samedi 29 juillet 2017

Commissaire Charles Rouganiou, un marin à l’intendance de l’air

Trois commissaires de la marine, passés dans l’armée de l’air, ont contribué à forger l’identité de son commissariat : les commissaires Graffard (1) et Rouganiou, sans oublier le commissaire Sourrieu, mais ce dernier très brièvement (2).

Nous présentons aujourd’hui le commissaire général Rouganiou qui, en 41 ans de carrière militaire, fut successivement artilleur (6 ans), commissaire de la marine (22 ans) puis commissaire de l’air (12 ans).

Il est parmi les commissaires de la première génération qui ont entamé leur carrière militaire sur le front, durant la première guerre mondiale (3).



La guerre comme artilleur en France et en Syrie

Né le 28 juin 1896 à Venerque (Haute-Garonne)(4), Paul, Louis, Charles, Edouard Rouganiou (Charles étant son prénom usuel) suit ses études à Sorèze, près de Revel.  En ce début du 20ème siècle, il lui faut rejoindre Sorèze en…diligence.

Titulaire du baccalauréat, il commence des études de médecine, qu’il interrompt en s’engageant à Toulouse le 9 janvier 1915, à 19 ans, pour la durée de la guerre. Il passera plus de cinq ans dans les unités de l’artillerie de campagne, en débutant comme simple canonnier-conducteur  au 9ème RA*.

canonnier-conducteur
Affecté au 267ème RAC*  dès sa création en avril 1917, il stationne dans les Vosges sur le site du Linge qui, deux ans auparavant, avait été le Verdun des chasseurs alpins. L’échec de l’offensive Nivelle conduit à transférer ce régiment, aux ordres du lieutenant-colonel Bonnan,  en renfort du Chemin des Dames après une marche ininterrompue de 63 heures. Là, le régiment tiendra le terrain pendant 100 jours d’affilés, récompensé seulement par deux semaines de repos à Soissons (5).

A la fin de cette année 1917, le brigadier Rouganiou intègre l’école militaire de Fontainebleau qui, depuis 1912, n’est plus réservée aux polytechniciens. Il en sort sous-lieutenant à titre temporaire et reprend les opérations avec le 1er RAC dans des lieux dont l’Histoire a retenu le nom : Amiens, Noyon, Saint Quentin, Guise, Hirson (6). Son père décède brutalement en 1918 alors qu’il est au front. Au moment de l’armistice, il sert au 5ème GAC* mais il poursuit la lutte au Moyen-Orient pour réduire les révoltes nées de l’application des accords Sykes-Picot(7). Rapatrié en France, il peut enfin jouir d’un congé de démobilisation le 2 février 1920.

Le marin en mer de Chine et en Afrique du nord

Il reprend ses études mais s’inscrit en droit et passe également des concours. Il intègre l’école du commissariat de la marine le 5 octobre 1921, bien qu’il n’ait jamais vu la mer et qu'il ait vu des bateaux... seulement sur le canal du Midi. Après une scolarité d’un an seulement, le commissaire de la marine de 3ème classe (sous-lieutenant) Rouganiou est affecté à Lorient dans une unité à terre de l’intendance maritime, puis, ayant gagné un galon supplémentaire, il embarque le 29 novembre 1923 sur l’aviso Craonne.
L'aviso Craonne

1925 Shanghaï
Ce bâtiment récent de 103 hommes - mais qui fonctionnait encore au charbon ! - effectuera presque trois ans de campagne en mer de Chine, un pays où la guerre civile bat son plein sous l’œil intéressé des Etats voisins.

Rochefort 1926-28
Charles Rouganiou rentre en France par voie maritime civile en février 1926, son aviso restant en carénage à Saïgon (8). Il se voit décerner la médaille de chevalier de l’Ordre impérial du Dragon de l’Annam. Après un bref passage à Toulon, promu commissaire de la marine de 1ère classe (capitaine) en octobre 1926, il passe deux ans à Rochefort au centre aéronautique naval, puis retourne à Toulon en 1928, à la troisième flottille de sous-marins pour un séjour de deux ans.

