mercredi 4 novembre 2015

L'habillement dans l'armée de l'air 1975-1990

La modernité du commissariat de l'air

L'habillement, pour un gestionnaire, est principalement une affaire de stocks, donc par définition, budgétivore et surtout très complexe à faire évoluer. Il est, en effet, difficile de "révolutionner" l'existant (une coupe, un tissu, lancer un nouvel effet), contrairement aux domaines des finances ou de l'organisation, où une décision peut, en schématisant, modifier du jour au lendemain telle pratique ou telle procédure.


Malgré cette difficulté structurelle propre à l'habillement, le commissariat de l'air a su procéder de 1975 à 1990 à de réelles transformations en matière d'habillement dans l'armée de l'air.

Il n'est pas inutile de rappeler que ce service héritait après la guerre, d'une part d'une organisation et de procédures issues de l'armée de terre et d'autre part d'imposants stocks d'habillement, accrus ensuite par les besoins des guerres d'Indochine et d'Algérie, stocks qui ont d'ailleurs perduré jusqu'à la fin des années 70.


Mais la conjonction entre d'une part l'arrivée aux commandes du service d'une génération de commissaires souhaitant "dépoussiérer" ce secteur (notamment les commissaires Monjoin, Barbaroux, Ducassé), d'autre part l'évolution des techniques de confection et des matières et, enfin, l'existence d'un service d'étude de haut niveau, dynamique et force de proposition (SETAMCA puis SELOCA), a permis au commissariat de l'air de devenir, au sein des armées, "le" service en pointe dans le domaine de l'habillement dans les années 80.

Cette modernité trouvait aussi, sans doute, sa source dans l'environnement aérien et à ses défis, liés aux techniques les plus avancées.

Pour éclairer le propos, il a paru utile de rediffuser des articles publiés en janvier 1986 (BLCA n° 20), sous différentes signatures, et qui font bien le point sur les cinq "révolutions" décidées à la fin des années 70 et mises en oeuvre dans les années 80 en matière d’habillement dans l’armée de l’air.

1- la standardisation des tenues

"Le ministre de la défense a demandé, par une note du 25 février 1985, « la standardisation et l'uniformisation de certains effets » ainsi que la « simplification du catalogue des tenues » dans les armées.
C'est très exactement la politique poursuivie par l'armée de l'air depuis plusieurs années pour l'habillement de ses personnels, tant en ce qui concerne la tenue proprement dite que les tissus employés et les accessoires.

Pour la tenue, standardisation et uniformisation des effets communs sont les deux principes de base adoptés tout au long de l'évolution constatée.
Ainsi, du chef d'Etat-major à l'aviateur de 2ème classe, la tenue de travail (« battle-dress ») et la tenue de travail combat, homme ou femme, sont identiques.

Il faut noter par ailleurs que si le nombre de « tenues » peut paraître relativement élevé, celui des effets de base qui les composent est, lui, très faible. Si les gants (blancs ou noirs), les chemises (blanches ou bleues), poignard ou pas, insignes de décorations en barettes ou complets sont sources de « tenues» d'appellation ou de numérotation différentes, l'essentiel, les vêtements de dessus, sont les mêmes. D'où l'effort fait dans la standardisation des tissus, autre axe d'évolution." (commissaire général Vincent) 

2- La rationalisation des tissus

"Pour les tissus donc, les solutions polyvalentes mixtes ont été privilégiées.
Les tenues de cocktail, prise d'armes, cérémonie, service courant, travail et parade sont réalisées dans le même tissu - croisé laine polyester 300 (CLP 300) bleu aviation, défini en 1979 - pour l'hiver comme pour l'été, pour les personnels masculins comme pour les personnels féminins. Le même pantalon toutes saisons, confectionné en série, est porté indifféremment avec la veste, le blouson, la chemise ou la chemisette. Il a remplacé trois effets (deux faits sur mesure, hiver et été, et le pantalon en sergé du « battle-dress » ancien modèle).

Il paraît utile de souligner également que l'adoption du CLP 300 pour le « battle-dress » s'est assortie d'une réduction de 72 à 48 du nombre des tailles et sous-tailles réalisées.

L'adoption en 1971 de la popeline polyester viscose 145 bleu clair (PPV 145) pour la confection des chemises, chemisiers et chemisettes s'est accompagnée, en 1972, de la suppression de la chemise bleu foncée « type SNCF» (GPV 160).

Le tissu de la tenue unique de travail combat - chevron coton polyester 285 (CCP 285) gris vert, défini en 1977 - est utilisé pour 12 articles du paquetage commun et spécialiste. De plus, son adoption a permis de remplacer trois tenues anciennes (tenue de combat air, tenue modèle 64 achetée à l'armée
de terre et treillis).

En définitive, au lieu de 39 tissus réalisés par le commissariat de l'air en 1975, 19 le sont en 1985, dont 9 existaient déjà en 1975 et dont 3 représentent plus de la moitié des consommations (CLP 300,
CCP 285, PPV 145). .
Enfin, pour les accessoires, simplicité et unicité ont présidé aux réalisations en la manière: modèle
unique d'attentes d'épaule pour les officiers, même poignard pour tous, etc ...." (commissaire général Vincent)

« L'exemple type en la matière est celui du croisé laine polyester 300, tissu de base de toutes les tenues bleu aviation de l'armée de l'air : n'importe quel pantalon doit, quel que soit le marché de réalisation de son tissu, s'harmoniser parfaitement avec un blouson ou une veste, confectionné quelques années plus tard par un autre industriel.


