vendredi 8 juin 2018

Les premiers commissaires ordonnateurs de l’air (épisode 5 : 1944)

par le commissaire général (2S) François Aubry

L’Intendance de l’air en 1944 est caractérisée par un morcellement qui va s’estomper très rapidement après la Libération.

Un service dispersé par la guerre.

Les exigences allemandes conduisent le service, particulièrement en zone nord (ex zone occupée), à modifier son organisation pour essayer de se faire oublier de l’occupant. Les éléments implantés en 1943 déménagent et sont rebaptisés au sein d’une « section Air de l’échelon de l’Intendance (terre) au sein de la délégation des services de liquidation de la défense terrestre ». Début février, les « agents civils » Bardet, Cognault et Basset sont mis en service détaché pour une mission « hors cadre » qui va durer six mois.


Dans le sud, en 1ère région aérienne,  la direction de l’intendance de l’air  est transférée - pour quelques mois - d’Aix-en- Provence à Lyon (Ecully) et l’IBA de Salon trouve refuge à Carpentras. L’administration s’adapte tant bien que mal aux combats qui se déroulent désormais sur le sol de France. Si une commission un peu surréaliste se penche sur les mesures de simplification de la documentation administrative en matière d’intendance (1), l’EMAA donne des directives fermes pour un microfilmage d’urgence des pièces matricules individuelles menacées de disparition pour cause de bombardements.(2).

L’organisation des concours de recrutement étant devenue impossible, une intégration sur simple stage probatoire, du 1er janvier au 15 avril 1944, permet au Commandant De Raguenel* ainsi qu’aux capitaines Hourlier et Vayron d’intégrer le corps des commissaires de l’air sans délai.
Fernand Grenier

Alors que le service se délite en métropole, en Algérie au contraire il poursuit son essor en s’affirmant progressivement comme une solution de rechange. L’intendant Perret quitte l’armée de terre définitivement pour être promu commissaire général le 25 juin. Le même jour, il est nommé « directeur de l’administration et du budget » (DAB) auprès de Fernand Grenier, « ministre de l’air » du GPRF (dénommé "commissaire à l'air"). (3)

André Faulque
Sur d’autres terrains, le service s’implante à Brazzaville (AEF), l’IBA étant dirigée par le capitaine Jean Joannopoulos qui vient de l’IBA de Rabat. Sortant de l’ESI d’Alger (voir épisode 4), le CO3 André Faulque part pour une campagne d’un an qui le mènera en Sardaigne en mai, puis en Provence au moment du débarquement et enfin en Allemagne.  En décembre, le CO3 Jean Lamouille est chargé d’organiser l’intendance à la section air du commandement des services du 1er Corps aérien français (4). Parti de Besançon, il se retrouvera lui aussi en Allemagne et accompagnera les transformations de son unité en première division aérienne (1ère DIVAR) puis en Premier corps aérien tactique (1er CATAC).

Louis Gaetan
Seule l’ESI d’Alger forme des commissaires en 1944. Outre André Faulque, Louis Gaetan et André Deat suivront cette formation, également accélérée. Pierre Garde, qui deviendra commissaire du cadre auxiliaire en 1955, fait également partie de cette promotion mais au titre de l’armée de terre.  Cette même année 1944, le commissariat de l’air adopte le mode de recrutement des « commissaires auxiliaires attachés » (5), démarqué de l’intendance militaire.
André Déat
Une reconstruction rapide après la Libération.

A peine la base aérienne de Villacoublay évacuée par les Allemands début septembre 1944 (et investie aussitôt par les Américains), quelques éléments précurseurs de la DAB sont transférés à Paris par voie aérienne. A Balard (6), ils trouvent le capitaine Roynette qui, avec des techniciens récupérés à Vichy, est à l’œuvre pour payer dans l’urgence les soldes de quelques milliers d’aviateurs parisiens.

Charles Tillon
Une des premières décisions du nouveau ministre de l’air, Charles Tillon ayant succédé à Fernand Grenier, est de créer une « direction de l’intendance et de l’administration de l’Armée de l’air » (DIAAA), naturellement confiée au commissaire général Perret. Alors que trois ans plus tôt le SAAA comportait seulement trois sections (cf. épisode 2, 1941), la DIAAA en comporte dix, les deux dernières concernant les Pensions et l’Etat-civil.

