vendredi 20 avril 2018

Les premiers commissaires ordonnateurs de l’air (épisode 2 : l’année 1941)

par le commissaire général (2S) François Aubry

Au mois de janvier 1941, il n’y a pas encore d’intendant de l’air et il ne peut y en avoir tant que le statut du nouveau corps n’a pas été publié. Cependant, malgré les ambiguïtés nées de cette situation, la mise en place de la réforme est  poursuivie  au pas de charge.

Bloch MB-152 Armée de l'air 1941 (SHD)
La naissance du SAAA

Une direction de service rattachée à l’EMAA se constitue au cours du mois de mars. Prévu par les textes organisant le Secrétariat d’État à l’aviation, le SAAA (service d’administration de l’Armée de l’air) voit ses modalités d’organisation et de fonctionnement précisées (1). Son directeur est désigné en la personne de l’intendant militaire de 2ème classe André Dufait (2), cheville ouvrière du projet depuis plusieurs mois.
Installé à Bellerive, dans la proche banlieue de Vichy, le nouveau service accueille presqu’aussitôt un jeune sous-lieutenant qui n’a pas pu rejoindre son affectation à Djibouti pour cause de guerre. Muté à la section solde/déplacements, l’« agent de troisième classe » Daume  achèvera sa carrière trente ans plus tard à la tête du commissariat de l’air.


L’extension vers l’Afrique

En même temps que le SAAA se développe, une extension du service est décidée le 4 mars avec consigne aux personnels désignés d’être en place dès le 10 mars (3). En métropole (zone libre), une nouvelle IBA (intendance des bases de l’air) est créée à Orange, alors qu’à Clermont-Ferrand arrive le capitaine Pierre Barthélémy dont on ne sait rien de précis, sinon qu’il a intégré ensuite le commissariat et terminé sa carrière au grade de colonel. Peu de temps après, les intendances des bases seront classées en trois catégories, leur organisation interne étant partout identique mais leur effectif variant entre 14 et 21 selon leur catégorie (4).

Mais l’apport principal de la note du 4 mars concerne l’Afrique du nord avec la création de six nouvelles « intendances des bases ». Une direction de l’intendance à Alger, mise à la disposition du général Odic, commandant supérieur de l’Air en Afrique du nord, supervise l’ensemble. L’intendant militaire de 2ème classe (Lt-col) Joseph Perret (5) en prend la tête à 48 ans. Il a pour adjoint un autre intendant militaire, de réserve, remplacé le 1er août par un pilote, le commandant Caillat.  Ce dernier succèdera au commissaire général Perret en 1950 à la tête du commissariat de l’air.

Marcel Mercier
Sur les six intendances des bases, deux sont créées en Algérie, à Alger (1ère catégorie) et à Oran (3ème catégorie). Pour la première, Marcel Mercier, un autre intendant de l’armée de terre, d’un grade équivalent à capitaine de réserve, est nommé chef de service. La seconde est dirigée par le capitaine Pierre Vayron, assisté du lieutenant Raoul des Pommare. Tous intégreront le commissariat.
Pierre Vayron


Serge Habert
Laurent Salaüe













S’ajoute une intendance de 2ème catégorie à Tunis, où le chef de service est aussi un futur commissaire de l’air, le capitaine Laurent Salaüe. Enfin, au Maroc, trois autres services complètent le dispositif : une intendance de 2ème catégorie à Rabat et deux de 3ème catégorie à Meknès et à Marrakech. A Rabat, le chef de service, le commandant Serge Habert (6), ancien pilote et commandant, ainsi que son chef des bureaux, le lieutenant Jean Joannopoulos, ancien aérostier, deviendront commissaires de l’air.

Jean Joannopoulos
L’Afrique du nord sera un vivier important pour le futur commissariat de l’air, tous ceux ayant intégré en 1941 finissant au moins au grade de colonel.

Sur proposition de l’intendant Dufait, chef du SAAA, à la suite d’une inspection sur place, une autre novation consistera à doter les trois commandants de l’air en Afrique du nord d’un bureau spécial de comptabilité, en leur accordant un pouvoir de délégation dans le domaine de la surveillance administrative de leurs unités.

A ce stade, les autres territoires d’outre-mer ne sont pas encore concernés par la réforme. Il faudra attendre le 1er Janvier 1942 pour que l’intendance de l’air commence à prendre le relais de l’intendance coloniale dans ces territoires éloignés. Pour certains, le transfert doit attendre 1947,  mais c’est l’AOF qui ouvrira cette voie avec la création d’une direction de l’intendance confiée au capitaine Tanguy qui a fait partie de la première vague des capitaines « faisant fonction d’intendant ». A peine muté à la direction d’Aix (7), il est, avec le capitaine Adrien Basset, le premier officier de l’Armée de l’air à pouvoir suivre les cours de l’Ecole supérieure d’intendance.  Repliée à Marseille après la défaite, l’ESI assure une première scolarité dans sa nouvelle implantation du 31 mars au 13 décembre 1941.

Le projet d’extension en zone occupée

Dès le mois de novembre 1940, le général Bergeret, Secrétaire d’Etat à l’aviation, avait obtenu que son ministère dispose d’un représentant permanent à Paris, installé dans les locaux de l’ancien ministère de l’air. A compter du 30 novembre, le « sous-agent de 1ère classe » Hérichard y représente le SAAA.

En mai 1941, un « centre administratif  parisien» dont une instruction fixe l’organisation et le fonctionnement (8) permet, avec trois puis six personnes, de commencer à entreprendre des actions significatives. En octobre 1941, les familles sont autorisées à rejoindre l’échelon précurseur et un « autorail gouvernemental » permet, en quatre heures, une liaison hebdomadaire entre Paris et Vichy.

 C’est le 11 octobre 1941 que le capitaine Roynette (9) est mis à la disposition du centre administratif parisien. Sa mission consiste à faciliter, au profit du 1er bureau de l’EMAA installé à Vichy,  les relations avec les personnels de l’armée de l’air (ou leur famille) présents en zone occupée. Le SAAA a d’autres soucis et reste encore en retrait sur cette évolution mais en fera une priorité l’année suivante.

Au bilan,  l’année 1941 est particulièrement favorable au service. La loi de finances a ouvert, le 29 mars, 12 postes supplémentaires, portant ainsi à 24 les possibilités de recrutement d’intendants de l’air. Si, faute de statut, ces droits ne peuvent encore se transformer en existants, l’année 1942 s’ouvre néanmoins sous les meilleurs auspices.
(à suivre)

1/ Article 3 de la loi du 30 septembre 1940 créant le SAAA et instruction 1363 du 19 mars 1941 fixant ses modalités d’organisation et de fonctionnement.
2/ Décision n°1100 / SPAA du 5 avril 1941 (SPAA : service du personnel de l'Armée de l'air, gérant à l'époque les Intendants de l'air)
3/ Lettre n°730/ SPAA du 4 mars 1941 relative au personnel de l’intendance de l’air.
4/ Décision n°3610/ EMAA /1 du 21 août 1941.
5/ Cf. notre article de septembre 2013
6/ Cf. notre article d’octobre 2017
7/ Cf. l’épisode précédent (1940)
8/ Instruction 2200 du 10 mai 1941sur l’organisation et le fonctionnement du Centre administratif parisien
9/ Officier qui laissera son nom à un recours devant le Conseil d’État


Sources : SHD AI 3D 138, SHD AI 3 D 282, SHD AI 3 D 73