ultimatum exigeant que les troupes françaises passent immédiatement sous commandement japonais. Decoux essaie de gagner du temps, mais les premiers coups de feu éclatent dans Saïgon. L'opération Mei est déclenchée.
À 21 heures, Decoux et ses adjoints sont mis aux arrêts. Entre 20 heures et 21 heures, les garnisons françaises sont attaquées par surprise par l'armée impériale japonaise.
[…]
Sur les 34 000 Français métropolitains présents dans la région, plus 12 000 militaires d'origine métropolitaine, plus de 3 000 sont tués en moins de 48 heures, dont le paléontologue français Josué Hoffet. L'administration coloniale française est détruite de fait. Les postes militaires français à travers toute l'Indochine (Annam, Tonkin, Cochinchine, Laos, Cambodge) sont touchés. Les troupes japonaises prennent notamment les citadelles d'Hanoï et de Lạng Sơn et y massacrent les Européens et les troupes annamites, malgré les promesses faites en cas de reddition. Des camps de prisonniers sont créés pour y parquer civils et militaires. À Hanoï, les généraux Mordant et Georges Aymé commandent la résistance, mais celle-ci doit finalement capituler au bout de quelques heures.

Au Tonkin, le général Sabattier, méfiant, a transféré peu avant le coup de force son poste de commandement hors d'Hanoï, tout en mettant en garde son subordonné le général Alessandri. Tous deux dirigent une résistance de quelques milliers d'hommes. Une partie des troupes françaises est faite prisonnière, tandis que d'autres « prennent le maquis », l'armée japonaise mettant à prix chaque militaire français échappé, pour 1 000 piastres chacun. Les groupes français, baptisés plus tard « colonne Alessandri », parviennent en Chine, où ils se mettent à la disposition de la Mission militaire française en Chine.


illustration : Henri Nège

Les Européens sont parqués dans le camp de Hoa Binh : travaux forcés, paludisme, dysenterie. Les six mois de captivité se soldent par plus de 1 500 disparus. Les prisonniers indochinois sont utilisés comme bêtes de somme par les troupes japonaises en opération et meurent par centaines, de mauvais traitements.
Cette opération désorganise complètement l'administration coloniale. Tout en mettant en place sa propre administration militaire, le Japon décrète la fin de la colonisation française, encourageant la formation de régimes nominalement indépendants, dans le cadre de sa sphère de coprospérité de la grande Asie orientale. L'empereur Bảo Đại obtempère et collabore avec les Japonais, proclamant l'indépendance de l'Annam et du Tonkin sous le nom d'empire du Việt Nam.

L'administration française est cependant maintenue par les Japonais en Cochinchine, dont le rattachement au Việt Nam n'est proclamé qu'en août.

Le 15 mai, le général Tsuchihashi déclare les opérations terminées et redirige une partie des forces japonaises vers d'autres fronts.
(réf Wikipédia)

Témoignage d’un prisonnier au camp de Hoa Binh (où a été interné le commissaire Mousist)

« Le 30 juin 1945 à midi, nous partons à pied et atteignons vers 23 heures le Camp de Hoa Binh, situé à une cinquantaine de km au sud-ouest de Hanoï. Nous passons la première nuit dehors et sans abri et nous nous installons dans le camp le lendemain.

COMMENT ETES-VOUS LOGES ?
En fait, il y a à Hoa Binh plusieurs camps. Celui où nous sommes est clôturé et gardé par des sentinelles installées dans des miradors. Nous logeons dans de grands abris dont les toits en bambou recouverts de feuilles de latanier descendent jusqu'à environ 1,50 m du sol. Nous couchons les uns à côté des autres sur de longs bat-flanc en bambou tressé disposés à 50 cm au dessus du sol. Il n'y a pas de murs et les sentinelles peuvent de ce fait nous surveiller en permanence.

 COMMENT ETES-VOUS NOURRIS ?
Le matin avant le travail, une soupe à base de riz et d'ignames, à midi 30 à 40 grammes de bouillon de riz et d'ignames et le soir la même chose. De temps en temps un peu de thé.

QUELLES SONT LES CONDITIONS D'HYGIENE ?
Inexistantes. Pas d'eau, il faut la prélever dans un arroyo voisin et des feuillées très rudimentaires.

