samedi 17 mars 2018

Décès du préfet Lucien Vochel

Le préfet Lucien Vochel, commissaire de réserve et ancien président de l’ANCA (1979-1982), est décédé le 14 mars 2018

Né le 19 juillet 1919 à Évreux, licencié en droit et titulaire d’un diplôme d’études supérieures de lettres, il exerce à partir de 1936 la fonction de secrétaire adjoint à la mairie d'Evreux puis, pendant la seconde guerre mondiale, il occupe le poste de secrétaire général de cette mairie. Il participe dès 1942 à la lutte armée contre l'occupant.

Il occupe les fonctions de secrétaire général de la mairie d'Évreux jusqu'en 1947, année où il rejoint le Haut-commissaire de France en Indochine. De 1949 à 1951, il est en poste dans différents cabinets ministériels.


Sa carrière se prolonge ensuite comme conseiller de préfecture à Alger (1951), puis sous-préfet de l’Inini (Guyane) (1952). Il devient ensuite secrétaire général du département de Grande Kabylie à Tizi Ouzou (Algérie) (1956).

Sous la Ve République, ses affectations le ramènent en métropole. Il est tout d'abord sous-préfet de Rochefort (1959), de Valenciennes (1961). Puis il revient dans l'administration centrale comme conseiller technique au cabinet de Roger Frey (ministre de l’Intérieur, décembre 1962).

Il devient préfet de la Mayenne (1964-1967), rejoint à nouveau Paris comme directeur adjoint du cabinet de Christian Fouchet (ministre de l’Intérieur, avril 1967), puis directeur général des affaires politiques et de l’administration du territoire, puis membre des comités des programmes de radiodiffusion et de télévision de l’ORTF (en 1967).

à Marseille
Il est préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne (1970). Puis il est nommé préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et préfet des Bouches-du-Rhône (1977-1981).

Il termine ce parcours comme préfet de Paris et préfet de la région d’Île-de-France (1981-1984).

Lucien Vochel a joué un rôle particulièrement important dans la mise en place de la première loi de décentralisation en Île-de-France, faisant l'interface entre le gouvernement socialiste, le maire de Paris et le président de la région, et bénéficiant à la fois de la confiance de Gaston Defferre, son ministre de rattachement et de celles de Jacques Chirac, chef de file de l'opposition au gouvernement, et de Michel Giraud.
Admis à la retraite en juillet 1984, il devient conseiller de présidents de grandes entreprises, président d’honneur de l’association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, membre de l’Académie des sciences d'outre-mer (1992), président (1986), puis président d'honneur (depuis 2001) de la Fédération des entreprises des départements d’outre-mer (Fedom), vice-président de l’Association Valentin Haüy au service des aveugles et des malvoyants, conseiller de la Fondation ATD quart monde.

Commissaire colonel de réserve (voir interview ci-après)
A publié « Un parcours inattendu »

Grand Officier de l'ordre national de la Légion d'honneur
Grand Croix de l'ordre national du Mérite
Croix de guerre 1939-1945 ; trois citations
Médaille de la Résistance française
Médaille des évadés
Médaille aéronautique
Croix des combattants, Croix des Engagés volontaires, Médaille commémorative de la guerre 1939-1945, Croix des engagés des Forces françaises libres,
Plusieurs décorations étrangères (Italie, Laos, Tunisie).
Grande médaille de vermeil de la ville de Paris

Interview du commissaire colonel de réserve Vochel en 1979 (BLCA 7 - juin 79)


Alors préfet de la région de Provence - Alpes - Côte d'azur et préfet des Bouches-du-Rhône, nouveau président de l'association nationale des commissaires de l'air (ANCA), Lucien Vochel prend position, avec le recul et la vision générale de l’action de l’État que lui donne son statut de préfet, sur l’intérêt de la fonction de commissaire de base, avec un parallélisme avec le corps préfectoral, sur l’interarmisation ou encore sur la passerelle entre le commissariat de l’air et le corps préfectoral. Des questions toujours d’actualité.

Qu'est-ce qui vous a intéressé dans le commissariat de l'air, quand vous avez décidé d'y entrer? 

Le commissariat de l'air forme un corps qui a en charge la direction de l'administration de l'armée de l'air.
Le commissaire de l'air sur une base est le chef du service administratif : effectifs, trésorerie, matériels, comptabilité, restauration, contentieux, représentant la diversité de ses attributions. Mais ce qui me paraît le plus important, c'est qu'à la suite d'une évolution amorcée il y a quelques années, une fonction qui vivait de ses propres techniques se soit élargie à la conception d'ensemble de la vie d'une base et qu'elle donne désormais à celui qui l'exerce une magistrature pratique et permanente aux côtés et sous la direction des commandants de base. C'est un décret du 4 mai 1977 qui a concrétisé cette nouvelle situation.

