"Il y a 40 ans, l’Armée de l’air offrait aux femmes la possibilité de passer les concours d’officier et d’intégrer l’Ecole de l’Air ou l’Ecole du Commissariat de l’Air. Deux ans plus tard, en septembre 1979, après un DEA de droit, j’entrais à l’Ecole du Commissariat de l’Air avec beaucoup de fierté et impatiente de découvrir ce qui m’attendait.
J’avais passé ce concours à la suite du choix délibéré d’embrasser une carrière d’officier et de Commissaire. J’étais plus intéressée par les valeurs militaires et la participation à la défense de mon pays que par un métier juridique. Aujourd’hui, après 38 ans de vie professionnelle, dont plus de 10 ans dans le Commissariat de l’Air, je reste fière et heureuse de ce choix. Je conseille à toutes les femmes qui en ont la personnalité et l’envie de faire ce choix, car c’est une formation et une expérience incomparables parce que, quoi qu’il arrive, elles garderont toujours le bénéfice des valeurs militaires inculquées, qui les conduiront et les aideront toute leur vie.
Une scolarité exigeante mais formatrice
Revenons à l’Ecole de Salon. Accueillie chaleureusement par l’encadrement de l’Ecole du Commissariat puis rapidement remise entre les mains de l’Ecole de l’Air en charge de la formation d’officier, je découvre la promotion EA 1979, soit une centaine de camarades, dont trois autres femmes. Les femmes sont logées à la même enseigne que les hommes, la règle est identique pour tout le monde. J’apprécie beaucoup ce contexte qui mène parfois à des situations amusantes, comme lors de la distribution du paquetage : les tenues de combat sont de coupe homme et sont donc trop larges à la taille et trop serrées aux hanches, les chaussures sont trop larges et pas assez longues… Nous avions probablement l’air de guignols, mais en voyant nos camarades avec le crâne presque rasé, nous préférions notre sort. Puis nous commençons les différentes activités, et bien que le temps émousse les souvenirs, je n’en ai qu’un de pénible pour l’étudiante en droit pas du tout sportive que j’étais : les déplacements au pas de gymnastique ! Heureusement, après 2 mois, grâce aux escarpins à talons, avec lesquels il était un peu difficile de suivre le rythme, les quatre filles ont été autorisées à marcher au pas. Je remercie encore le commandant de la promotion pour cette dérogation !
Cette formation d’officier demandait de l’endurance tant physique que psychologique, et je n’en comprenais pas le fondement, comme lors des marches de nuit de 20 à 30 kilomètres dans la garrigue, appelées « parcours stimulation » (!), qui me cassaient complètement. Je m’attendais à apprendre la stratégie militaire plutôt qu’à devoir accomplir ce genre d’efforts.
J’étais dans l’erreur complète : l’Ecole nous forgeait un mental d’acier afin que nous puissions faire face à toutes les situations. Ce n’est que plus tard, dans le privé, que j’ai réalisé combien cette période avait été formatrice et précieuse, me permettant de maîtriser des situations délicates ou difficiles.
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visite du SETAMCA |

.. et donc une carrière diversifiée, riche d’expériences et aux responsabilités fortes
Survie |
Puis j’ai été nommée à la direction centrale (sous-direction du matériel), et en avril 1990, j’ai rejoint Renault. C’était le début d’une autre carrière dans le métier des achats, qui me conduira à travailler pour l’alliance Renault/Nissan, puis pour le groupe Total en 2010.
Pourquoi ce départ alors que, tout jeune commandant, on me proposait le poste de commissaire lieutenant-colonel de la base d’Evreux ? Le passage en état-major m’avait fait réfléchir à l’ensemble de la carrière de commissaire : j’avais côtoyé l’industrie et les autres armées, et je trouvais dommage d’être limitée à la seule Armée de l’air pendant encore 25 ans. Le champ d’activités était trop étroit, je cherchais plus de challenges. Forte de mon expertise achat du SETAMCA, j’ai sauté dans "l’inconnu" du privé. Tout se passa bien, même très bien, grâce à ce solide bagage de l’armée qui m’a toujours accompagné. J’étais structurée, organisée, j’avais le goût du résultat, j’avais de l’audace et je ne baissais jamais les bras face aux enjeux importants auxquels j’étais confrontée. En 2001, j’étais Directeur Achats monde pour l’alliance Renault/Nissan, et en 2003 j’étais nommée cadre dirigeant. Après 21 ans chez Renault, une opportunité s’est présentée, pour devenir Directeur Achats monde chez Total. Je suis alors partie vers d’autres challenges, à la découverte d’une autre culture.

Etre femme dans l’armée ou dans l’industrie automobile ou énergétique, « même combat » pourrais-je dire. Les années ont passé, et les femmes sont maintenant trois à quatre fois plus nombreuses à diriger, ce qu’elles doivent à leur professionnalisme et à leur persévérance.
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HCECM 2016 |
Isabelle Delarbre
*Voir également : article du 7 décembre 2013
** prédécesseur du SELOCA puis du CESCOF de Rambouillet et des PFAF Est, centre-Est et Sud-Ouest