LES JAPONAIS CHERCHENT-ILS A VOUS ENDOCTRINER ?
Si l'on veut, mais cela se résume à :"Vous pas penser, vous ici pour travail."

QUEL EST L'EMPLOI DU TEMPS D'UNE JOURNEE ?
Lever à 6 heures, soupe à base de riz et d'ignames. A 6 heures 30, départ pour le chantier. Au passage, nous prélevons de l'eau dans l'arroyo.
Arrivée au chantier une demi-heure après et début des travaux.

EN QUOI CONSISTE VOTRE TRAVAIL ?
A débroussailler le terrain, niveler le sol, avec des outils à main très rudimentaires et en mauvais état et à construire un pont pour permettre la progression des camions. Nous devons pour cela porter des charges très lourdes, en particulier des madriers, dans les marécages, avec de l'eau jusqu'à la poitrine. Nous sommes en plein été et la chaleur humide est presque impossible à supporter.

QUELLE EST LA DUREE DU TRAVAIL ?
11 à 12 heures par jour, avec une demi-heure de pause à midi, pour déjeuner, ce qui est un bien grand mot, puisque cela consiste en un bouillon de riz avec 30 à 40 grammes d'ignames.

QUELQUES MOTS DES BRIMADES ET AUTRES PERSECUTIONS PHYSIQUES ?
Des rappels à l'ordre fréquents et des coups de matraque.


DES TENTATIVES D'EVASION ET LEURS CONSEQUENCES ?
Elles sont punies de mort. Deux eurasiens se sont évadés. Les Japonais nous disent qu'ils ont été repris et fusillés, mais nous ne les croyons pas. Un jour, un autre eurasien quitte le groupe pour aller chercher du ravitaillement. A son retour, il est pris par les Japonais qui l'attachent toute la journée à un arbre, les mains derrière le dos et une corde autour du cou. S'il vient à se relâcher, il est étranglé par ses liens. En fin de journée, il est décapité devant tous les prisonniers rassemblés. Ceux-ci commencent à manifester leur indignation mais, les fusils mitrailleurs des miradors étant brusquement braqués sur eux, les contraignent au silence.


POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DES MALADIES ET DE LA FACON DONT VOUS ETES SOIGNE ?
Les maladies sont surtout les maladies dites "coloniales", béribéri, paludisme et ses complications, dysenterie et tout ce que cela implique, typhus, plaies infectées, gangrène, aggravées par la forte chaleur, les sangsues, la pollution de l'eau, l'absence totale d'hygiène et le manque de médicaments. Un médecin de la marine, sans moyens, dirige ce qui n'a d'infirmerie que le nom. Son assistant, baptisé infirmier, m'administre un jour une dose de teinture de belladone si forte que j'en perds pendant 24 heures la vue et la raison.

Les morts et les malades sont de plus en plus nombreux et les Japonais refusent toute hospitalisation, de peur que l'on sache ce qui se passe à l'intérieur des camps de Hoa Binh.

QUELLES SONT LES CIRCONSTANCES DE VOTRE LIBERATION ?
Le 10 août, une rumeur provenant de la ville indochinoise circule, une grosse bombe a éclaté. Peu de temps après les Japonais nous réunissent et nous déclarent : "Français et Japonais très fatigués, arrêter travail". Le 25 août, nous partons en camion pour Hanoï et arrivons à la Citadelle à 23 heures.

COMBIEN DE TEMPS A DURE VOTRE SEJOUR A HOA BINH ?
56 jours.

QUEL AGE AVIEZ-VOUS ?
22 ans.

QUEL ETAIT VOTRE ETAT DE SANTE LORS DE VOTRE RETOUR A HANOI ?
Considérablement amaigri, gravement atteint par la dysenterie et le paludisme, à bout de forces, certain de mourir sous peu, pour ne pas dire "crever".

QUEL ETAIT VOTRE POIDS NORMAL ET VOTRE POIDS AU RETOUR ?
Initialement, je pesais 74 Kilos, mais j'avais déjà perdu du poids au cours de la progression épuisante dans la jungle et à la Citadelle. Au retour de HOA BINH, mon poids était de 40 kilos environ. .

A QUELLE DATE AVEZ-VOUS ETE OFFICIELLEMENT LIBERE ?
Il n’y a pas eu de libération. Les sentinelles japonaises ont disparu le 18 septembre 1945.