mercredi 7 mars 2018

ECA : la 2ème année à Aix (suite)

Si les souvenirs de nos anciens relatifs à cette deuxième année de scolarité à Aix-en-Provence peuvent varier sur les détails, l'impression globale est majoritairement partagée, marquée par le plaisir de mener à nouveau - et une dernière fois - une vie d'étudiant, avant d'entrer dans le vif du sujet et de rejoindre les unités de l'Armée de l'air, en métropole et en Algérie.

Un sentiment de liberté
Commissaire général (2S) Jean de Broca (ECA 54)


Il est dur de nous solliciter sur des faits de plus de 60 ans. Notre meilleur souvenir partagé par toutes les promotions qui ont connu la 2ème année à Aix, c’est un sentiment de liberté ressenti par des étudiants, rémunérés, dans une ville universitaire exceptionnelle, surtout après une première année très militaire. Les souvenirs précis ne sont pas toujours au rendez-vous et pas de traces écrites de cette période.


Notre promotion n’ayant pas bénéficié, comme la 53 l’année précédente, de l’hébergement en cité universitaire, nous avons pris à notre arrivée en septembre 55 des chambres d’étudiant en ville et, pour une majorité, dans des hôtels particuliers de l’aristocratie aixoise. Certes, c’étaient des chambres de bonne modernisées mais avec un certain charme et bien placées en centre ville. Avec mes camarades Collobert et Gillard-Chevallier, nous avions 3 chambres rue du 4 septembre, à 50 m du cours Mirabeau !
Nouveau cercle

Pour les repas, nous avions accès au restaurant universitaire de la faculté des Lettres, d’assez bonne qualité. Bonne ambiance pour des étudiants « attardés ». Nous allions parfois, à de très rares occasions, à l’ancien Cercle mixte, sur le boulevard extérieur, avant qu’il ne soit transféré au printemps 56 dans un nouveau site  (lui-même détruit dans les années 2000 et remplacé par la sous-préfecture d'Aix).

Nous allions très peu à Salon et, pour cette raison, nous n’avons pas souvent vu le directeur de l’école, le commissaire Graffard et surtout nous n’avons pas côtoyé nos anciens (la 53) ni nos successeurs (la 55), ce qui a changé en 1972  avec le regroupement à Salon. On peut regretter de n'avoir pas partagé nos expériences respectives, même si nous avons invité une fois au restaurant la promotion 55. De même, nous n’avons eu des contacts qu’en première année avec les autres élèves, nos futurs collègues PN, mécaniciens et basiers.




Ces deux années d’école, c’était le jour et la nuit 
par le commissaire général (2S) Jean-Louis barbaroux (ECA56)

Contrairement à ce que prétend le commissaire général Ducassé*, je ne suis nullement atteint de déliquescence sensorielle en affirmant que la 2e année à Aix nous est apparue comme un « éden de farniente » !

L'IEP dans sa gloire
Il est vrai que certaines promotions nous ayant succédé ont connu à Salon en 1ère année un régime moins spartiate que nous : ces deux années, c’était le jour et la nuit ! A Aix à la rentrée 57, nous nous retrouvions enfin dans une situation voisine de celle de nos petits camarades commissaires de la Marine à Toulon : externes, une solde mirifique (plus de 57000 francs par mois - Ne fantasmez quand même pas : il s’agit d’anciens francs …), un encadrement léger, et Aix, ville dont la qualité de vie exceptionnelle était encore plus agréable à l’époque que maintenant.


Vue (originale) caserne Forbin - env. années 30 Damien Pachot.jpg
www.aixendecouvertes.com ; https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr
Les cours, au programme assez aéré, se déroulaient à quatre endroits différents :
-à l’Institut d’Etudes Politiques, créé en 1956, et installé majestueusement dans l’ancienne fac de Droit, en face de la cathédrale, pour les cours juridiques et d’anglais,
- aux Arts et Métiers, où des profs assez folkloriques mais sympathiques tentaient courageusement de nous initier à certaines technologies (bois, métaux, électricité, plastiques, chauffage-froid, papiers- cartons, etc…),
-a l’IAE, installé dans les nouvelles facultés,
-et enfin à la caserne Forbin pour les cours militaires.

Nous avons aussi effectué pas mal de visites à l’extérieur : diverses usines, le paquebot Laos, le barrage de Serre-Ponçon en construction, la Base US de Châteauroux, des établissements du commissariat, de nombreuses usines textiles à Lyon, Grenoble, en Alsace, à Romans pour le cuir, etc.,
où nous avions bonne mine en poignard et gants blancs ….

La 56 au Cercle : de g à dr: Pujo, Auvieux (pull rouge), Sebire (1er plan), Charlot, de Vivie, Bilbault (debout), Piquin, Duchêne, Jourdren, Villiers (en blanc), Rolland, Lambert, 
A Aix, notre port d’attache principal, finalement, était le Cercle des officiers, où les célibataires se retrouvaient non seulement à midi, mais le soir (c’était  gratuit, pour nous pauvres élèves, et pas mauvais !) .Nous y mettions au point nos futures sorties : soirées  dans la bonne société aixoise (le commissaire étant très recherché, notamment à des  fins matrimoniales non avouées mais certaines), bals costumés, virées sur les plages ou dans la région : notre mobilité étant assurée principalement par une flotte de scooters.
L'auteur avant une soirée habillée 

Nous partions volontiers en week-end, mais l’école avait sournoisement programmé le cours d’anglais tôt le lundi matin.  Certains se voyaient donc dans la pénible obligation de le sécher. Notre professeur de l’IEP ne sachant pas exactement combien nous étions, ce n’est que le jour de l’examen qu’elle a découvert notre effectif exact, les plus malins s’étant débrouillés pour passer les premiers …

Et Salon ? Nous y allions assez peu, pour le sport, un brin d’instruction militaire, des conférences. Notre plus joli coup a été de nous plaindre de cet éloignement et de suggérer de nous envoyer à Ancelle « pour maintenir des liens avec la promo ». Cette proposition a été acceptée à notre grande satisfaction, mais a fait réfléchir la Strass**, qui, les années suivantes, a programmé de nombreuses activités à Salon, au grand dam des promos suivantes …

-Oui, finalement, la promo 56 a gardé un souvenir ému de son année d’Aix !
-Non, nous n’étions pas pressés « d’en découdre au plus vite avec l’administration active », d’autant plus qu’on nous destinait à un stage mystérieux de deux ans comme officier des détails, et le régime d’étudiants aixois décontractés nous convenait parfaitement !

La preuve : Un jour, notre brigadier, mal inspiré, menaça de redoublement un camarade - qui, il faut bien l’avouer, ne s’épuisait pas au travail - et qui répliqua : « Mais comment, mon lieutenant, on peut redoubler ? Mais je ne savais pas, c’est merveilleux ! »

*Article de février 2018 "Cinq ans à Aix"
**Encadrement (voir article de mars 2014, L'argot du Piège, du même auteur)