La fonction d'assistant administratif et de conseiller permanent du commandant de base enrichit la mission des commissaires de base et lui donne un contenu de responsabilité intellectuellement intéressant.
La reconnaissance d'une vocation générale à l'administration des commissaires de l'air, comparable sur bien des points à celle d'administration générale du corps préfectoral, établit une passerelle entre deux activités, civile et militaire, qu'il a été tentant pour moi d'utiliser.

C'est parce que, il y a de nombreuses années, j'en avais jugé ainsi, que l'artilleur d'origine que je fus, demanda son changement d'arme et eut la chance de l'obtenir.

Pourquoi avez-vous été amené à occuper la présidence de l'ANCA ? 
Je n'avais jamais pensé à poser ma candidature au bureau ni, à plus forte raison, à la présidence. Une circonstance a changé le cours des choses.

Lors de la célébration du 25ème anniversaire de la création de l'école du commissariat, l'an passé (1978), à Salon, le général Saint-Cricq (CEMAA) de même que le commissaire général Daume, mon prédécesseur, et le commissaire général Huguet qui était à cette époque le directeur central du commissariat de l’air m'ont incité à assumer cette responsabilité au moment où le général Daume cesserait de l'exercer. Cette incitation est à l'origine de mon élection.

Pourquoi un commissariat de l'air ? Et pourquoi n'avoir pas créé un service commun aux trois armées, de terre, de mer et de l'air ? 
C'est Pierre Messmer, alors ministre de la défense, qui a fusionné tous les Secrétariats d'État en un grand ministère. Cette décision de principe a mis quelque temps à entrer dans les moeurs.
Il ne faut pas oublier que l'armée est héritière d'us et coutumes anciens bien ancrés dans les esprits des militaires comme de tous les citoyens. Ces traditions ont façonné successivement les caractères spécifiques de chacune des trois armées.

Les opérations combinées qui ont créé des habitudes communes aux trois armées ont été amorcées à la fin de la première guerre mondiale. Elles ont été appliquées couramment au cours de la deuxième grande guerre.
Mais, quel que soit le degré de fusion opérationnel, il est apparu nécessaire de maintenir une Intendance, un commissariat de la Marine et un commissariat de l'Air.

Chacun de ces services est un outil rodé, efficace et dont l'adaptation aux tâches en évolution de chacune des trois armées est permanente et sans doute plus immédiate, en raison d'une dépendance structurelle, étroite, que n'aurait pas un service commun, sauf à juxtaposer trois organismes distincts, mais, dans ces conditions, autant laisser agir chacun d'eux dans son cadre naturel, celui où il se situe en ce moment.

Un certain nombre d'officiers ont été intégrés dans le corps préfectoral. Qu'en pensez-vous ? Cette carrière vous parait-elle convenir à des commissaires ? 
Je pense que la formule est heureuse. Certes, le recrutement du corps préfectoral se fait essentielle- ment par l'E.N.A. et par la nomination au tour extérieur dans une proportion de 2 sur 9 nominations faites à la sortie de l'E.N.A. Militaire ou civil, chacun sert l'État.

Je suis de ceux - de plus en plus nombreux - qui pensent qu'il ne doit pas y avoir de coupure et de moins en moins de différence d'état d'esprit et de considération réciproque entre les militaires et les fonctionnaires civils.

D'ailleurs, le concept assez récent de défense les rassemble. Ils doivent être associés, chaque fois que l'occasion s'en présente, sans réticence dans la compréhension des tâches particulières qu'ils assument en appréciant que les uns et les autres sont nécessaires au bon fonctionnement des institutions et au maintien de la sécurité collective intérieure et extérieure.
Dans cette perspective, que des officiers soient entrés dans le corps préfectoral me paraît utile.
Le passage d'une situation à l'autre se fait sans difficultés, d'autant que le corps préfectoral est sans doute l'un des corps civils les plus hiérarchisés exigeant de ses membres une disponibilité permanente et une totale loyauté. Les nominations qui ont eu lieu dans les années passées, d'officiers dans le corps préfectoral peuvent être considérées comme des réussites.

J'ai moi-même vécu cette expérience il y a 10 ans. Mon directeur de cabinet était un capitaine de l'armée de terre qui, en quelques mois, s'est affirmé comme un excellent sous-préfet. Il a, depuis, occupé une variété de postes qui le placent tout à fait à égalité avec les autres sous-préfets et assurent son avenir.
A ma demande, il y a moins de 3 ans, un commissaire colonel de l'air qui souhaitait varier ses occupations et faire une incursion dans les activités civiles, a été affecté en qualité de chargé de mission à la Mission économique régionale de la région Poitou-Charentes. La compréhension du commissaire général Huguet (DCCA) fut acquise. Ce changement de carrière put se réaliser sans difficultés. Le commissaire a très rapidement tenu avec bonheur les fonctions financière et administrative qui lui furent confiées; il est d'ailleurs toujours dans le même poste où sa collaboration est appréciée par mon successeur.