Le commissariat de l'air a ainsi défini quatre tissus de base :
- le C.L.P. 300 (effets en polyester laine bleu aviation)
- le C.C.P. 285 (effets en polyester coton gris vert: de travail et de combat)
- la P.P.V. 145 (chemises et chemisettes bleu clair)
- le C.K.V. 205 (chevron kermel viscose ignifugée: effets de vol et de protection NBC).

Compte tenu de la gamme des besoins couverts par ces tissus, il est impératif de leur assurer une
certaine pérennité : leur adoption a été précédée de longues études, en relations étroites avec l'industrie textile. En raison de l'évolution des techniques - qui jusqu'ici n'a pas été foudroyante en matière textile - leur durée de vie devrait se situer entre 10 et 20 ans au minimum. » (commissaire général Barbaroux)


3- Le choix d'articles commerciaux 

"Mais après tout, cette souplesse dans la définition des articles, ne peut-on la développer encore, en adoptant purement et simplement des articles offerts dans le commerce, aux lieu et place d'articles réalisés spécialement pour l'armée de l'air ?

Cette question, de simple bon sens, n'a sérieusement commencé à être posée dans le commissariat de l'air qu'au cours des années 70. N'est-il pas curieux de constater dans cette démarche une certaine concordance avec l'adoption du budget de fonctionnement ?

Est-il nécessaire de décrire minutieusement le slip, la paire de chaussettes, la serviette de toilette, le survêtement, alors que les rayons des magasins, les catalogues nous en proposent un vaste choix ! Est-il indispensable que le pyjama soit uniforme, que le mouchoir possède des dimensions invariables ?
Aura-t-il vraiment fallu attendre mai 68 pour oser jeter aux orties ces bonnes vieilles notices fourmillant de détails qui permettaient à l'Intendance d'assurer qu'il ne manquait pas un bouton de guêtre (parce que le nombre de boutons, la résistance du lacet et le nombre de points au centimètre étaient fixés pour l'éternité ... ) ?

Le commissariat de l'air s'est donc lancé délibérément dans la rédaction de notices « commerciales » pour tous les effets et articles où les notions d'uniformité et de qualités spécifiques n'apparaissaient pas essentielles : sous-vêtements, survêtements, effets de sport, certaines chaussures, accessoires divers ont donc fait l'objet d'une description très sommaire donnant quelques indications (couleur, gamme de pointures, fourchette de dimensions) mais n'exigeant pour l'essentiel que « la bonne qualité du commerce ».
Ainsi donc, tout fournisseur, petit ou grand, pouvait prétendre présenter son produit avec une chance sérieuse d'être retenu si ce dernier présentait le meilleur-rapport qualité-prix. " (commissaire général Barbaroux)


4- le maintien de l'activité opérationnelle en environnement NBC

« La France étant signataire de différents traités interdisant l'emploi et la fabrication des armes chimiques le concept de dissuasion doit s'analyser au second degré. La dissuasion chimique est avant
tout fondée sur la capacité de riposte par des moyens classiques ou nucléaires à toute attaque chimique.
Les T3P ont été conçues pour répondre à ce concept d'emploi.
Ces combinaisons sont portées directement par dessus les sous-vêtements et assurent une protection contre :
- le nucléaire, puisque le tissu extérieur est construit selon une armure chevron très serrée qui ne laisse pas passer les poussières et permet une décontamination sommaire par battage (d'où la nécessité d'avoir le moins d'aspérités poche, velcro où pourraient se fixer les poussières nocives),
- le feu, puisque le tissu est non feu par sa composition (fibre aramide mélangée à de la viscose ignifugée dans la masse),
- le B.C., puisque leur doublure est constituée par une mousse de polyuréthane dont les alvéoles sont
imprégnés de charbon actif.
Le charbon actif, rappelons-le, est utilisé également dans les cartouches filtrantes des masques à
gaz du fait de sa propriété d'absorber les substances toxiques. Le rôle de la mousse carbonée est facilité par I'oléofugation pratiquée à la surface du tissu extérieur de manière à aider à la dispersion des goutellettes toxiques.

Ces vêtements permettent un échange avec l'air extérieur et sont donc plus faciles à supporter.
La capacité opérationnelle s'en trouve ainsi améliorée d'autant qu'une gamme de tailles étendues
(14 pour le T3P de vol, 7 pour le T3P du personnel sol permet de minimiser la gêne du personnel ainsi équipé. » (commissaire Bekaert)

5- Les effets PN, métropole et temps chaud

"Le rédacteur a pu comparer le comportement outre-mer des combinaisons cabine étroite en Kermel thermostable et de celles en croisé coton 180 ainsi que l'appréciation de ces effets par le personnel navigant.
Si les premières offrent une protection au feu que les secondes n'assurent pas, en revanche au plan du confort au porter les fibres thermostables apparaissent dans certains cas difficilement compatibles avec les contraintes climatiques régnant outre-mer.
Les nouvelles combinaisons de vol (en croisé coton 180) destinées aux équipages de transport
sont très appréciées, tant par leur aspect seyant et rationnel que par leur confort et leur solidité"(commissaire général Dupuy)