Il revient à Toulon en mai 1935 après un bref embarquement sur le cuirassé Voltaire et un séjour plus long à l’intendance maritime de Bizerte où il passe commissaire principal en 1938 (commandant). Il y fait la rencontre, décisive pour son avenir et pour celui du commissariat de l’air, du commissaire principal Sourrieu, chef du secrétariat de l’état-major de la 4ème région maritime.

Devenu fin 1940 commissaire en chef de 2ème classe (lieutenant-colonel), il effectue d’abord un séjour de trois ans à la direction de l’intendance maritime d’Oran comme chef du service « vivres-matériels » avant de prendre la direction de l’intendance maritime de Cherbourg.

Le commissaire de l’air dans la guerre et la reconstruction

C’est le commissaire général de la marine  Sourrieu, devenu responsable du service de l’intendance de l’air encore en voie de création, qui fait appel à son ami Rouganiou  en juillet 1943 pour prendre la direction de l’intendance de la 2ème région aérienne (à Toulouse à cette époque). Sa situation est singulière car, tout en travaillant pour l’armée de l’air, il continue à progresser dans la marine en étant promu commissaire en chef de 1ère classe (colonel).

Directeur à Aix
Ce n’est qu’à la fin de l’année 1943 qu’il demande à changer d’armée, ce qui lui est accordé - non sans mal - le 1er janvier 1944. Il devient alors commissaire ordonnateur de l’air de 1ère classe (colonel). Le 1er décembre 1944, il prend la tête de la direction de l’intendance de la région aérienne à Aix, redevenue 4ème région aérienne deux mois auparavant. Le 26 mai 1945, il rejoint Paris où il est nommé directeur de l’intendance de la 2ème région aérienne. On note qu’il effectue au printemps 1952 une mission de « productivité » (sic), durant six semaines aux USA (New-York, Washington).

Balard
Promu commissaire général ordonnateur de l’air de 2ème classe le 27 juin 1951, il est appelé le 16 octobre 1952 par le directeur central du commissariat de l’armée de l’air, le commissaire général inspecteur Raymond Caillat (9), pour devenir son adjoint. Promu commissaire général de division aérienne et nommé inspecteur général du commissariat de l’armée de l’air le 1er février 1954, son parcours atypique mais toujours innovant s’achève le 27 juin 1954 à ce poste.

Marié, un enfant – Suzanne - le commissaire Rouganiou était commandeur de la Légion d’Honneur. Passionné d'Histoire et particulièrement de Napoléon et de ses campagnes, membre assidu de l’ANCA et de l’ANORAA, il décède le 14 novembre 1982 à Aureville (31320).

Nos plus vifs remerciements à Mme Suzanne Fons, née Rouganiou, pour son aide et au commissaire général (2S) François Aubry pour ses recherches au SHD (dossier  cre Rouganiou au SHD n° AI 1P 315 023) .

*RA régiment d’artillerie
*RAC régiment d’artillerie de campagne
*GAC groupe d’artillerie de campagne

1/ AMICAA 21 septembre et 4 octobre 2015 ainsi que 13 novembre 2012.
2/ Raymond Sourrieu (1891-1952) Demande à être versé dans l’armée de l’air en novembre 1942. Il est nommé commissaire général ordonnateur de l’air le 1er décembre 1943 mais réintègre la marine à sa demande le 1er octobre 1944.
3/ cf. nos biographies des commissaires Raymond Caillat, Daniel Cognault et Pierre de Broca.
4/ soit treize jours après le commissaire général Pierre de Broca dont l’AMICAA vient de retracer le parcours- article du 6 juin 2017
5/ Pierre Sendra « Historique du 267ème RAC »
6/ Gallica Historique du 1er GAC
7/ Accords secrets passés entre la Grande Bretagne et la France en mai 1916 pour se réserver des zones d’influence au Moyen-Orient.
8/ Pierre Franconie « Canonnière en Chine »  Kharthala 2007
9/ AMICAA 18 octobre 2013. Né la même année que Paul Rouganiou, Raymond Caillat est, comme lui, un ancien artilleur. Tous deux ont terminé la grande guerre avec le grade de lieutenant.