Quelle est la portée des décisions prises au sein de l'association nationale des commissaires de l'air ? Pourquoi un réserviste préside-t-il cette association ? Quelles sont ses prérogatives ? 
L'association regroupe les commissaires de l'air, d'active, de réserve et les retraités.
Son but essentiel est d'affermir des liens entre les membres d'un corps recherchant à promouvoir l'amitié sous les formes pratiques de rencontres, de voyages, de visites de monuments, de fêtes auxquelles les familles sont associées.
La publication régulière d'un bulletin de liaison - dont chacun devrait collaborer à la rédaction - donne un support réel au désir des commissaires de s'identifier dans un corps et de tenir un contact étroit entre eux par des informations et nouvelles les concernant.

L'ANCA n'a pas de prérogatives militaires. Elle n'est pas une structure de l'armée de l'air.
Mais il est bien évident que l'armée de l'air, ses activités, ses problèmes, son évolution sont la toile de fond dans nos rencontres puisque, quelle que soit la position des membres de l'association, active, réserve, retraite, ceux-ci sont liés à elle. Ils en parlent, évoquent des souvenirs attachants et' imaginent, même dans leurs distractions, comment ils peuvent enrichir son image et sa réputation.
Mon élection correspond à une volonté affirmée d'assurer l'alternance entre active et réserve. L'incitation qui m'a été donnée initialement, ayant rencontré la bienveillance des membres de l'association, c'est ainsi que j'ai été conduit à la présidence, ce qui m'honore et me réjouit tout à la fois puisque c'est pour moi une manière renouvelée d'affirmer ma fidélité à l'armée de l'air.

Accomplissez-vous des périodes de réserve ? Quand et où a eu lieu la dernière ? 
Depuis ma libération du service armé que j'ai accompli en plusieurs fractions entre 1940 et 1945, j'ai assez régulièrement accompli des périodes, mais au fur et à mesure de l'élargissement de mes responsabilités administratives, il m'a été de plus en plus difficile de m'absenter longuement.

Aussi, ai-je eu besoin de la compréhension des autorités militaires pour agencer des journées consacrées à l'instruction. La dernière fois, c'était en avril ou mai 1977. Le commissaire général Huguet m'a proposé de me mettre en situation dans l'emploi que je devrais occuper, en cas de mobilisation. Ainsi, suis-je devenu l'adjoint au directeur central du commissariat de l’air. Avec tous les sous-directeurs, j'ai ouvert des dossiers. Avec la confiance du directeur central, j'ai signé des textes qui furent appliqués par les commandants de base.
Cette dimension réelle donnée à ma dernière période l'a parée d'un intérêt évident, quitte à ce que les décisions prises et désormais exécutées aient pu donner lieu sur le terrain à des discussions, car il s'agissait notamment de modifications d'effectifs du service.

Quel style donnerez-vous à votre présidence ? 
Cre général Daume
Je succède avec humilité au Général Daume lequel, avec l'ardeur et l'imagination qu'on lui connaît, avait donné un relief particulier à sa présidence. Issu de l'armée de l'air, il en connaissait les arcanes. Il disposait d'amitiés, de concours et de moyens dont il nous fit profiter en de multiples manifestations. Les liens de cordialité entre tous les commissaires en furent renforcés.

Sans vouloir me dérober aux nécessités de la présidence, il me faut trouver un style et une manière qui concilieront les manifestations de ma présence à la tête de l'ANCA et les contraintes quotidiennes auxquelles me soumettent mes responsabilités professionnelles.
Bien entendu, j'ai requis, dès les premiers instants de présidence, le concours de mes camarades d'active et de réserve, du conseil d'administration et de la direction centrale du commissariat. Ils ont bien voulu me l'accorder.
Ainsi, puis-je déconcentrer ma confiance sans perdre de vue ce que nous avons à réussir ensemble: maintenir l'amitié entre nous, l'attachement au commissariat, la fidélité à l'armée de l'air.

Vous parlez de la fidélité à l'armée de l'air, monsieur le préfet, que représente-pour vous l'armée de l'air? 
L'armée de l'air est maintenant savante, scientifique et de haute technicité, ce qui lui donne ce caractère original et la place essentielle qu'elle tient dans notre défense, puisqu'elle est, 24 heures sur 24, la gardienne vigilante de notre indépendance et qu'elle pourrait être éventuellement la foudre contre nos ennemis.
Mais elle est, dans la société telle que nous la connaissons aujourd'hui, un instrument très riche d'évolution et de formation.
Elle offre aux jeunes gens la possibilité d'acquérir des spécialités intéressantes dont presque toutes sont directement transposables dans les activités civiles.
Vous comprendrez que pour toutes ces raisons et parce que depuis ma jeunesse je porte un vif intérêt aux choses de l'air, ma conviction, sur l'armée de l'air, soit forte et claire.