lundi 14 août 2017

Toulouse-L’Hers : un commissaire commandant de base

par le commissaire colonel (R) François Faure (1) (BLCA 1979)

Voici une analyse détaillée de l'ancienne fonction de "commandant de base-établissement" exercée par un commissaire. Dans cet article, le commissaire laisse parler le commandant de base, lequel émet certains regrets quant aux moyens alloués et à l'autonomie réellement accordée.
A la lecture de ces regrets, on ne peut que louer l'exercice de transparence du service du commissariat de l’air au travers d’une publication maison largement diffusée,  le fameux "BLCA" (2) !



"Comment peut-on être commandant de base.... quand on est commissaire ?

Forte de ses 35 sous-officiers et de ses 50 hommes du rang (établissement et base confondus), celle-ci ne peut certes prétendre, dans la hiérarchie des bases classées suivant leur effectif, à une place d'honneur. Ses huit hectares ne la placent pas non plus à un rang très élevé, mais si l'on compare sa surface couverte à son emprise totale, la densité de ses installations la reclasse dans le peloton de tête.
Petite base par la taille donc mais dans laquelle on retrouve les structures classiques de toute base aérienne, avec les domaines traditionnels de la restauration, du logement, des transports, de la sécurité, de la promotion sociale, de la comptabilité finances et des matériels. etc ... que dirige(nt) un officier - deux quand la conjoncture est favorable.


Microcosme territorial, telle se présente la base aérienne 292 (3), qui assure le support des « opérationnels» de l'Etablissement du commissariat n°783, qui est sa justification et sa raison d'être. Il ne manque donc même pas la présence de deux grands "commandements", territorial (3ème RA) et fonctionnel (DCCA), pour que la base offre cette diversité dans la mission qui est la marque des bases à part entière.

L'EXERCICE DES FONCTIONS DE COMMANDANT DE BASE.

Dans l'histoire du commissariat de l'air, peu nombreux ont été, en définitive, les commissaires qui sont devenus commandant de base : une douzaine, peut-être (Ris-Orangis inclus), ont eu accès à ces fonctions.
Un commissaire est-il bien préparé à les exercer ?

S'il est vrai que, dans les pouvoirs exercés par le commandant de base, le pouvoir administratif est aussi important que le pouvoir de commandement, c'est-à-dire le pouvoir opérationnel et le pouvoir disciplinaire, un commissaire peut paraître, à ce titre, avoir, au départ, autant de chances qu'un P.N.
A lui d'acquérir la pratique du pouvoir de commandement.

S'il a quelque expérience de la vie militaire - et son passage sur une base, où il tient le rôle de commandant d'unité, doit l'y avoir préparé - un commissaire peut assez facilement satisfaire à cette exigence.
La découverte du domaine de la protection et de la défense, avec les exercices qui en découlent, les tâches annexes qui lui sont confiées - chef de district social, par exemple - ses responsabilités
territoriales qui le mettent en rapport avec l'Etat-major et les directions de la 3ème R.A., ajoutent ainsi une certaine variété aux attributions - forcément limitées en nombre - de directeur d'établissement.

Encore que ce dernier peut, dans une certaine mesure, avoir, en fait, quelques unes des prérogatives du commandant de base, dans les relations avec les autorités civiles et militaires de la garnison notamment.

LES AVANTAGES DU CUMUL.

A cette diversité, qui éloigne la routine, s'ajoutent, pour le directeur d'établissement-commandant de base, de plus larges possibilités d'action.
Dans une base-établissement, en effet, se trouvent réunis les moyens qui sont, en partie, séparés, lorsque l'établissement dépend d'une base extérieure.

Cette réunion et cette complémentarité présentent d'incontestables avantages :
- point de heurts ni de « frictions » entre directeur et commandant de base-support, ni - beaucoup plus fréquents - entre services ;
- point de retard dans le règlement des affaires de toute nature, administrative, technique, etc ...;
- raccourcissement des délais pour la réparation des matériels nécessaires au fonctionnement de
l'établissement ;
- sur le plan de l'infrastructure - champ d'action privilégié du commandant de base - les disponibilités en matériels et personnel permettent d'effectuer un grand nombre d'interventions qui, confiées à des moyens extérieurs, auraient traîné en longueur.

En bref, rapidité et accroissement des possibilités d'action, autant d'avantages qui sont la conséquence de l'autonomie.
Le commandant de base aide efficacement le directeur de l'établissement.

LES LIMITES DE l'ACTION DU COMMANDANT DE BASE.


Certes, ces avantages ont leur contrepartie: le commandant de la base-établissement reçoit les mêmes directives, subit les mêmes inspections, évaluations que les commandants des autres bases, est sollicité par des demandes qui souvent ne le concernent pas, envoie une foule de compte rendus sur les sujets les plus divers

Si ses moyens d'agir ne sont pas négligeables, ils ne sont pas cependant tels qu'ils puissent lui procurer « l'ivresse du pouvoir» : il subit les mêmes limitations que ressent tout autre commandant de base :
- l'ensemble des moyens lui est imposé par voie d'autorité tant sur le plan du nombre que de la qualité;
- l'automatisation de l'administration des matériels et des personnels donne au rôle du commandant de base dans ces domaines un caractère d'exécution, dans la mesure où la décision lui échappe, sentiment encore amplifié lorsque le commandant de base est directeur d'établissement ravitailleur ;
- la dépendance du commandant de base dans le choix et la réalisation de travaux d'infrastructure est également patente, sa subordination étant même accrue par le système qui met en jeu un maître d'œuvre étranger à la base, le service local constructeur (SLC).

N'évoquons pas le budget de fonctionnement qui, laminé au fil des ans, ne laisse plus au responsable qu'une marge de manœuvre infime et le choix entre des objectifs d'un coût dérisoire (4).

Tiraillé entre son désir d'action et les contraintes qui freinent ses initiatives, et les réduisent parfois à des velléités, le commandant de base doit être conscient du rôle qui est le sien et qui n'a plus grand- chose à voir avec celui confié, dans des temps plus anciens, au commandant d'un navire : il n'a plus que l'illusion du pouvoir.

En fait, comme l'écrivait il y a quelques années un de nos camarades, son rôle a évolué dans une
double direction :

- il est le représentant du pouvoir central qui l'a chargé de se rendre compte et de rendre compte du
fonctionnement d'un cycle d'exécution et de supprimer toute tendance à la déviation ou au ralentissement du rythme ;
- il a un rôle de régulation, de contrôle et d'impulsion d'un système très automatisé n'impliquant
aucune démarche de choix et de décision au niveau de la base.

L'intérêt de commander une base ne doit pas cependant être apprécié sur le seul plan du domaine d'action: il réside également à la fois dans un certain environnement, lié à la fonction, qui lui confère un attrait particulier, et dans la rareté du poste qui lui donne son prix."
Après la destruction de 2 hangars
suite à l'incendie d'octobre 1987



(1) ECA 53, commandant de la base de 1978 à 1980
(2) Voir nos articles en novembre et décembre 2014
(3) Etablissement constitué en base aérienne en 1966, rattaché à la BA 101 Francazal en 1993
(4) Voir l'article du commissaire général Louet sur le BF (mai 2015)