mardi 29 mai 2018

Les premiers commissaires ordonnateurs de l’air (épisode 4 : 1943)

par le commissaire général (2S) François Aubry

Longtemps, la mise en place de l’intendance de l’air est restée à l’abri des aléas de la guerre. Malgré les changements successifs de « ministres de l’air » (généraux Bertrand Pujo, Jean Bergeret et Jean François Jannekeyn), l’institution a continué à se développer sans heurt jusqu’au débarquement du 8 novembre 42.

Au contraire, à partir de cette date, son évolution devient étroitement tributaire du contexte politico-militaire. Progressivement, l’intendance de l’air va apporter une contribution majeure dans le difficile amalgame entre l’armée de l’air de l’Armistice, l’armée de l‘air d’Afrique et celle de la France Libre.
Comme dans d’autres domaines, des processus développés à Vichy reviendront à Paris au moment de la Libération, après avoir vu leur pertinence confirmée par Alger.


L’Intendance de l’air à Vichy

L’ancien projet de créer en zone occupée une intendance assimilée à une direction régionale voit le jour à Paris le 1er janvier 1943. A cette date, le commissaire Bardet s’installe 35, rue Saint Didier* avec le titre de « directeur de l’intendance de l’air en zone nord ». L’un de ses objectifs est de rapatrier dans l’armée de l’air le paiement des soldes des aviateurs de la région parisienne qui était traité depuis l’armistice par… l’Intendance coloniale.

De manière plus significative, Gaston Bardet met rapidement en place trois intendances de l’air locales. La première à Dijon le 15 mars, est confiée au commissaire Cognault. La deuxième à Tours, à la même date, est confiée au commissaire Tardy. La troisième est créée à Paris le 1er septembre, dirigée par le commissaire Cognault qui doit quitter Dijon moins de six mois après y être arrivé.
L’ouverture des IBA (1) de Dijon et Tours nécessite d‘en supprimer deux autres, qui seront Châteauroux et Orange. Les dossiers de Châteauroux sont repris par la nouvelle IBA de Tours tandis que son chef, le commissaire Talidec, va diriger l’IBA de Limoges. L’IBA de Salon prend le relais d’Orange, son chef de service, le commissaire Basset, allant épauler le commissaire Cognault à Dijon.

Au niveau central, les choses évoluent aussi rapidement. Le déficit en personnel qualifié pour diriger le nouveau service amène le SEA (2) à demander un renfort de six commissaires de la marine à l’Intendance maritime (3). : trois CO1 pour prendre les directions régionales à la place des intendants militaires ou occuper le poste d’adjoint au SAAA (4) et deux C02 pour armer la section « pensions » du SAAA qui reste toujours en attente. Il est convenu que les volontaires pourront bénéficier d’un changement d’armée en devenant rapidement commissaires de l’air.

Au final, le bureau pension restera encore sans titulaire mais trois CO1 vont se présenter : Paul Rouganiou** qui remplace l’intendant Ousset à Toulouse le 23 juillet et deviendra commissaire de l’air, X. Roulleau à la direction d’Aix et qui repartira vers la marine plus tard ainsi que Raymond Sourrieu. Ce dernier est nommé commissaire ordonnateur de l’air de 1ère classe le 30 octobre et succède à l’intendant Dufait qui retourne dans l’armée de Terre. Compte tenu de son ancienneté dans la marine, le commissaire Sourrieu est nommé commissaire général le 1er décembre 43 et devient ainsi le premier commissaire général de l’armée de l’air. Il fera un nouveau changement d’armée plus tard et retournera au commissariat de la marine.

Deux autres nouveaux commissaires de l’air sont nommés en 1943 en liaison avec les réformes structurelles en cours. Daniel Cognault** comme on vient de le voir pour Dijon (CO3 le 23 avril) et Joseph Perret** (CO1 le 13 avril) comme on va le voir pour Alger.

L’intendance de l’air à Alger.

Gal Bouscat
Le 23 mars 1943 marque une date dans l’histoire du commissariat de l’air avec deux  décisions  lourdes de conséquences à terme :
- le changement d’armée de l’intendant Perret qui devient commissaire de 1ère classe.
- sa nomination comme « directeur de l’intendance et du budget de l’armée de l’air » auprès du commandant de l’aviation d’Afrique, le général Bouscat. Une fois le CFLN (comité français de libération nationale) instauré, cette fonction sera pérennisée sous le titre de « directeur de l’administration et du budget de l’armée de l’air » (5).

L’énumération des mutations effectuées dans les intendances d’Afrique du nord en 1943 dépasse le cadre d’un article de synthèse. On doit cependant relever que des intendances de l’air apparaissent cette année-là en Grande Bretagne et à Beyrouth. Les opérations aériennes à partir de la Corse sont également accompagnées, du 4 décembre 1943  au 30 janvier 1945, par un officier d’administration, Pierre Lafuente, qui passe CO3 (commandant) le 25 juin 1944. Il peut donc, à juste titre, être considéré comme « le commissaire de Saint-Exupéry ».

L'ESI de retour à Paris


Cre Brin
La Méditerranée ne coupe pas seulement l’Intendance de l’air en deux tronçons. L’ESI se retrouve partagée elle aussi, une partie repliée en Algérie tandis qu’une autre réintègre ses locaux parisiens le 13 août 1943, où Maurice Bitouzet et Auguste Brin vont poursuivre une scolarité débutée à Marseille l’année précédente. Henri Jouet, ancien pilote sous-officier devenu officier d’administration, intègre l’ESI à Paris le 15 septembre.

Cre Jouet

Au moment où s’achève cette année cruciale, un ancien marin dirige l’Intendance de l’air en métropole (Sourrieu) tandis qu’un ancien « terrien » la dirige en Afrique du nord (Perret). Tous deux cependant sont des commissaires ordonnateurs de l’air, même si c’est de fraîche date.
( à suivre)




*Devenu ensuite le siège de la gendarmerie nationale
**cf. articles sur ce site
1/ Intendance des bases de l’air
2/ Secrétariat d’État à l’aviation
3/Lettre 194/SPA du 26 février 1943 du Secrétaire d’Etat à l’aviation au Secrétaire d’Etat à la marine
4/ Service d’administration de l’Armée de l’air
5/ Ordonnance générale 3040 du 30 juin 1943

Références : SHD AI 3 D 82 ; AI 3D 278 ; dossiers individuels.