samedi 21 mai 2016

Commissaire, sous-préfet et DGS en collectivité

Dans la suite de nos habituels interviews « Rayonnement », nous donnons aujourd’hui la parole à Philippe Ramon (ECA91) qui, bien que n’ayant « que » 25 ans de carrière, a déjà navigué dans trois milieux professionnels bien différents. Sa situation, qui permet un certain recul et une mise en perspectives, peut également apporter une forme de réponse à ceux et celles qui s’interrogent sur leur évolution professionnelle.

Interview

Vous avez mené 3 carrières successives : commissaire de l'air durant 10 ans, sous-préfet durant 14 ans puis maintenant directeur général des services de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée. Tout d’abord, quels ont été vos différents postes dans le Commissariat de l’air ?

Je suis de la promo 1991 de l'ECA. Promo impaire, c'est à dire les meilleures bien entendu ! J'ai fait mon stage d'application à La Réunion sur la BA 181 de St Denis Gillot. J'ai ensuite été affecté à la DCCA durant 4 ans comme chef du bureau approvisionnement à la sous-direction du matériel. Au cours de ces 4 années j'ai fait deux OPEX, à Sarajevo et à Bangui. Enfin, je suis parti en Polynésie française en 1998 pour gérer le Fonds de reconversion économique de la Polynésie mis en place après l'arrêt des essais nucléaires. J'étais alors dans les effectifs de la base aérienne mais je travaillais au haut-commissariat c'est à dire à la préfecture.


Dans quelles circonstances avez-vous été amené à réorienter votre carrière en 2000 ?

De retour de Polynésie, où j'avais goûté au fonctionnement de l'administration territoriale de l’État, la DCCA m'a proposé de revenir en centrale sur un poste qui ne me plaisait pas beaucoup, comme chef du bureau matériel au SICA (Service informatique du commissariat de l'air). Je me suis donc échappé... et j'ai demandé mon détachement comme responsable des études économiques et des publications de l'IEDOM, la banque centrale des départements d'Outre-mer. De ce poste, j'ai pu travailler à ma reconversion. Je voulais repartir en province sur un poste à responsabilité comme en offre le corps préfectoral.


Quelles fonctions avez-vous exercées en tant que sous-préfet, en poste ou détaché ?
J'ai eu la chance de sortir major de ma sélection 70-2 de sous-préfet. Cela m'a permis de choisir mon premier poste parmi ceux qui étaient proposés. J'ai opté pour directeur de cabinet du préfet des Pyrénées Orientales. Poste très formateur : sécurité civile, sécurité publique, communication, gestion des affaires dites « réservées » c'est à dire sensibles, organisation des déplacements ministériels, etc. Mes premiers « préfets » ont été Michel Fuzeau qui est devenu préfet de région Auvergne, et Thierry Lataste qui est aujourd'hui directeur de cabinet du Président de la République.
Je suis ensuite parti sur un poste de directeur de cabinet du préfet de région à Montpellier. En 2006, on m'a proposé d'aller ouvrir une nouvelle sous-préfecture à Arcachon. C'était un challenge d'autant plus intéressant que le ministre de l'intérieur, un certain Nicolas Sarkozy, avait l'habitude d'y passer chaque année plusieurs semaines durant l'été avec sa famille... Il a fallu ensuite que je fasse ma mobilité. J'ai été détaché dans les services du Premier ministre, à Marseille comme secrétaire général adjoint aux affaires régionales. En 2010, à la faveur d'un remaniement ministériel, Bruno Le Maire m'a proposé de rejoindre son cabinet et de prendre en charge tous les dossiers liés à l'aménagement du territoire. Je suis donc devenu l'interface entre la DATAR et le ministre. En 2012, enfin, j'ai quitté le cabinet pour devenir adjoint du délégué interministériel à l'intelligence économique. J'étais chef du pôle sécurité économique, c’est-à-dire que je travaillais avec les services de contre- ingérence à la sécurité des intérêts économiques français.

Que vous ont apporté votre formation à l'ECA et votre expérience dans le Commissariat de l’air  pour l'exercice de ces diverses fonctions ?
Je crois tout d'abord, que les commissaires souffrent d'un complexe totalement injustifié. Notre formation est vraiment excellente et notre capacité d'adaptation est reconnue par tous. Je suis arrivé dans le corps préfectoral avec de réelles capacité d'analyse des situations complexes, une réactivité importante mais aussi une certaine rigueur dans la gestion des dossiers et des procédure, qui sont appréciées dans un corps dont les préoccupations sont parfois trop exclusivement politiques, jamais politiciennes, ni encore moins partisanes, mais politiques.

A l'inverse, que vous a apporté « de plus » ou de « différent » cette seconde expérience professionnelle ?

Des responsabilités ! Le commissaire est avant tout un conseiller du commandement. Le sous-préfet est une machine à signer et à prendre des décisions qui engagent sa responsabilité personnelle et qui ont un impact immédiat et direct sur la vie des gens. Le sous-préfet autorise ou interdit, accorde ou refuse, alors que le commissaire conseille.

Depuis 1 an et demi vous avez un poste de direction dans une collectivité territoriale. Est-ce une « autre planète » ou au contraire vos deux expériences passées – et notamment les périodes « terrain » comme commissaire de base puis sous-préfet - vous ont elles bien préparé à ce nouvel environnement ?
Je suis toujours membre du corps préfectoral, mais détaché sur un poste de directeur général des services. J'évolue dans le contexte des collectivités locales depuis 2002 et je croyais bien le connaître. Mais le prisme est en réalité très différent. En tant que DGS, on gère véritablement des budgets, des hommes, des projets comme on peut le faire en tant que commissaire. Le sous-préfet, lui, oriente, interdit, passe outre ou valide les avis parfois divergents des services de l'État, mais ne gère que très peu de projets en propre. Par ailleurs, le commissaire comme le DGS sont épargnés en grande partie des questions de protocole. La base aérienne est représentée par son commandement. La collectivité par ses élus. Le commissaire comme le DGS font le boulot et sont soulagés de ces fardeaux. C'est un point que j'apprécie beaucoup car le poids de l'image et de la représentation de l'Etat est parfois très lourd pour le sous-préfet et sa famille.

Quels conseils donneriez-vous à un commissaire des armées de milieu air qui souhaiterait réorienter sa carrière professionnelle ?

Ne pas avoir d'état d'âme ni de doute sur ses capacités. Les commissaires n'ont souvent rien à envier à nos collègues de l'Ecole nationale d'administration. Il sont rigoureux, efficaces et réactifs ce qui n'est pas le cas de tous les hauts-fonctionnaires. Compte tenu de leur formation solide en audit, beaucoup d'anciens commissaires se sont orientés vers les corps d'Inspection. C'est bien, mais qu'ils n'hésitent pas également à opter pour des emplois beaucoup plus « opérationnels » dirait-on dans les armées. Ils en ont souvent toutes les capacités.

Pour conclure, le fait d’avoir côtoyé de nombreux élus locaux durant votre carrière ne donne-t-il pas l’envie d’entamer une 4ème « carrière », comme élu local ? 
Qui sait de quoi demain sera fait...