Une intense activité réglementaire caractérise les premiers mois d’existence du nouveau service. Mais le climat reste lourd, et pour plusieurs mois encore, par suite d’une remise en cause systématique des promotions signées par Vichy après novembre 1942. Les officiers restés en France passent devant une commission d’épuration pour justifier leur comportement de « non résistant ». Quelques commissaires subiront un retard dans leur avancement mais aucun ne fera, semble-t-il, l’objet d’une mesure d’élimination.

Jules Bourcet
Dès le 1er octobre 1944, l’Armée de l’air retrouve son découpage en quatre régions aériennes : Dijon, Paris, Toulouse (transférée à Bordeaux le 1er décembre) et Aix (retour début décembre après un bref passage à Lyon Ecully- voir ci-dessus).  Des CO1 (colonels) sont à la tête des directions des intendances de l’air en région : Serge Habert*, Gaston Bardet, Charles Rouganiou* passant de Toulouse à Aix une fois les deux déménagements précités effectués. Des directions d’Intendance sont créées à Londres (Cre Salaüe), Beyrouth (Cre Bourcet) et  Hanoï, cette dernière ouverte seulement deux ans plus tard.

Les IBA sont modifiées en métropole : Une IBA est créée en 1ère RA (Nancy) et une en 2ème RA (Paris II) tandis que Tours change de région aérienne en passant à la troisième ou encore l’IBA de Limoges est dissoute et transférée à Bordeaux le 25 octobre. Les IBA de Chartres et de Rennes sont prévues en 1944 mais n’ouvriront que l’année suivante.  En 4ème RA, l’Intendance de Salon est dissoute au profit de celle de Marseille.

Outre-mer des IBA sont prévues à Djibouti, Hanoï et Saïgon mais leur mise en place sera différée. Par contre une intendance de l’air fonctionne à Brazzaville (Cre Joannopoulos) et à Tananarive.

L’apparition d’une filière « matériel ».

Pendant la guerre les activités de l’Intendance de l’air ont surtout concerné le domaine financier (budget, solde, liquidation et tenue des comptes). Une ambitieuse organisation se met en place en décembre 1944 visant à la création systématique de magasins régionaux d’habillement/MRH (7). Les établissements spéciaux de la DIAAA à Chamalières et Alger sont pérennisés. Mais les MRH, dont la création incombe aux commandants de région, fleurissent partout. En métropole à Dijon, Paris, Bordeaux, Aix mais aussi outre-mer à Dakar, Brazzaville, Tananarive et Beyrouth. La plupart ont un « magasin annexe » ou une « annexe de magasin » implantée dans la même région aérienne.

L’accent mis sur la fonction matériel se constate aussi au niveau central où un service technique important est créé à la DIAAA. Outre ses quatre bureaux, ce service dispose d’un dépôt des modèles et d’un laboratoire d’habillement, installés tous deux à Paris.

L’année 1944, qui a commencé pour le service dans une grande confusion, s’achève avec la mise en place de structures qui, à l’exception des CATA (centres administratifs territoriaux de l’air) apparus seulement en 1951, seront déjà celles du futur commissariat de l’air.

Pour le corps des commissaires, un ambitieux projet - encore d’inspiration très « intendance »  et comprenant 263 commissaires - est dans les cartons mais ne verra jamais le jour. Pour l’instant, ces commissaires ne sont juridiquement que 25 (8), mais on peut en dénombrer une quarantaine si on ajoute ceux qui font « fonction de commissaire » et qui vont bientôt intégrer le corps.

*biographie déjà diffusée
1/ note 1776 du 5 septembre 1944
2/ note 950/ SGDA du 3 juin 1944 sur le microfilmage dans les centres administratifs.
3/ Décret du 19 mai 1944  (art 6) fixant l’organisation du Commissariat à l’air (fonction politique; ne pas confondre avec commissaire de l'air), dont le titulaire est Fernand Grenier, représentant du PC auprès du général de Gaulle.
4/ Le 1er décembre 1944 est créé le 1er Corps aérien français, mis à disposition de la 1ère Armée du Gal de Lattre, à partir des éléments de l’Armée de l’air qui opéraient depuis le mois de juillet de la même année dans le cadre d’un Tactical Air Force américain (XIIème) sous la conduite du Gal Paul Gérardot.
5/ En 1944 est créé un « cadre auxiliaire des commissaires de l’air » et un cadre des « attachés à l’intendance de l’air »
6/ site du ministère de l’air avant la guerre
7/ instructions 1112 et 1113 /DIAAA/1 du 16 décembre 1944
8/ Existant proche du nombre autorisé par les lois de finance (24)